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30 janvier 2024 2 30 /01 /janvier /2024 11:01

«Je suis le conteur dans ta tête», endosse Hilsenrath en prologue. Le conte ? Une dernière pensée logée dans un cri d'effroi, une pensée envolée au pied du mont Ararat, le pays des ancêtres de Thovma Khatisian, le pays des Arméniens. Pays sacré profané par les Turcs, d'où les Arméniens n'ont pas disparu : ils reposent par millions sous la terre.

Hilsenrath signe un bouleversant hommage au peuple Arménien, abasourdi qu'il est de réaliser que ce génocide perpétré au début du XXième siècle ait d'abord si vite disparu de nos mémoires. L'extermination oubliée qu'il ne peut, lui, juif ayant survécu aux ghettos, à l'horreur nazie, que regarder en face comme la sienne propre, celle de l'humain, de tout être tout simplement, fût-il «le plus impuissant témoin du monde».

Alors Hilsenrath souffle à l'oreille des nations l'histoire oubliée de l'extermination du peuple Arménien. «Je dis : je voudrais simplement rompre le silence», affirme-t-il au fictif secrétaire général de l'Union de la Conscience des Peuples, qui a du mal à comprendre.

 

Le personnage qu'il invente, adopté en 1915, émigré en Suisse, a été contraint de s'inventer un nom lui qui, orphelin, ne savait même pas d'où venait sa famille, exterminée ou morte pendant l'exil, ou peut-être pas. Il a cherché pendant des décennies des traces qui toutes jusque là conduisaient au néant. Et puis, de nouveau, Hilsenrath nous confie cette quête, imaginaire donc, une fiction parce que pour beaucoup, il ne reste que cela.

Dès le Livre I, la Dernière Pensée, qui est dans ce roman un personnage puissant, s'envole vers 1915 pour observer le grand massacre ( Հայոց ցեղասպանություն ). Elle vole auprès du père de Thovma qui, torturé, évoque les massacres de 1876. Le récit est violent et cru et cependant narré sur le mode de l'innocence, les faits exposés comme allant de soi dans un monde fermé à toute empathie. Et file une veine grotesque, moins l'absurde que le grotesque des grands romans de l'ex-Est : songez à Karel Čapek, Bohumil Hrabal, Jaroslav Hašek, etc. Car ce que les turcs, dans le roman d'Hilsenrath, veulent faire avouer au père de Thovma, n'est rien moins qu'il est à l'origine de la guerre de 14-18... Ils chérissent leur Grande Conspiration Arménienne contre l'Occident.. Et qu'importe si rien ne tient debout, si la ficelle est énorme : les turcs ont besoin de justifier aux yeux du monde le génocide qu'ils préparent... Hilsenrath est incomparable pour mettre pareilles aberrations en scène. On rit aux larmes, mais l'on s'arrache les cheveux à découvrir la complaisance de l'occident face à ces comédies. Bouffon, notre monde ?

 

«L'extermination du Peuple Arménien ne dépend en fin de compte pas seulement des exterminateurs, mais aussi du silence de leurs alliés », pose Hilsenrath et là, on ne rit plus. C'est bien encore, toujours, de notre monde dont il est question.

 

De Livre ne Livre nous remontons toute la chaîne familiale. C'est tout un monde engloutie qu'Hilsenrath révèle. Et son engloutissement : les violences, les tortures, les assassinats sommaires, les exécutions de masse, les déportations, les spoliations... Les hommes massacrés, les marches de la mort qui tournent en rond pour laisser le temps aux soldats turcs, aux pilleurs, aux brigands, aux assassins de piller, violer, massacrer les femmes, les enfants, les vieillards. Officiellement, il n'y a pas de déportation, mais le déplacement de populations hors des zones de guerre... Tout un peuple jeté sur les routes, assailli par les chiens errants qui suivent les familles en haillons pour dévorer les faibles, les blessés, les malades, les vieux qui ne peuvent plus marcher. C'est cette traîne de balluchons abandonnés qu'Hilsenrath décrit, avec la foule des turcs qui suit derrière, pour dépouiller encore.

 

La Dernière Pensée finira par raconter cette histoire à son ombre. On glisse vers tant d'absence, métaphore d'une humanité sans humanité, où les victimes ne sont même plus l'ombres d'elles-mêmes, abandonnées à l'oubli, que ce roman réfute.

 

«Que toutes les victimes du monde se mettent à chuchoter», conclut magistralement Hilsenrath. Les autres, à leur prêter l'oreille.

 

 

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Edgar Hilsenrath, Le Conte de la dernière pensée, éd. Le Tripode, traduit de l'allemand par Bernard Kreiss, hiver 2014, 554 pages, première édition 2012, Francfort, 24 euros, ean : 9782370550484.

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27 janvier 2024 6 27 /01 /janvier /2024 13:01

« Et le reste n'est-il

Par le souvenir détruit ! »

C'est par ces mots que Sebald ouvre son recueil. Quatre nouvelles, quatre portraits entre enquête, documents, fiction, biographie, récit imaginaire et témoignages. Quatre destins d'exilés, poussés sur les chemins du renoncement par l'énorme cruauté de l'Histoire, la nôtre, tellement déchiffrable. Quatre existences « documentées » par des photos de mauvaise qualité qui déjà portent la trace de leur disparition : peu de signes sur ces images, peu d'image en fait, à l'image. On est frappé en regard par la méticulosité des descriptions, en rien métaphoriques et qui, à elles seules, consignent ce qui de vivre n'existe plus. Ce sont les images qui paraissent d'un coup oniriques, quand le récit fonde la séparation entre le rêve et la réalité.

 

Fin septembre 1970. Hingham. Couché sur la pelouse, le Docteur Henry Selwyn, est le dernier habitant d'un vaste jardin qui naguère nourrissait plusieurs familles, aujourd'hui retombé à l'état sauvage. Le narrateur, W.G., loue dans l'immense maison naufragée quelques pièces. Il Interroge. Qui est Henry Selwyn ? Un juif de Lituanie. L'an 1899 sa famille dut partir. Elle pensait accoster à New York, elle toucha terre à Londres. S'y logea sans jamais parvenir à s'y installer vraiment. Le silence des origines est assourdissant quand Henry raconte son histoire. Septembre 1970. Quelques mois plus tard, Henry se suicidait.

 

Paul Bereyter, janvier 1984. Cet homme voulut toute sa vie enseigner aux enfants, être instituteur. Mais parce qu'il avait un quart de sang juif, les nazis l'en empêchèrent. Paul était l'ancien maître d'école de Sebald. Une photo de classe l'atteste. Sebald enquête cette fois encore. Paul se sentait allemand. Il était rentré de son exil hors de l'Allemagne en 1939. Enrôlé dans la Wermacht, il avait combattu les ennemis des nazis, ces nazis qui avaient envoyé sa fiancée dans un camp. Qui saura l'expliquer ? Convaincu que sa place était ailleurs, il s'exila de nouveau, avant de revenir mourir dans sa ville allemande de S., où il se suicidera.

 

Ambros Adelwarth. Grand-oncle de Sebald. Exilé parce qu'il ne pouvait vivre son homosexualité. Le récit le plus long de cet ensemble. Le plus intense. Au service d'un très riche new-yorkais, Ambros permit à toute sa famille de trouver un refuge en Amérique. Il aura vécu toute sa vie dans la passion d'un homme devenu fou, qu'il suivra un matin : « I go to Ithaca », l'hôpital psychiatrique monstrueux qui pratiquait sur ses patients le soin par électrochocs, qui les tuait. Non pas un retour donc à Ithaque, mais une sorte de suicide pour, ayant perdu l'être aimé, y « Annihiler toute capacité de réflexion et de souvenir ». Les dernières pages sont absolument sublimes.

 

Max Ferber. Un moment de fracture là encore, dans les décombres d'une ville ouvrière en ruine : Manchester. Max vécut dans une maison où séjourna Ludwig Wittgenstein. Il s'y enfermait nuit et jour, crayonnant ses dessins à la mine de plomb dans une ville recouverte de poussière. Max n'en sortit qu'une fois pour un long voyage aux abords du lac Léman et à Issenheim, pour y contempler le retable de Grünewald. Le narrateur découvrira le carnet fictif, rédigé par Sebald, de la mère de Max, déportée depuis son ghetto dans un camp où ses parents seront exterminés.

 

Que dire de cette œuvre ? Les grands écrivains que j'admire l'ont tenue pour une œuvre d'exception, de Susan Sontag à Arthur Miller. Elle l'est. Marquée par les débris d'un siècle d'horreur. Elle l'est, jamais jugeant, jamais condamnant mais narrant, avec retenue mais non sans lyrisme, l'impossible résilience. Ceux qui ont perdu leur monde ne purent y survivre. Érudite, fragile, l'écriture est devenue ce territoire refusé, enfoui, d'une mémoire fantomatique.

On a dit de la langue de Sebag qu'elle était sinueuse. C'est-à-dire ? La métaphore vaudrait-elle la peine d'être creusée ? Sinueuse au sens où elle se détournerait beaucoup, mais de quoi ? Il y a, oui, quelque chose du détour dans ces récits qui donnent à voir un monde raconté par l'Autre et dont chaque fois Sebag se fait le témoin. Du détour poétique : la prose de Sebald est méditative, ses phrases sont longues, « lentes », patientes, appelant le lecteur à plonger lui-même plus avant dans sa propre contemplation du monde silencieux des émigrés.

Et puis il y a ces images. Lessing, dans son Laocoon (1766), avait thématisé cette rupture entre dire et montrer. Le discursif n'est pas l'iconique. Se complètent-ils ? Ici Sebald nous invite à contempler ce que l'image, dans son impuissance à être, parvient cependant à nous faire dire. Et le texte à nous faire voir. Qu'y a-t-il de commun entre les deux, que nous dévoilerait la prose de Sebald ?

 

Le déchirement de l'intime : l'exil est le lieu d'un mourir infligé. Où l'effacement s'inscrit en maître des horloges. La lecture des images en est la première victime. A laquelle la langue tente de porter secours. Et avec l'image, ce qui disparaît, c'est la personne, dont l'écrit, territoire métaphorique de l'émigré, se charge comme d'un fantôme. Mais il ne reste à sauver que cette patrie : la littérature, où exister malgré «l’habilité avec laquelle tout a été rendu propre».

Où résister à l'engloutissement et à la séparation.

 

#wgsebald #jJ #joeljegouzo #litterature #roman #wgsebald_dieausgewanderten #emigre #émigrés 

 

W.G. Sebald, Les émigrants, Folio, F11, traduit de l'allemand par Patrick Charbonneau, mars 2003, première édition Actes Sud, 1999, ean : 9782070425228

 

Austerlitz, W. G. Sebald - La Dimension du sens que nous sommes (joel-jegouzo.com)

 

France Culture :

 

W. G. Sebald (1944-2001) : Une vie, une œuvre (2012 / France Culture) (youtube.com)

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27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 11:17

Siècles au pluriel. Deux en fait : le nôtre et celui de Jean Cocteau et de Raymond Radiguet.

« Je n'existe plus », ouvre la première nouvelle : notre siècle se déballe dans un immeuble insalubre et une chambre de bonne conçue comme un refuge. Ce siècle se défait plus qu'il ne s'inaugure dans un paysage urbain en ruines. Chez nous. Pas ailleurs. Juste là, ici. Porté par une comédienne qui fait sécession, refusant de jouer le jeu, de jouer tout court. Grande lectrice de Goliarda Sapienza, elle est libre désormais, puisque redevenue personne.

C'est sur ce même paysage de ruines, mais intérieures, que ce recueil de onze nouvelles va se conclure. Barthes en mémoire : «J'y suis», si intime, si poignant, réalisant que ce qui devait être un date s'achève en bouscueil : «quelque chose était fini : l'amour d'un garçon». Que devient-on quand l'amour déserte, quand fuit le désir, l'appel de l'autre ?

1920. A notre comédienne répond Jacques Rigaut : «Je serai un grand mort». Est-ce tout ce qu'il nous reste ? Tout quitter là encore. S'évader. Ou n'être que de passage, comme Vincent dans le troisième acte, fort de son ironie détachée.

Fuir toujours, comme Klaus Mann en 1932 : «Je ne suis pas l'Europe», du moins pas celle qu'ils nous ont concoctée, cette Union contre les peuples, qui résonne sous nos pas aujourd'hui comme une bête immonde. Fuir, ou partir en vacances, vivre dans l'insouciance de nos désirs adolescents ? Pas même. A tout, prix pourtant. On aimerait pouvoir encore courir, rêver, même un peu ? Peut-être même pas.

Au fond, c'est la problématique du XXIème siècle que déroule l'auteur. Ce qu'il reste de ce que l'on a cru -comme l'idée que l'on pouvait ne vivre que pour soi. Ce pour soi du siècle précédent qui nous a tant fait perdre et nous hante encore avec son imaginaire de guerre, de ruines, qui s'amoncellent déjà.

«J'ai le soleil en moins», écrit dans une lettre Jean Cocteau : il faudrait fuir, mais il ne le peut plus. Fuir l'illusion de la douceur de Radiguet.

Parce que l'on n'aurait « pas besoin d'amour » ? Au pied du Mont Ventoux, énoncé dans un très tendre récit dont on goûte jusqu'à l'ivresse la simplicité et la limpidité.

 

Onze nouvelles qui ont en commun, au-delà de la ruine, le refuge de la langue, sa beauté, sa fluidité, son miracle.

Arnaud Cathrine est un écrivain précieux. Non pas au sens d'une préciosité qui lui supposerait une vie littéraire faite de vanités, mais pour reprendre monsieur Bray qui tenta de théoriser ce mouvement littéraire si injustement moqué par la suite, au sens, un peu, d'une préciosité de figuration attachée à une certaine esthétique, plus qu'à une éthique de la vie. Mais l'un dans l'autre, n'est-ce pas... J'ai lu ses nouvelles comme des anti-scènes de fêtes galantes, entre mesure, politesse et ironie, attentives au raffinement de la langue, des évocations, fuyant les artifices dans cette volonté si affirmée de se créer un monde qui ne fût pas qu'à soi. Le goût de l'élégance littéraire, celui des portraits, de l'éloge, dans cet attachement à l'amitié tendre comme au salon de Mademoiselle de Scudéry.

 

Un art de vivre, que ce raffinement des idées et du langage. Et tout comme au salon de Scudéry, on y retrouve la subtilité d'une écriture qui s'est mise au service d'un discours sur l'amour. Mais nul langage ampoulé ici. Pas de jargon. Pas d'affectation et surtout pas le refus du sensuel. Pas de formules brillantes. La recherche de l'effet se cantonne aux titres des nouvelles si curieux -«J'y suis» : si fragile.

 

#jJ #joeljegouzo #litterature #nouvelles #arnaudcathrine #jeancocteau #raymondradiguet @arnaudcathrine #editionsverticales #jacquesrigaud #rolandbarthes #klausmann #goliardasapienza

 

 

 

Arnaud Cathrine, Début de siècles, Verticales, décembre 2021, 308 pages, 20 euros, ean : 9782072945618.

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8 décembre 2023 5 08 /12 /décembre /2023 15:58

Le livre s'ouvre sur une dédicace forte : «A ceux qui luttent, à ceux qui tombent»...

Jacques Bonhomme est en cavale. C'est cette cavale qui est racontée, au jour le jour, neuf très exactement, avec les flics armés pour l'abattre à ses trousses, qui chaque jour se rapprochent un peu plus de lui. Jacques est agriculteur. Ils le sont depuis des siècles dans sa famille. Mais là, il n'a plus supporté, à égrener le nombre de suicides autour de lui, le nombre de cancers, la course au rendement, l'endettement chronique, la monoculture de masse... Il avait pourtant essayé, avant d'être convaincu «que cette modernité était dépassée, qu'elle était même le contraire du progrès ». Les sols malades, les forêts malades, les bêtes gavées d'antibiotiques, les pesticides partout. Un temps il avait cru à la lutte, s'était engagé, avait même fini porte-parole de la Confédération paysanne, avait milité pour un autre modèle. Un temps et puis...

«Les bêtes sont le Christ», hurlait-il aux flics qui le poursuivaient. Tout avait commencé par un contrôle administratif. Il s'était fait épinglé pour un retard dans sa déclaration. Un simple retard qui lui avait valu une grosse amende. Et la spirale de l'endettement, prenant conscience de l'injustice : après tout, c'était eux, les petits paysans, qui faisaient vivre les banques, le marché des pesticides, l'agro-industrie, la grande distribution... Partout des cohortes d'inspecteurs s'abattaient sur leurs champs. Vérifiant s'il ne manquait pas un vaccin, si l'on gazait bien les cochons au lieu de les saigner, si on élevait bien les poussins sur des tapis roulants. «Les bêtes sont le Christ» torturé, crucifié...

Avec la Confédération, il avait sauvé comme il avait pu le vieux Baptiste du cyber-élevage qu'on voulait lui imposer. Mais aucune victoire n'était durable avec ces gens-là. Partout des bêtes se retrouvaient confinées dans leurs élevages en attendant d'être abattues, faute de pouvoir exhiber les bons papiers...

La réalité, c'est qu'on enterrait vivant le monde paysan. La traçabilité, la sécurité alimentaire n'étaient que des leurres pour se débarrasser de la petite agriculture familiale.

Jacques avait reconverti sa ferme, pratiquait les circuits courts, biologiques. Mais l'été 2016, les contrôleurs étaient venus avec les gendarmes. Le contrôle s'était mal passé, cinq bêtes avaient fini dans la rivière. Jacques avait sorti son fusil et refusé de se rendre «complice d'un modèle qui entasse les bêtes vivantes comme des bêtes mortes».

Il devait maintenant payer au prix fort cette révolte.

 

#jJ #joeljegouzo #litterature #roman #corinneroyer #editionsactessud #paysan #agriculteur #agriculture #bio #terre #cyberelevage #climatecrisis #climatewarming #agricultureworldwide

 

 

Corinne Royer, Pleine terre, Actes Sud, août 2021, 334 pages, ean : 9782330153908.

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1 décembre 2023 5 01 /12 /décembre /2023 11:55

Magnifique album jeunesse, tant par les illustrations aux superbes planches en teintes automnales, que par le propos : «nous ne sommes que de passage, c'est la Terre qui nous possède»...

 

Il pleut, ça sent le pétrichor, cette odeur de terre après la pluie, d'humus aquifère.

Kitsune est une enfant, mais une déesse, la dernière de sa lignée, habitante d'un royaume auquel un mauvais roi a mis le feu. Littéralement : la forêt brûle, le village de Kitsune est en cendres et sous ses pas s'ouvrent des pièges, des déchirures, des trappes. Sauvée, Kitsune se voit offrir par des serpents une pierre d'ambre magique, que la fille renard va perdre et retrouver chez les Onibi, qui n'acceptent de la lui rendre qu'à la condition qu'elle ramène le cœur du fils du Roi, Koyo. C'est le prix à payer pour libérer les siens et recouvrir sa liberté. Kitsune part accomplir sa quête, mais ramenant Koyo, elle découvre en lui tout l'opposé de son père : un garçon aimable et tendre. Comment livrer un garçon aussi innocent, aussi plein de bonté, d'attention à autrui ?

De péripéties en péripéties, Kitsune doit choisir et fini par se proposer en sacrifice. Hélas il est trop tard, l'enfant a été transformé. Vraiment trop tard ? Kitsune veut rendre la pierre d'ambre : à quoi bon dans ces conditions ? Faut-il accepter que l'injustice demeure, quand bien même elle ferait partie du monde ? Kitsune finira par brûler la pierre d'ambre et renoncer à son immortalité. Le récit nous mènera de révélations en coups de théâtre, au seuil du renoncement de Kitsune : ni chasseur ni proie, on doit pouvoir vivre autrement.

#jJ #joeljegouzo #albumjeunesse #litterature #litteraturejeunesse @domergueagnes #helenecanac  #editionsjungle @editionsjungle

 

 

Agnès Domergue, Hélène Canac, D'Ambre et de feu, éditions Jungle, 2022, ean 9782822234061.

 

 

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30 novembre 2023 4 30 /11 /novembre /2023 12:29

L'une est en prison pour mineurs, l'autre n'arrive plus à sortir de chez lui. Et l'une et l'autre vont correspondre, follement, se raconter, se confier, s'analyser. Ils ne se sont pas vraiment connu(e)s, mais étaient élèves dans le même lycée. D'une manière drôle et fascinante, ils commencent par échanger des photos floues d'eux. Faut-il en préciser la symbolique ?

Max vit son enfermement comme une liberté. Flora, incarcérée, veut sortir. Sortir... Bien que pour l'une et l'autre, ce soit le monde qui est raté, qui ait raté.

Max dévore Mary Shelley, Flora, Sylvia Plath et Pessoa, lucide sur sa condition féminine : «être une fille n'est pas un appel au viol, ni même à la drague !» Que serait alors la liberté sous cette condition ?

Elle se rappelle le lycée, les filles qui la moquaient en groupe, le harcèlement, les garçons si mauvais.

Sortir pour retrouver ce monde ? Flora veut être libre, partout, se sentir libre et non contrainte, ni sur la réserve, toujours.

Aux yeux de Sam, «le monde est effrayant : il lui manque un plafond.» Être libre serait aussi à ses yeux n'être plus contraint de faire bonne figure, se soustraire au jeu des relations sociales truquées, si souvent vides et hypocrites. Lui voit les adultes comme des somnambules égarés n'osant pas même ces gestes de suppliciés au-dessus de leur tête, qu'évoquait Artaud. Il comprend néanmoins que Flora veuille sortir. Encore que... Lui demandant de classer ses arguments : qu'est-ce qui vaut la peine de sortir ?La nature répond Flora. La nature. Et puis les librairies. Un enchantement.

Tout au long du récit, d'une main l'autre passe une poupée, très beau, très poignant fétiche, qui va représenter Max à l'enterrement de sa grand-mère, Max ne pouvant, psychologiquement, s'y rendre. Suivez le fil de cette poupée, tant il est fabuleux, littéralement.

Flora finira par écrire une lettre d'excuses à la fille qu'elle a agressée au lycée et qui lui a valu sa peine de prison. Elle va sortir, s'y prépare, tandis que Max s'y prépare lui aussi, cherchant des solutions pour affronter le monde extérieur. Et l'un et l'autre forment un projet d'avenir : une école alternative.

«La liberté, c'est la possibilité de s'isoler», écrivait Pessoa. Le roman s'achève la veille de la sortie de prison de Flora. On ne verra pas leur rencontre, qui très pudiquement, romanesquement, leur appartient.

Un roman tout en force et pudeur, puissant et subtil, écrit à deux mains dans une grande unité de style.

 

#jJ #joeljegouzo #roman #litterature #litteratureyoungadult #romanjeunesse #lecoledesloisirs @lecoledesloisirs @martinpage @colinepierre

 

 

Martin Page, Coline Pierré, La Folle rencontre de Flora et Max, éd. L'école des loisirs, poche, mai 2022, 200 pages, ean 9782211235174.

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29 novembre 2023 3 29 /11 /novembre /2023 13:29

Sandrine Kao explore les traumas transgénérationnels. Un roman, certes, mais qui prend place dans une généalogie bien réelle. Un roman jeunesse, littérature young adult magnifique de profondeur et d'invention, qui scrute l'Histoire avec une lucidité inouïe, et celle de générations de femmes martyrs, tant l'Histoire est celle de leur leur domination.

 

Anna-Mei a 16 ans. Elle raconte le ciel immobile, la traîne des avions qui s'effiloche et se dilue avant de s'évanouir. «Je suis folle». Qu'est-ce qui soudain s'est éveillé en elle, au moment où sa vie semble être à un tournant, avec cette échéance d'un concours qu'elle ne sait ni vouloir réussir, ni vouloir échouer, avec sa relation à Simon, dont elle scrute, anxieuse, la sincérité ? Le confinement semble alors arriver au bon moment pour elle, qui voulait se couper du monde, faire le point. Est-elle folle ? Ou bien ? Chercher ailleurs ? Dans ces non-dits qu'elle sait à présent deviner, sa mère décédée dont on ne parle qu'à mi-mot, sa grand-mère, tellement secrète sur son histoire. Oui, le confinement est le bon moment pour scruter ce qui n'est pas passé, ce qui toujours revient, hante et obsède. Anna-mei interroge Ama, sa grand-mère, qui raconte la Chine du début du XXIème siècle où tout a commencé pour «elles», plus que pour le nous familial, tant l'épreuve aura été celle des femmes dans cette histoire. Elle raconte prudemment la branche maternelle. Zhau, cette aïeule qui refusa de se bander les pieds, du moins, ôtait ses bandelettes la nuit et dont les pieds devenus trop grands eurent des conséquences dramatiques sur sa vie. Elle raconte cette histoire des femmes chinoises aux pieds meurtries, nécrosés, mortes souvent de septicémie. Cendrillons inversées qui connurent des fins tragiques pour la plupart. Ama raconte Liying, la fille de Zhou dans la Chine envahie par le Japon, les massacres de Nankin. La fuite, encore, toujours, leur survie et la culpabilité qui s'y était attachée ! Elle raconte les amours ratés de mère en fille, les «échecs» de ces mêmes femmes rompues par la société, la «disparition» de Liying et sa fille Lin, recueillie par Zhou, déjà une histoire de fille élevée par sa grand-mère. Elle raconte le Grand Bond en avant (1959-1961), la famine, leur maison transformée en charnier. La fuite, encore et encore. Lian, la fille de Lin, et Mei, cette enfant si belle qui fuit la Chine à son tour pour Taïwan, seule avec deux filles, et qui finit internée dans un hôpital. Et Mei, la mère de Ama, elle-même orpheline et Lian et sa sœur jumelle partie vivre à Tokyo pour un garçon qui l'abandonna aussitôt. Et Ama, à se raconter, réalise que le trauma familial la rongeait elle-même et qu'il est temps de tout livrer, de tout révéler, de tout mettre à plat pour se débarrasser de la résignation et du malheur qui aura tant accablé les femmes de son lignage.

Alors Anna-Mei saura pour sa mère. C'est son père qui le lui avouera. Elle saura qu'elle n'est pas folle, qu'aucune de ces femmes n'a été folle et qu'à présent, perchée comme un oiseau sur son arbre généalogique, elle peut vivre sa vie la sienne, sans entraves, et en la portant à bout de bras, non pas racheter ni sauver, mais transcender cette douleur qui n'a cessé d'habiter leur maison.

 

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Sandrine Kao, Comme un oiseau dans les nuages, Syros éditeur, novembre 2021, 284 pages, ean : 9782748530490.

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25 novembre 2023 6 25 /11 /novembre /2023 13:41

« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent »...

Une ado, dans une cité, assise sur un banc, les écouteurs sur les oreilles : elle écoute... les Beatles (!), habillée bisounours avec ses chaussures à fleurs. Dans la cour du collège, la voici prise à partie, parce qu'elle est nouvelle Alice, et qu'elle ne ressemble en rien aux filles de la cité. Nawel, l'héroïne de la BD, grande gueule comme on dit, la défend : «Personne n'y touche !». C'est qu'Alice l'intrigue, et qu'elle a pris une claque en écoutant Paul Mc Cartney sur ses conseils. Nawel découvre la pop. Les deux s'entendent bientôt comme il n'est pas possible, montent un groupe synthé guitare : «Nuit noire». Tout va pour le mieux : elles réussissent leur bac au Lycée Saint-Exupéry de Créteil et puis commencent les difficultés : elles veulent s'inscrire en BTS audiovisuel, mais rencontrent l'hostilité de leurs parents. Déterminée, Nawel passe outre, mais rencontre cette fois dans son établissement le mépris de classe des étudiants parisiens... Superbement traité !

Pour Nawel, sa trajectoire devient un vrai choc culturel. Mais elle n'en démord pas : «Je veux la vie entière ou rien».

 

Les planches sont magnifiques, tout particulièrement leurs nuits sans mots, ces prises de conscience quasi charnelles, le rejet nécessaire mais coûteux, corporel là encore, des conventions -une grammaire inventive de formes déclinées par Claire Fauvel, une encore plus riche palette gestuelle dessinée avec force, dans ces manières de s'écrouler de fatigue, de surgir à soi, qui font de ce roman graphique un album somptueux -n'ayons pas peur des mots...

Nawel bosse pour se payer ses études, s'épuise mais vit. Les filles postent quelques compositions sur facebook, instagram, sont contactées par un programmateur et finissent par donner leur premier concert, avant de participer à un concours qu'elles perdent de justesse, empochant le prix du Public mais pas le grand prix qu'un suédois, Olsen, remporte. Mieux : elles finissent par enregistrer leur premier EP : une pop électro sombre qui reçoit un bon accueil de la critique.

Elles ont trois mois de liberté financière devant elles. Libres ! Libres, enfin, de créer. Les voici à Paris en vélo, en planches somptueuses et tendres. Et puis... Nawel tombe amoureuse d'Olsen. Frustré, jaloux, inquiet de leur énergie, de leur talent, Olsen fera tout pour leur ruiner la vie...

Nawel déprime. Nawel battue ? Comment lutter quand on a touché si près le but qu'on voulait atteindre et qu'il s'est dérobé sous les coups de butoir de la trahison ?

Superbe roman graphique, aux échos si féconds, pas seulement sociétaux, mais existentiels, où courage et fragilité vont de pair : si le faible est tout puissant de sa sincérité, celle-ci l'expose, douloureusement. Nawel en éprouve le prix.

 

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Claire Fauvel, La nuit est mon royaume, éditions Rue de Sèvres, 2020, ean : 9782369819271.

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21 novembre 2023 2 21 /11 /novembre /2023 11:38

La Révolution d'octobre 1917, au jour le jour, sans préjuger de ce qu'il en adviendra. Au jour le jour : pour tenter de l'incarner à travers une troupe de théâtre et le portrait de deux jeunes femmes qui s'y engagèrent totalement, deux sœurs, Tatiana et Lena. L'engagement est d'ailleurs l'une des questions fondamentales que le roman pose, une autre étant celle de savoir ce que c'est que d'être révolté, ce que cela implique et ce que peut bien être l'horizon de la révolte. Le tout sous l'ombre magnétique de Maïakovski «porteur d'eau et de vidange, mobilisé par la révolution, recruté par elle» (A pleine voix, 1930), dont l'hymne aux révoltés ne peut, aujourd'hui encore, laisser de marbre. Un Maïakovski qui pourtant ne se jeta à corps perdu qu'éperdu dans la foule des émeutiers dont il chérissait le tumulte et la liesse. Mais réticent quant aux fourches caudines qui se pressaient au-dessus des fronts des poètes pour enrôler l'Art au service du politique : «L'Art est notre affaire», ne cessera-t-il d'affirmer, malgré les malentendus et ses propres errements...

De février à octobre 1917 donc, on traverse la Russie dans la tourmente de la famine, de la misère. En février le tsar abdique, les soldats se mutinent. Un gouvernement provisoire est formé, tandis que la colère s'amplifie. Vient octobre à pas de loups tant les embûches sont nombreuses.

Tatiana s'interroge. Quelle y serait sa place à elle, née pauvre, destinée à mourir pauvre ? Lena, sa sœur, s'exprime déjà haut et fort et l'une et l'autre sont emportées bientôt dans le tourbillon révolutionnaire.

Au gré de leurs rencontres, le roman s'affine et s'enrichit d'une multitude de personnages émouvants sinon poignants, toujours incroyablement fécond en intrigues, en rebondissements, en péripéties et coups de théâtre qui forcent la réflexion, plutôt qu'elle ne l'engourdit par des réponses hâtives. On y croise Stanislavski et son Théâtre d'Art, et tant d'autres dans le bouillonnement intellectuel du Moscou de l'année 1917. Non pas un décor, la fresque brossée, mais l'aiguillon d'une réflexion qui ne peut pas ne pas devenir personnelle au détour des situations, et engager chaque lecteur auprès de chaque autre dans le questionnement de ce qu'on est, tout comme de ces grands problèmes de la vie : qu'est l'amour, l'amitié, le désir de liberté, la violence, l'outrance, la mesure ou l'art ?

Ce dernier, comme en écho au roman que l'on est en train de dévorer. Qu'est-ce que l'art ? Doit-il être révolutionnaire ? Comme... au service de la Révolution, ou bien ? Car : la révolution politique peut-elle coïncider avec la révolution dans les arts ? Qu'est-ce au demeurant, l'art engagé ? Reformulons encore : qu'est-ce qu'éduquer le peuple ?

«Vive l'Art, libre de la politique !», s'exclamera Maïakovski, tout en maintenant la nécessité d'une réflexion et sur la question de son organisation institutionnelle, et celle de «L'Art pour tous» (voir la réunion du 14 avril 1917, au cours de laquelle il refusa qu'on thématise cette question pour y réciter ses poèmes). Bousculer les codes, les repères, les catégories. S'il s'agit avec la révolution de «fendre le crâne du monde», comme le souhaitait Maïakovski, du moins faut-il encore comprendre que la révolution est une entreprise politique, pas artistique, et qu'on ne peut lui aliéner la liberté que chaque révolution artistique promet, ouvrant le regard à de nouvelles manières de voir ou la danse à de nouvelles manières de faire corps dans le monde.

 

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Carole Trébor, Révoltées, Rageot éditions, octobre 2021, 254 pages, ean : 9782700277197.

 

Le roman de Carole Trébor est évidemment beaucoup plus riche que ce que j'en ai dit, en intrigue, en personnages, en émotions, en sensations. Peut-être parce qu'il s'adresse à des collégiens, des lycéens et des jeunes adultes -mais tout le monde peut le lire. Cela dit, cette intention l'oblige : il n'oublie ainsi même pas le versant pédagogique de son propos. On y trouvera tout un dossier sur la Révolution russe de 1917, un glossaire, un plan de Moscou et des lieux cités dans le récit, tout un matériel mit généreusement à la disposition des enseignants.

 

 

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20 novembre 2023 1 20 /11 /novembre /2023 12:48

Une dystopie au pays des survivalistes. L'humanité d'après, conduite par un vieux chien aveugle sur des chemins de crête. Non le guidait pourtant ce chien, tombée avec lui dans une déchirure de la terre, une crevasse, un trou. Non, c'est la mère, la matrice de leur monde, celui de Fleur et Lion, des enfants rescapés qu'elle a élevés. Elle leur a appris à survivre, cachés du monde des gens, soustraits au monde. Tombée donc, tandis que Lion et Fleur s'efforcent de ne pas courir sur la crête pour lui porter secours. Ne surtout pas cavaler pour qu'existe un recours de corde et de piquets. Mais rien ne saurait les ramener à la surface. Non est blessée. La décision logique est d'autant plus simple à prendre que Non les y avait préparés. Ils savent donc ce qu'il leur reste à faire : l'ensevelir sous un tombereau de sable et de pierres.

C'est une question de survie. «Alors ils ont continué. Vivre. Non les avait bien éduqués, ils savaient quoi faire» : se méfier du monde des gens, des traces qu'on pouvait leur abandonner.

Et puis il y a Il, qui revenait chaque été. Qui revient. Fleur et Lion lui apprennent la mort de Non. Il, c'est un client. C'est lui que les chiens n'aiment pas. Il revient pour la drogue que Non fabriquait. Et les réserves dont elle tenait la comptabilité pour tenir des décennies, puisque le monde n'était plus.

Il s'installe alors. Prend la place de Non, les divise, abuse de Fleur... Lion observe son manège, cherche dans les livres ce qui définit au mieux ses actes, ses gestes, le piège dans lequel sa sœur est tombée. Il sait qu'il devra raisonnablement s'en débarrasser.

Une dystopie survivaliste. Mais ce qui frappe le plus, c'est l'écriture, ciselée comme on dit, et dont l'étrangeté surtout tient à ce qui manque à Fleur et Lion : l'interlocutoire. Du coup, ils vivent et pensent sans filtre moral. Autrui est comme une sorte d'objet posé devant eux. Ils agissent autant qu'ils sont agis par une pensée infra-rationnelle, aurait diagnostiqué Piaget, qui les fait observer autrui uniquement sous l'angle des effets physiques et/ou physiologiques qu'il peut provoquer.

Le monde que Non leur avait enseigné était réduit à une maquette de petits trains électriques avec son ciel de toile de fond, ces villages en carton, ces ponts qui ne franchissaient rien, ces voitures miniatures, les bêtes et les gens en papier mâché.

Mais Il est arrivé, s'est installé, a rompu l'équilibre. Avec lui, il fallait développer une autre stratégie tandis qu'il prenait petit à petit possession des lieux, des réserves, de sa sœur nubile. Lion s'était mis à chercher dans les livres les mots susceptibles de le caractériser. «Manipuler» par exemple. C'était bien ce qu'il faisait avec sa sœur. Il fallait en tirer toutes les conséquences. Froidement.

 

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Eve Derrien, Mais les chiens ne l'aimaient pas, éditions Et le bruit de ses talons, novembre 2020, 114 pages, 15 euros, ean : 9782379120213. première édition : Les contrebandiers, 2014.

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