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La Dimension du sens que nous sommes

Colère chronique, Louise Oligny

13 Juin 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

55 ans, virée. Trop rémunérée, maugréent ses patrons. Qu'elle se fasse auto-entrepreneuse et vive de clopinettes. Comme tout le monde dans la start-down nation. Virée donc, du jour au lendemain. Ses droits ? Nos droits... Sur le papier ça semble tenir la route, mais dans la réalité, les patrons n'en ont rien à fiche. Patrons de presse qui plus est : Diane est journaliste. Enfin : photographe de presse. Pour les patrons de la dite presse, c'est pas journaliste. Mais elle, avec carte de presse. Une emmerdeuse. En colère. Comme désormais tant d'économistes, atterrés sinon en rage, d'infirmier·ères sidéré·es, d'électeur·ices catastrophé·es, de citoyen·nes révolté·es, avec ou sans gilet jaune, etc. Qui pourrait bien ne pas l'être ? La (f)Rance frappée d'éréthisme nerveux presque porté à son comble...

Une grosse colère donc, que ses médecins soignent à coups de médocs, refusant d'écarquiller grand leurs yeux pour voir qu'il ne s'agit pas de maladie, mais de colère sociale légitime. Diane avale quand même ses médocs, mais pas les couleuvres qu'on lui sert de tous côtés. Trop, c'est trop. Et côté couleuvres justement, son roman est une énorme machine à déballer les foutaises qui nous tiennent lieu de raisons politiques. Si on peut encore qualifier de raison l'affligeant délire qui nous tient lieu de maxime, au rabais. Un élément de langage que cette raison-là, quand il ne reste qu'une funeste loupiote pour toute lucidité sociétale.

Or de cette colère Diane tient la chronique. Le roman est même l'agenda de ses longues journées à attendre que quelque chose d'un peu éclairant arrive. Un agenda où elle consigne ses rêves, pas si incongrus que cela, comme celui de voir crever Dufaye, le big boss, puis le DRH, puis Villeneuve, etc. Diane rêve de tous les tuer, « Et voilà, (que) tout le monde est mort », annonce l'incipit... Sériale killeuse ? Peut-être bien... L'intrigue brouille les pistes, multiplie les interrogations. On ne voit pas le coup venir, sinon que Diane devrait cesser de rêver qu'elle assassine, puisque ses rêves se réalisent. Se peut-elle qu'elle soit... ?...

Diane boit beaucoup et ne se souvient de rien, s'esquive, s'interroge, plonge à corps retrouvé dans une aventure ahurissante avec le flic de la crim' qui devrait enquêter sur elle et qui finit par s'interroger lui aussi, la quitter, la retrouver, tandis qu'elle part dans tous les sens, nous épate et s'esbroufe, jusqu'à se retrouver en prison, apaisée et drôlement riche soudain, filant son aventure de trompe-l'oeil en rocambole, menant inlassablement l'enquête à la remorque toujours du meurtre suivant qu'elle a peut-être commis... par omission de l'autrice ?

C'est adroit, furieusement social, éperdument cocasse, pêchu et fou en bref, à lire.

 

 

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Louise Oligny, Colère chronique, Le livre de poche, juin 2024, 314 pages, 8.90 euros, ean : 9782253245537.

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Le ruisseau que je suis, Emma Peiambari

9 Juin 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Une enfance iranienne. Avant la grande démolition des corps, des cœurs, des esprits.

Une enfance écrite le plus souvent au présent, comme une récollection amoureuse de la vie. Avec néanmoins, au gré des souvenirs qui remontent, cette vulnérabilité, qu'Emma Peiambari a fini par transformer en force.

Le ton est dépouillé, presque factuel : voici, ici, là, sans rien vouloir conclure, sinon la joie toute métaphorique d'évoquer le joob, ce ru qui court pour irriguer la ville. Une vraie métaphore en effet que ce ru, celle de l'intimité citadine pour qui a connu ces villes écrasées de chaleur où murmure un mince filet d'eau aux pieds des maisons, la vie, encore.

On se laisse bercer au gré des évocations, le mûrier de la grand-mère ou telle immense place de sable chauffée à blanc l'été, les camarades de classe, l'entrée en sixième, la famille avec la mère aux allures de princesse. On découvre sans fard ni trivialité l'aventure d'une fillette se révélant à elle-même femme, bientôt. On accompagne l'adolescente jaillie cette fois par la lecture de Kafka. Les grands auteurs, les mêmes, ici que là-bas, pas un autre monde : le nôtre, en partage.

De ce récit, Emma Peiambari nous dit qu'il est un rite de passage. Les lieux de cette enfance heureuse ne sont plus, tant elle sait désormais ne plus y retourner. En la lisant, je songeais à l'autobiographie de Bertrand Badie, Vivre deux cultures. La même incroyable tolérance, la même stupéfiante humanité. Peut-être parce que tout comme lui, elle n'a pas fait l'impasse sur sa fragilité. Une souffrance ancienne mue en espérance.

Connaissant ses origines, je pensais lire le récit du temps des humiliés. J'ai lu en fait celui de l'humain retrouvé. Non pas une sagesse vide et creuse qu'une fausse sérénité habiterait, mais la richesse d'un ancrage qui n'est pas une fin. Peut-être est-ce cela, répondre à l'appel de l'écriture, cet appel qui traverse de part en part son témoignage.

 

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Emma Peiambari, Le ruisseau que je suis, préface de Claude Lorin, L'Harmattan, mars 2024, 234 pages, 24 euros, ean : 97882336441399.

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Anthologie de la poésie palestinienne d'aujourd'hui, Abdellatif Laâbi

6 Juin 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #poésie

«Fait rare dans l'histoire de la littérature, écrit Abdellatif Laâbi, le nom d'un pays, en l'occurrence la Palestine, est devenu en soi une poétique». Comment ne pas voir en effet, la force aveuglante de la Palestine dans le monde ?

 

Être palestinien, compose le poète Ashraf Fayad, «ne signifie qu'une chose : / que le monde entier est ton pays». Dispersés aux quatre coins du monde, rejetés non par les peuples, la solidarité des nations envers le peuple palestinien en témoigne désormais, mais par les états et leur clique confortablement installée sous les lambris de républiques indignes, être palestinien écrit encore Ashraf Fayad, «c'est tout perdre», sauf l'essentiel : son humanité. C'est là que gît la force aveuglante de la Palestine : son humanité. Cette grandeur d'âme ignorée des causes mercantiles. «L'Histoire, nous dit Asmaa Azaizeh, poétesse palestinienne, était un chien enchaîné à un arbre». Oui, mais pas n'importe quelle Histoire : la nôtre de ce côté-ci de la Méditerranée, un chien déchaîné de loin en loin au gré de nos «conquêtes».

Comment ne pas entendre la force morale d'un peuple martyr ? A l'heure de la découverte de charniers à Gaza, Colette Abu Husseïn écrit combien l'idée de la mort la hante. «Mon cœur est une fosse commune, ô mes aimés», ajoute-t-elle. Pour nous, cette histoire qui se déroule sous nos yeux est juste à dégueuler. Pour elle, être palestinienne c'est assumer la force d'une présence aveuglante sous les bombes. C'est «s'entraîner à toutes les formes de mort», mais aussi, invraisemblablement, se relever toujours pour «pratiquer toutes les formes de vie».

Écoutez ces voies ahurissantes -«les oiseaux dans notre ville / sont des chiens errants»-, capables de réinventer la poésie face à la barbarie. Entendez leur chant, celui de ces innombrables poétesses explorant, dévisageant l'écriture poétique pour lui ouvrir des horizons nouveaux. Pourquoi écrire encore de la poésie ? Comment peuvent-elles en renouveler le champ avec tant de lucidité ?

Déjà en 2022 la publication de cette anthologie revêtait un caractère d'urgence. Inviter aujourd'hui en France la poésie palestinienne revêt un caractère absolu d'urgence.

 

 

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Anthologie de la poésie palestinienne d'aujourd'hui, textes choisis et traduits de l'arabe par Abdellatif Laâbi, réunis par Yassin Ahman. Points Seuil, mars 2022, 218 pages, 7.90 euros, ean : 9782757895009.

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A deux pas de l'enfer, Abdellatif Laâbi

5 Juin 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #poésie

Le recueil s'ouvre sur le titre Paroles sous la cendre. Abdellatif Laâbi ne savait pas alors combien cette image, surgie dans tout son être en 2023, hanterait l'aujourd'hui, ni de quel tragique écho : celui d'une Palestine ensevelie sous les décombres. Il ne savait pas non plus qu'il faudrait fourrager beaucoup cette cendre pour y trouver quelques braises capables de ranimer la société française, saisie de lâcheté devant le massacre des enfants palestiniens dont elle ne cesse de détourner les yeux. Pire, il ignorait que ses institutions allaient faillir, y compris culturelles, à tant se vautrer dans son agenouillement : on vient d'apprendre que le marché (sic) de la poésie n'accorderait aucune place l'an prochain aux poètes palestiniens pourtant pressentis pour y donner à entendre leur génie !

 

A deux pas de l'enfer, cantonne la société française. À cajoler la Bête immonde et cantonnant au sens presque strict de l'expression : dans un lieu encore incertain, qui n'est ni une démocratie ni son contraire, mais juste cet état gazeux où fermer les yeux c'est imaginer les ouvrir.

 

Du spectacle du monde Abdellatif Laâbi avait saisi déjà des instants redoutables. Mais dans ce recueil plus que dans tous ses précédents, on voit s'opérer la montée en puissance d'une inquiétude : Abdellatif Laâbi voit advenir une tragédie mondiale. Si le poète doit se faire voyant, nul doute qu'il ne le soit, lui, érigé en phare d'un monde qui court à sa perte sans gloire, sans conscience, sans remords même. «Nous irons tous en enfer», écrit-il, observant partout se préparer l'immense champ d'empoigne. «Je vis dans un pays perdu» constate-t-il. Tous les pays le sont désormais. Les uns de mourir sous des bombes pas si aveugles que cela, les autres de laisser par milliers des êtres mourir sous ces bombes. Nous irons tous, car nous l'avons tous un peu mérité, non ? «Ayant entendu distinctement / le cri des suppliciés / leurs appels au secours / sans lever le petit doigts».

 

A ceux qui ne peuvent physiquement combattre, Abdellatif Laâbi décline sa Lettre à un vieil ami poète. Comme s'il s'écrivait à lui-même au fond, reprenant ses questionnements antérieurs dans un long poème à forte intertextualité, évoquant Anise Koltz, qui actualise les lieux de notre combat si loin des théâtres d'opérations : «Oui je fais partie de l'Intifada », celle des pierres contre les tanks, car il nous reste toujours des mots à jeter à la face du monde.

 

Certes : words, words, words, disait Hamlet... Mais des mots à hurler comme Abdellatif Laâbi écrit ses poèmes, «pour ne pas salir mes yeux / et garder les mains propres».

Le reste est en effet littérature, le souci de la trace dont il n'a que faire, lui le poète du présent, de l'inconditionnel présent, qui avec son lecteur a passé pour seul pacte «le partage de l'expérience de l'écriture», un voyage périssable, «Le voyage, j'imagine», où seule suffit la rencontre, quand on l'ose : la Poésie, Toute, de l'inconditionnel vivant.

 

 

#abdellatiflaabi #jJ #joeljegouzo #poesie #poesiefrançaise #poesiecontemporaine #poésie #lecastorastral #lecastorastral

 

 

Abdellatif Laâbi, A deux pas de l'enfer, Le Castor Astral, juin 2024, 16 euros, 150 pages, ean : 9791027803804.

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Nous n'étions pas des tendres, Sylvie Gracia

3 Juin 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Meschonnic, dans sa Critique du rythme (1982), affirmait que c'était le rythme qui donnait la signifiance du texte. La chair du texte, dans son essai, ouverte par sa dédicace «à l'inconnu», cet imprévisible auquel nous sommes si souvent fermés.

Dans le roman de Sylvie Gracia, la mort est prévisible. Mais aussitôt qu'annoncée (le premier accident de voiture du père, les deux cannes qui supportent Rosie, la plus belle femme de la région quand elle avait vingt ans et que le père aimerait retrouver comme à ses vingt-ans, n'était l'appui irréparable de ses deux cannes), la mort s'évanouit dans l'inconnu, cédant la place à cette «(...) opération que réalise le poème : non pas exemplaire d’un genre mais invention d’une parole par un sujet, d’un sujet par sa parole.» (Maïté Snauwaert, voire infra).

 

Ce qui frappe dès l'abord dans ce roman, c'est son rythme. Un continu aurait dit Meschonnic. Régulier comme le pouls sous la peau, égal sinon étal, à peine quelques temps forts, deux ou trois et encore, des «ça suffit la nostalgie» auxquels on ne croit guère puisqu'il n'y a pas de nostalgie dans cette écriture mais une lucidité coriace (qui serait le «n'être pas tendre» ?), malgré, aussi, quand bien même déposé sur le papier et par deux fois, le mot «colère», qui n'advient pas non plus. Tout comme malgré «l'urgence de vivre» et de vivre jusqu'au bout, ainsi que le père en fait la démonstration, amoureux, toujours, jusqu'à ce qu'il soit fauché dans le sang de l'accident qu'il n'a pas versé tout d'abord.

 

Ce qui s'empare de la lecture de ce récit donc, c'est son rythme. Celui d'un pouls régulier qui mène jusqu'à la fin sa ligne indéfectible : l'art est la sortie du signe, l'art de couper court à la logique binaire du signe...

Le sujet de l'art, affirmait Meschonnic, tient dans ce que ce qu'il réalise n'existe pas encore. Sans doute parce que ce qu'il réalise, c'est l'émotion de tout ce par quoi l'être fait sens au terme de son parcours.

 

Rien de serein pourtant dans ce parcours apaisé. Rien de vraiment joyeux, ni de triste.

Les deux premières phrases du récit le donnent à entendre, ambivalentes. Il y a tout d'abord l'évocation de ce père si vite endormi. Dormir, rêver, dormir, mourir peut-être ? (Hamlet). Et puis la phrase suivante qui voit Hélène grimper, non pas comme dans l'expression quatre à quatre d'on ne sait quelles marches d'escalier, non, grimper comme on le ferait depuis une fosse, certainement commune quand on y songe, pour ouvrir en grand volets et fenêtres d'une pièce trop longtemps close, comme après l'agonie, pour laisser s'envoler l'air moite des poumons gorgés d'eau.

Et ce finalement qui fait la césure entre les deux phrases, articulant clairement la fin dès le commencement.

A ces deux phrases répondent l'adios en dernier mot qui volette incongrûment, partagé au cœur de ce qui n'est ni retrouvailles ni vraiment rencontre entre Hélène et Patrick, mais qui résiste à tout ensevelissement, «même quand le corps ne suit plus».

Et entre ce finalement et cet adios, un rythme à l'accord continu, cette manière de fluer la voix du récit, que l'on nommerait acceptation pour un peu. Pourtant pas une attente, non : qu'y aurait-il à attendre ? Peut-être pour nous lecteur, cette dernière conversation entre le père et sa fille dont nous ne saurons rien, sinon qu'il s'agissait d'aller. Ou plutôt, de savoir comment l'on va. Plutôt que où. Car où, tout le monde sait. Et ce n'est guère important. D'autant que sur la fin, ce que l'on a tendance à voir, ce sont tous les chemins fermés et non les sautillants sentiers ouverts dans l'inconnu qui nous absorbe.

 

C'est au fond à cet inconnu qu'ouvre le récit, bien inscrit dans notre vivre et non hors de lui. Accessoirement, il ouvre à l'invention de Sylvie Gracia par elle-même, mais plus décisivement, à l'invention d'un sujet par sa parole, et à cette liberté qu'elle nous offre en partage : ce que l’œuvre fait à la langue. A toute langue. Au travers de mots simples. D'un style sobre qui ne met pas en scène quelque chose qui serait la figure hiératique de l'auteur, ni même celle, sympathique, de l'individu qu'elle est, mais qui bat simplement le rappel d'une activité qui devrait nous être chère : celle d'une parole où faire corps.

 

Le rythme est corporel, affirmait encore Meschonnic. Sylvie Gracia ne cesse d'aborder aux corps du récit et de nous en faire retour. Et c'est ce rythme corporel qui dessine dans le silence de nos lectures individuelles ce que la parole fait à l’œuvre : la possibilité d'un corps commun.

 

Rappelons ici que le récit de Sylvie Gracia venait clore un cycle de manifestations consacrées à la littérature jeunesse et young adult, intitulé corps e(s)t politique.

Et qu'elle nous parle d'avancer dans les âges de la vie. Or la vieillesse est un âge politique. Elle le dévoile assez. Non cette maladie qu'on voudrait nous faire croire, de corps exhaussés par des flopées de cachets, pastilles, capsules, comprimés, gélules, par toute la pharmacopée du subsister, du demeurer, du se maintenir à tout prix. La vieillesse n'est pas une maladie mais un âge politique. Il était bon de conclure ces manifestations par ce qui ne nous conclut même pas : la vie achevée n'est jamais close.

 

Le corps est politique donc, ce n'est pas la moindre des qualités de ce roman que de nous y amener, là où partout autour de nous la société voudrait nous voir «vieillir sans être vieux» (Franck Damour, voir infra), là où partout autour de nous l'on voudrait considérer la vieillesse comme «un état de la médecine» et non un âge de la vie. Sylvie Gracia s'en fiche comme d'une guigne du «bien vieillir» qui tant effraie, pour nous débusquer un regard de l'intérieur du temps qui a passé déjà, montrant qu'au fond, «la vieillesse n’existe que dans le regard de ceux qui ne sont pas encore vieux – comme un anti-monde». (Franck Damour).

 

Quand Winnicott griffonna son autobiographie qu'il n'acheva jamais, dans un coin de l'un de ses brouillons il consigna cette prière : «Ô mon Dieu ! Fais que je sois vivant au moment de ma mort !» ( «Oh God ! May I be alive when I die ! »).

Ainsi d’Évariste, le père d'Hélène dans ce roman, fauché en pleine romance amoureuse, libre, toujours. Son fils a beau hurler à la perte de l'autonomie du père et suggérer de médicaliser sa fin de vie, Évariste le devance, ailleurs, dans l'échappée de ses émotions. Le fils soupçonne-t-il un Alzheimer, il ne témoigne que du «poids du modèle cognitif qui nous fait prendre pour des dysfonctionnements ce qui est une autre façon de penser » (Damour), incapable d'imaginer son père heureux, car désirant.

Vulnérable ? Certes, mais qui ne l'est ? Il faut donc applaudir à cette vision où faire corps depuis la vulnérabilité de chacun, et que cette manifestation initiée par la librairie l'établi n'a cessé de mettre en avant.

 

 

 

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Sylvie Gracia, Nous n'étions pas des tendres, éd. L'Iconoclaste, novembre 2023, 232 pages, 20.90 euros, ean : 9782378804183.

L'incipit :

«Mon père a été vite endormi, finalement. J'ai grimpé à l'étage et j'ai repoussé les volets de ma chambre.»

 

Maïté Snauwaert, Le rythme critique d’Henri Meschonnic

DOI: https://doi.org/10.58282/acta.7129

 

Franck Damour, Études 2016/4 (avril), pages 39 à 50,  La vieillesse, un âge politique | Cairn.info

 

Henri Meschonnic, Critique du rythme. Anthropologie historique du langage, Éditions Verdier, « Verdier poche », [1982] 2009, 713 p., ean :  9782864325659.

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