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La Dimension du sens que nous sommes

Lemaire, Macron, NuitDebout, la recomposition du paysage politique

11 Avril 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Lemaire, Macron, NuitDebout, la recomposition du paysage politique

Pour imaginer cette recomposition, il faut avoir en tête le périmètre électoral «utile» de cette Vème République à l’agonie : au plus large 50% des électeurs inscrits votent lors de la présidentielle, au plus étroit moins de 30%, en tenant compte des non-inscrits, des abstentions et des bulletins blancs ou nuls… Un nombre pitoyable de bulletins en somme, que se partagent trois partis, si bien que le vainqueur ne représente guère que 12% des électeurs français, soit une infime minorité. Mais la Vème République n’est pas très regardante sur sa légitimité et cela lui convient d’autant mieux qu’à la vérité, ceux qui ne participent pas à sa farce électorale en sont les adversaires lucides.

C’est dans ce pourtour très étriqué que les places se disputent, que les éléments de langage, plutôt que les discours (lesquels sont d’une indigence crasse), opèrent. Or ceux qui votent, c’est-à-dire qui croient encore aux institutions de cette république bananière, sont de fait et nécessairement, de jour en jour plus conservateurs –les seuls à avoir quelque intérêt à maintenir l’illusion de vivre dans un régime démocratique.

A l’intérieur de cet espace donc, une clientèle de plus en plus conservatrice. Mitterrand l’avait bien compris, qui avait déjà opéré au glissement à droite du PS, dont la base électorale allait en s’étrécissant. Nicolas Sarkozy également, qui a fait riper son parti vers l’extrême droite, tout en tentant de récupérer ce que la Gauche comptait de néolibéraux. Ce glissement à l’extrême droite de l’UMP, puis des Républicains, a ainsi libéré sur, disons, son centre droit et ses matières obscures, un vide politique que Bruno Lemaire tente de combler. Lui qui, chrétien, vient du libéralisme philosophique, sensible à la question de l’homme pris comme fin et non variable d’ajustement comme c’est le cas dans le discours néolibéral, s’est ainsi mis à espérer qu’il pouvait tenir sa place dans la vie politique française en tentant de la recomposer sur des clivages plus républicains (version Vème, à savoir donc très peu républicains) –mais lui aussi contraint de distiller dans son discours des éléments de langage propre à satisfaire un électorat proche de l’extrême droite. Ce qui évidemment est sans compter sur le pouvoir de nuisance de Sarkozy, lequel s’est empressé d’envoyer ses idiots utiles disperser la clientèle électorale de Bruno Lemaire...

Lemaire, Macron, NuitDebout, la recomposition du paysage politique

La translation du bloc de Droite vers l’extrême Droite a eu pour conséquence d’entraîner dans son sillage peu glorieux le PS : l’effet Valls… Valls s’affirmant un rival sérieux, Hollande a dû dégoupiller Macron pour lui ravir sa superbe. Macron, en bon idiot utile, a donc lancé son mouvement, carrément en marche sur les terres des Républicains, contraignant Valls à se bannir à l’extrême droite. Ce faisant, Hollande libérait une place, infime mais bien réelle, à sa gauche. Une place que n’est pas parvenu à combler le Front de gauche. C’est là que campe le Mouvement NuitDebout, ouvrant un large espoir qui pourrait lui permettre non seulement de reconquérir l’électorat disponible à la gauche du PS, mais encore une frange de cet électorat évaporé des déçus de la Vème, qui voudraient bien croire encore qu’un changement est possible, au moindre coût : c’est-à-dire en faisant l’économie d’une insurrection.

Lemaire, Macron, NuitDebout, la recomposition du paysage politique

NuitDebout est un mouvement réformiste. Ses origines sociologiques s’actualisent par exemple dans cette place accordée à la «parole légitime» : celle des universitaires qui tentent d’en structurer la pensée. En témoigne également ses lieux d’occupation : des Places, symboliques, mais gentrifiées. En témoigne aussi ses réticences à ouvrir un vrai débat sur le statut de la violence, qui est le lieu même de fracture entre les classes moyennes et les classes pauvres, isolant ces dernières dans le cercle pourri de la violence d’état –qui n’est pas que policière, mais aussi politique, économique, sociale, sanitaire, etc. En témoigne enfin le statut accordé à la prise de parole en AG, conçue comme espace d’échange au sein d’une agora qui renvoie au fond à son étymologie latine : celle du forum comme «marché». Un marché au sein duquel tout énoncé non académique se voit démonétisé, privé littéralement de toute valeur d’échange. La régulation optimale des échanges verbaux s’y conçoit ainsi dans l’horizon de discours construits (de préférence sur le modèle universitaire), sinon experts, maîtrisés à tout le moins, ou de harangues sublimes, celles d’un Lordon. Un type de production qui ouvre droit à la reproduction et la circulation au sein de cette agora, rêvée sur un modèle où transparaît l’idéalisation de la justesse du propos (tant) attendu. Un modèle qui entretient une relation très ambivalente du coup avec le processus du rapport marchand, au sens où le champ (libéral) du politique définit l’économie comme une rationalité de l’espace public, conçu comme espace d’échange entre des acteurs légitimes.

On ne peut cependant réduire l’expérience NuitDebout à cette seule perspective réformiste. Les volontés qui s’y manifestent sont plus éparses et au demeurant, si la finalité espérée du mouvement est de se convertir rapidement en termes politiques, électoralistes pour tout dire, il doit élargir au maximum son discours pour construire son potentiel électoral. L’élargir à Gauche évidemment, au-delà du discours du «vrai changement cette fois»… Raison pour laquelle l’espérance qui court tout au long de ces nuits s’aventure aux portes du désir de Révolution. Un désir qu’on ne peut mépriser, car il est au fond le lieu le plus authentique du fait politique. Nuit Debout, à vrai dire, est un monde politique indécidable encore. Les jours qui viennent nous diront décisivement ce que ces nuits excluent pour demeurer. Jusque-là, le flou, l’équivoque, l’ambiguïté resteront la règle. Quelques jours. Où tout peut basculer.

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NuitDebout : Cette dimension du sens que nous sommes

5 Avril 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

NuitDebout : Cette dimension du sens que nous sommes

«L’Histoire, c’est la dimension du sens que nous sommes», disait le grand historien Marc Bloch, avant d’être fusillé par les nazis. La dimension du sens que nous voulons être. De cette volonté qui se dessine, aujourd’hui, dans ces NuitDebout qui fleurissent partout en France et dont nul ne sait encore sur quoi elles déboucheront. Ce que d’aucuns lui reprochent. Brouillonnes, certes, elles le sont –justement-, et cependant extraordinairement organisées. Brouillonnes parce que gourmandes de cette parole retrouvée, confisquée depuis tant et tant de décennies ! Et cependant organisées dans une perspective infiniment pertinente : celle de la Convergence des luttes. D’une convergence que l’on voit chaque jour se dessiner un peu mieux et dont il ne faudrait pas anticiper trop tôt la logique du reste. Etudiants, lycéens, hier les agriculteurs bio, des cheminots, les personnels de santé… Tout ce monde venu parler, débattre. Bourillon ? Vraiment ? Ces prises de parole qui oscillent entre la réflexion et le témoignage, avec ou sans recul, sur la vie, sur nos vies, sur leurs vies…

Il fallait commencer par là en fait, pour donner un jour des chances à ce sens commun d’émerger. Là, dans ce qui fonde ce rapport tout à la fois individuel et collectif au sens. Et chercher à comprendre, sereinement, lentement, comment ce sens s’inscrit dans le présent de nos vies individuelles, tout comme dans celui de notre histoire commune. S’y inscrit ou s’y absente. Et marteler que depuis trente ans au moins, seul le refus du sens était perceptible dans le champ clos de la Nation française (défunte).

Il fallait commencer là : nous avions voté socialiste, les socialistes nous avaient trahis. Le changement français, en fait, c’était Valls : une marche à tombeau ouvert à la rencontre de l’extrême droite.

Il fallait commençait là, depuis ces colères qui se faisaient jour, que chacun raconte Place de la République, sans façon, sans détour, chacun témoignant des révoltes fragiles, inattendues, qui commencent d’éclater. Il fallait raconter, d’abord, que des insurgés étaient morts par exemple, tués par le pouvoir socialiste (Rémi Fraisse). Ou que partout nos échecs politiques, sociaux, nous faisaient mal. Il fallait commencer très exactement là, non pour redire, mais dire enfin que nous avions assez de voir partout s’étaler le mépris de cette fausse gauche. Et qu’il était grand temps d’en finir avec elle. Grand temps de la laisser, seule, s’échouer, avec sa fausse morale républicaine, la même qui naguère jeta les français dans les bras de Pétain. Il était grand temps de nous mettre à l’écoute du monde, qui bruissait de ces colères qui nous retenaient au chevet les uns des autres, grand temps de nous mettre à l’écoute de ces soulèvements dont on sentait monter la houle immense. Et qui partout cherchaient leur sens. Un vide béant s’était ouvert sous nos pas, qui nous avait fait voter Hollande pour nous sauver de Sarkozy. Ou demain Juppé de Le Pen. C’est dire le dégoût qui a fini par être le nôtre. Nous avions touché le fond. Désormais ce qui est en jeu, c’est de savoir ce qui justifie nos vies. Quelque chose qui est de l’ordre du regard que l’enfant pose sur le monde. N’importe quel enfant du reste, saurait ouvrir les yeux sur la nullité éthique de la société néolibérale. Il nous restait à construire ce regard d’un premier matin. Comme il nous revient à présent de construire notre soulèvement. Ethique. Car ce qu’il faut construire, c’est une autre idée de la vie ensemble. Où habiter chacun pleinement sa vie, ses relations à l’autre plutôt que de devenir l’entrepreneur désespéré d’une vie pour soi. Il n’y a au fond peut-être pas de société à détruire, comme l’affirmait le Comité invisible : il n’y a que nous et l’ensemble des liens par lesquels nous tenons à ce «nous» qui mérite que nous agissions. Un grouillement de mondes. C’est cela, la Commune de la Place de la République. C’est cela, cette dimension du sens que nous sommes, où actualiser un certain niveau de partage qu’il faut inscrire dans un espace déterminé pour ajouter au territoire la profondeur de l’humain.

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Nuit Debout, par centaines de milliers désormais !

4 Avril 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Nuit Debout, par centaines de milliers désormais !

Nous n’étions pas quelques centaines dimanche à République, comme certains médias aux abois voudraient le faire croire. Nous avons appris à compter et connaissons les techniques de comptage de la préfecture de police : nous étions plus d’un millier (1200 pour certains). Non, nous n’étions pas un millier place de la République, nous étions plus de 120 000 : l’AG #34mars, relayée en streaming via le Periscope de @RemyBuisine @NuitDebout a été suivie par 120 000 personnes ! Non, nous n’étions pas plus de 120 000 ce soir-là, car le même soir, plus de 22 villes en France voyaient leurs citoyens se lever. Lyon, Marseille, Avignon, Toulouse, Valence, etc. Nous étions plus de 150 000 ! Mais non, nous n’étions pas plus de 150 000, car partout dans ces villes des citoyens relayaient ces AG via facebook, périscope, youtube, twitter, par mails et par sms. C’est en centaines de milliers qu’il faut nous compter désormais, n’en déplaise aux médias stipendiés, nervis d’une cause perdue !

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