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La Dimension du sens que nous sommes

Lire L’établi, de Robert Linhart, entretien avec Guillaume Gilliet

20 Mars 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #entretiens-portraits

Guillaume Gilliet a lu l’établi à la librairie l’établi, d’Alfortville. Il nous répond sur son choix de lecture.

jJ : Qu'attendez-vous de vos spectateurs ? J'imagine que vous répondrez spontanément : "rien", pour préserver votre rapport au théâtre, disons. Toutefois... En la posant je songe à Mikhaïl Bakhtine évoquant ce rapport à l'écriture : toute langue est dialogique, et c'est ce dialogue qui en constitue l'essence qui me fonde à maintenir ma question... Quelles que soient les modalités de ce dialogue, différé ou silencieux... Mais bien sûr, elle revient aussi à savoir pourquoi vous avez voulu lire CE texte. Du mouvement des établis, il n'est resté qu'un texte. Ce livre qui constitue à lui seul un aboutissement qui a transcendé largement son objet. Peut-être tout écrivain est-il jeté sans le savoir dans ce même mouvement, dont il ne restera à terme qu’un livre, à la rencontre d’un monde qu'il croyait transformer et que son ouvrage a peut-être en effet transformé, là où il n'attendait plus rien... Peut-être tout comédien est-il jeté lui aussi sans le savoir dans ce même mouvement ?

 

Guillaume Gilliet : A votre question, je répondrais bien plus spontanément "tout" que "rien", tant la montagne à gravir paraît haute parfois au moment de prendre la parole, que l'aide de tous est la bienvenue. Mais finalement non, pas plus "tout" que "rien", je crois. Car c'est le mot "dialogue" qui me semble le plus juste. Surtout dans un exercice comme la lecture et dans une telle proximité avec les spectateurs. "Dialogue différé ou silencieux", j'aime beaucoup cette formule de Bakhtine que vous m'apprenez. Il y a dialogue, je crois, entre un lecteur qui espère les spectateurs à l'écoute, concentrés, curieux, prêts à tout comme à rien, et des spectateurs qui attendent sans doute (et sans le savoir peut-être) du lecteur qu'il reste solidement relié à sa base, au plus près de lui-même sur le chemin qu'il a imaginé pendant les heures de préparation. Alors peut-être que le chemin pourra être parcouru ensemble. Quoi qu'il en soit, il peut difficilement se parcourir l'un sans l'autre. Pendant la lecture de la librairie "L'Etabli", j'ai très vite senti la concentration, la curiosité et le désir, dans le regard des spectateurs, à quelques centimètres de moi pour certains. Cette disposition m'a enveloppé, m'a isolé et guidé dans la lecture pour rester fidèle à ce que j'avais préparé, mais aussi pour trouver la confiance de m'en écarter sans perdre pieds. Je garde le souvenir d'un moment intense et doux. Ça ne se produit pas à chaque fois, loin s'en faut. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui... 

Librairie l’établi, 8 Rue Jules Cuillerier, 94140 Alfortville.

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