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La Dimension du sens que nous sommes

Municipales 2014 : La Grande escroquerie

31 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

hollande.jpgNe tergiversons pas : une escroquerie multiple ! Celle, tout d’abord, de maires qui dans la plupart des cas ne représenteront que 20% de leurs administrés. Faites le compte : 10% des français en âge de voter ne se sont pas inscrits sur les listes électorales, ils étaient 7% en 2012 selon l’INSEE. A ceux-là ajoutez le taux record au seconde tour frayant avec les 37%… Ajoutez enfin la promesse non tenue des socialistes d’accorder le droit de vote aux résidents étrangers et vous aurez le compte d’une démocratie vidée de tout contenu. Escroquerie politique en outre, d’un Parti socialiste incapable de tirer les leçons d’une défaite cuisante. Il fallait écouter hier soir les barons de l’aristocratie rose nous commenter en direct leur débâcle : un simple manque de pédagogie à les entendre ! A peine faudrait-il saupoudrer çà et là quelques euros supplémentaires de pouvoir d’achat… Décidément, aux yeux des socialistes, les français seraient trop bêtes et n’auraient pas compris leurs intentions qui demain fileront leur train coutumier… La surdité de François Hollande confine à l’autisme… Escroquerie d’une victoire sur laquelle l’UMP faisait fond dès hier, éradiquant d’un ciel par trop serein le camouflet reçu il y deux ans… Toute honte bue, le jeu des chaises musicales pouvait reprendre… Escroquerie enfin d’un Front National porté aux nues par la classe politico-médiatique –il n’est que d’analyser le temps de présence à l’antenne pour comprendre quel jeu nous jouent les médias de masse ! Un FN porté en outre au plus haut niveau par nos deux partis de pouvoir, avec l’espoir pour chacun que le réflexe républicain bien émoussé saura le jour J les préserver de sa victoire finale… Le cirque électoral, ad nauseam… Décidément, seule une révolte populaire pourra leur faire entendre raison.

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Witold Gombrowicz, de Jean-Pierre Salgas

29 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

 
gombrowicz.jpgWitold n'avait-il pas consigné sa biographie comme pour vider de sa substance, par avance, toute tentative ultérieure ? J.-P. Salgas avait passé outre, promettant au monde des "gombrowicziens" - non sans le mettre en émoi - la meilleure biographie existante sur le sujet. Le cercle des "ferdydurkistes" redoutait donc le pire : une biographie qui aurait enfermé Gombrowicz dans l'une de ces "gueules" qu'il redoutait tant.
 
Soulagement : la biographie de Salgas, une chronologie commentée en fait, ne s'y est pas aventurée. Elle n'offre du reste pas de grande nouveauté. Quelques touches la complètent, d'heureuses formulations et surtout, un repérage cette fois systématique des grands moments de formation. Le cercle pouvait souffler : le parti pris était dans la droite ligne des études "gombrowicziennes". Presque une Doxa, comme s'il s'installait une rhétorique du discours sur Gombrowicz, dont on pourrait décrire aisément les figures. En amont de tout projet : celle du malentendu par exemple, qui présuppose une mauvaise compréhension de l'œuvre. C'est cela le pacte passé autour de Gombrowicz, pour légitimer sans doute le cercle des savants "ferdydurkistes". En aval : parce qu'il faut bien ranger Gombrowicz quelque part dans l'histoire littéraire, l'idée de son éternelle contemporanéité. Gombrowicz est toujours adossé au modèle d'interprétation en vogue. Ici : Bourdieu, figure référente de l'époque de publication du Salgas... Mais n'en mégotons pas l'intérêt : au final, le lecteur trouvera là une intéressante introduction à l'œuvre de Gombrowicz.
 
Witold Gombrowicz, de Jean-Pierre Salgas, Seuil, 26 août 2000, Collection : Les contemporains, 283 pages, 21,70 euros, ISBN-13: 978-2020125062.
 
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Love in a Fallen City, Eileen Chang

28 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant

 
loveinafallencity.jpgLa Chine à la veille de la révolution communiste. Le Quatrième monsieur reçoit une visite solennelle : le mari de sa Sixième sœur est mort. Tout le clan familial se rassemble. Certes, l’homme n’était pas fréquentable et à tout prendre, Sixième sœur s’en trouve heureusement libérée. Mais le clan est en proie à la débâcle financière, et il lui faut trouver une solution, marier Septième sœur par exemple. Le Conseil de famille avance des noms. Des situations en fait, plutôt que des prétendants. On mariera Lio-Su, qui étouffe dans le carcan des lois ancestrales, comme pour s’en débarrasser par la même occasion. On la mariera bien. Après tout, le clan des Pai reste une demeure en vue. Une vieille bâtisse délabrée à vrai dire, meublée sans goût et où le temps semble s’être arrêté. Celui d'une vieille famille chinoise qui se raconte de lointaines histoires de piété filiale, ineptes aujourd’hui. On arrange donc son mariage. Fan sera l’époux, ce riche célibataire excentrique, noceur invétéré. Il ne s’agit que de sauver le clan. Fan n’est pas immédiatement séduit par cette femme dont la principale qualité lui semble de baisser toujours la tête. C’est que Lio-Su se sait une femme parfaitement inutile. Elle ne manque toutefois ni de charme, ni de délicatesse, ni d’intelligence. Fan s’en rend très vite compte, quand Lio-Su résume à la perfection ce qu’un chinois de l’antique Cité attend d’une femme à la vertu pure : qu’elle demeure irréprochable en compagnie d’autrui, mais femme de mauvaise vie dans le secret du lit. Cette lucidité dialectique séduit Fan. Tout comme ses airs, infiniment raffinés, décrits dans le plus pur style victorien, corset et châle sur les épaules dénudées, où la tournure remplacerait la crinoline… Un monde de femmes contraintes de souligner leur silhouette sans trop aguicher le regard pour demeurer invisibles dans leur décence musquée. Etrange condition de la femme arrimée à cette sorte de puissance fragile et compliquée. Occupant de plus en plus le devant de la scène amoureuse mais demeurant sans droits, désincarnée, le corps évanescent arboré comme le réceptacle d’une âme pure et innocente, n’offrant aucune prise à la souillure des plaisirs de la chair ni aux artifices de la séduction, sinon dans ces replis voluptueux que le vêtement dissimule. Roman de mœurs, le récit dessine le portrait d’une femme piégée par l’Histoire de la Chine ancestrale, avec un classicisme de style qui étourdit quand partout autour des protagonistes le monde craque. eileen ChangjpgLio-Su, dernière «vraie» chinoise, démodée, délicate, emplie d’une retenue et d’un secret que rien ne semble pouvoir arracher, le visage rempli de pensées. Lio-Su lucide, lige d’une famille sans destin, offerte à un mariage qu’elle souhaite d’esprit plutôt que de chair, c’est cette rencontre des âmes tout d’abord que le récit privilégie avec obstination, la lente conversion de fan le séducteur à la suprême élégance de Lio-Su. Bousculée pourtant, offensée, et finissant par répondre avec passion aux injonctions de Fan de la voir se libérer des conventions qui l’entravent. Si bien qu’elle devient sa maîtresse plutôt que sa femme, au grand dam du clan Pai, aux yeux duquel Lio-Su passe désormais pour une traînée. Installée dans une belle demeure tandis que la guerre s’annonce à leur porte, oisive, Lio-Su rompt peu à peu tous les codes qui la retenaient prisonnière de cette histoire familiale échouée. La guerre achève de rompre les mentalités. Elle qui devait se faire invisible parce que maîtresse de Fan, ne cesse de monter en puissance dans le récit, résumant avec force ces temps où «les hommes civilisés, privés de mémoire, tournent à tâtons dans le crépuscule ; vacillants, en quête de quelque chose, (quand en réalité) tout est achevé».  Alors tout ce qui semblait immuable s’effondre. Il ne reste rien, que le souffle épique des êtres aux prises avec leur vie et Lio-Su qui découvre enfin qu’elle et Fan avait été jusque-là trop occupé à tomber amoureux pour prendre vraiment le temps de s’aimer. La chute de Hong-Kong enseveli leur monde devenu indéchiffrable, et dont le terme reste introuvable, sinon qu’au milieu des décombres, deux êtres ont fini par se trouver.
 
 
Love in a Fallen City, Eileen Chang, Roman traduit du chinois par Emmanuelle Péchenart, éditions Zulman, mars 2014, 160 pages, 16,50 euros, ISBN 978-2-84304-692-6.
 
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Hervé Le Bras, l’invention de l’immigré - Colonisation et Invasion…

27 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

Herve-Le-Bras.jpgL’ouvrage est ancien, écrit en 1992, mais actualisé. Quoi qu’il en soit, il est intéressant à reprendre de bout en bout, tant l’analyse est féconde, et  accablante. Hervé Le Bras s’est fait volontiers historien  de la longue durée pour asseoir son propos, décryptant dans l’épaisseur du temps cette invention d’un terme qui aujourd’hui enferme trois générations de français dans sa circularité, les condamnant à rester des immigrés toute leur vie et à léguer bien malgré eux le vocable infâmant à leurs descendants… Du plus loin qu’on remonte, force est tout d’abord de reconnaître que l’hexagone fut en tout premier lieu une terre de migrations et de peuplements étrangers… A ce titre, nous sommes d’une filiation de migrants… Même si certes, on peut évoquer un enracinement bien réel de populations ayant fait souche dans ce petit arpents de terre… Mais le français de souche, lui, demeure bien introuvable… Et une invention éminemment récente, quand l’INSEE et l’INED se mirent en tête de manipuler les statistiques pour donner raison au Front National en réarticulant le concept d’immigré dans les années 1990, définit désormais comme personne née étrangère à l’étranger, faisant fi des naturalisations : nul ne pouvant changer ni son lieu de naissance, ni sa nationalité de naissance. Mais passons, nous reviendrons sur ces manipulations que Hervé Le Bras dénonce avec vigueur et intelligence.

Le XIXème siècle colonisateur nous retiendra tout particulièrement aujourd’hui. Hervé Le Bras a étudié dans le détail les discours qui se faisaient jour alors : il ne s’agissait pas seulement de conquérir des terres et des peuples, mais littéralement, d’inséminer ces peuples, de les «blanchir». Et pour ce faire, on encourageait les français  à se répandre dans le lit des "indigènes"… Il s’agissait d’une part de revivifier le pays par l’excitation coloniale ainsi qu’on l’écrivait textuellement à l’époque, et, bénéfice secondaire, de repeupler leur monde : de métissage en métissage, allez, on finirait bien par avoir raison de leur couleur de peau… L’émigration coloniale française était même devenue l’expression de la puissance, sinon de la virilité du pays... mais quand ces anciens pays sous domination française se libérèrent, il y eut d’un coup comme une lueur d’angoisse qui traversa le monde intellectuel français. Le monde intellectuel ai-je bien écrit. Pas les populations. Car il en a fallu des efforts, pour convertir ces populations au racisme d’Etat ! Contraintes d’abandonner leurs colonies donc, ces élites finirent par prêter à leurs habitants leurs propres intentions de conquête raciale…  «Preuves» à l’appui, démographes et politiques calculèrent et recalculèrent, cherchant le bon vocabulaire pour faire passer leurs thèses odieuses : nous allions être submergés… Ils puisèrent dans le vocabulaire hydrologique leurs métaphores : elles parleraient sûrement au peuple… Ils racontèrent donc des histoires de flux, de déversement, en attendant que le langage des biologistes ne leur prête main-forte et que ce langage déjà exécrable ne glisse vers la microbiologie de l’idéologie nazie…  Il allait être impossible d’endiguer ces flux. Le péril jaune menaçait. Auquel bien vite se substitua, puisqu’il n’arrivait décidément pas, le péril musulman. L’Algérie libre, on y puisa d’abord ces travailleurs dont on avait besoin. Certains s’installèrent, qui étaient souvent déjà français au demeurant… Très vite, le thème des vases communicants permis de cristalliser les phobies racistes de nos élites : c’était mathématique. Leur fécondité était telle, leur économie si fragile, qu’ils ne pouvaient que «s’écouler» chez «nous». Leur surplus de populations déborderait. C’était mathématique. Mais seule déferla cette logorrhée de nos élites racistes. Avec une permanence incroyable jusque dans les années 2014 ! L’invasion allait être musulmane… On en comptait tant chez nous (sans aucune considération pour la réalité des chiffres), que par glissement la métaphore devint militaire : on parla de cinquième colonne, il ne pouvait se profiler qu’une confrontation entre «eux» et «nous»… Un discours construit sans aucun contact avec la réalité : entre 1980 et 2013, les chiffres permettent d’observer une singulière stabilité de l’émigration en France…  Ainsi, depuis plus de quarante ans, un discours promu par les élites de notre beau pays n’a de cesse de camper sur des tenants odieux, qui ont plus à voir avec les discours sur la fécondité nazie et l’eugénisme qui l’accompagnait, que sur toute construction intellectuelle argumentée en raison. Et aujourd’hui encore, nul ne s’avise dans le champ politique de se pencher sur la complexité des mouvements humains pour ne conserver que les arguments qui correspondent à des dispositifs idéologiques abjects…

 

Hervé Le Bras, l’invention de l’immigré, Editions de l'Aube, 8 mars 2012, 160 pages, 13,20 euros ISBN-13: 978-2815904544.

 

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Le Goût du voyage, Andrzej Bart

26 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant

 

Bart.jpgDavid Stern, pour qui longer un wagon de métro est déjà source de grand malaise, est choisi par une énigmatique organisation pour tuer Adolf Hitler. Or ce dernier n'est encore qu' un gamin de douze ans, qui vit dans une autre époque que la sienne. De plus, David refuse d'assassiner un enfant, quand bien même il se révélerait adulte un despote. Mais comme il est également probable que l'improbable se produise, il profite du dernier tournage du "maître" vieillissant, Spielberg, pour s'évaporer dans le train du décor vers l'année 1900, histoire de voir comment remplir autrement son contrat. Pisté par un narrateur plus mystérieux encore, nous le retrouvons a Vienne, en grande conversation avec Freud. Le narrateur, qui se réjouit déja à l'idée que son grand-père ne périra plus à Dachau, ne cessera dès lors de récolter les traces de son passage. Joyce, Wittgenstein, Musil, le jeune Hitler échouant à ses examens d'entrée aux Beaux-Arts, c'est bientôt toute l'aristocratie surannée de l'Autriche qui entrent aussi dans la danse de ce roman picaresque contemporain parfaitement maîtrisé. Du genre, il épouse la construction échevelée, mélangeant allègrement tous les registres d'énonciation, du journal intime au journalisme d'investigation. Grotesque, saupoudré de chronologies aberrantes, de pastiches, dans le dédoublement continuel de l'instance narratrice, tous les artifices de la littérature y passent. Andrzej Bart se joue de tout et renoue, férocement élégant, avec un genre qui est l'apanage des grands créateurs.

 

Le Gout du voyage, Andrzej Bart, traduction de Eric Morin-Aguilar, éd. Noir sur Blanc, coll. Littérature étrangère, août 1999, 392 pages, 21,35 euros, ISBN 978-2-882-50074-8.


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Edward Saïd, Conversations avec Tariq Ali

25 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

Edward-Said.jpgPortrait du grand intellectuel palestinien dessiné par ces conversations enregistrées pour une chaîne américaine en 1994, qui ne les passa pas toutes dans leur intégrité. Echange intime. Edward Saïd se bat depuis plus de onze ans contre une leucémie qui l’emportera dix ans plus tard et qu’il évoque sans s’y appesantir. C’est que l’homme demeure combattif, droit, et charme pour la finesse de ses propos. Il raconte donc sa vie, son itinéraire, son père chrétien de Palestine, engagé très tôt aux côtés de l’armée américaine sur le sol français en 14-18, migrant de nouveau pour Jérusalem où Edward verra le jour en 1935, avant de fuir cette fois pour Le Caire. Le Liban ensuite, dans l’effarement d’un monde qui ne veut déjà plus rien savoir du malheur palestinien. Les Etats-Unis de nouveau, où Edward poursuivra ses études supérieures : Princeton, Harvard, il enseignera la littérature anglaise à Columbia, passionné d’histoire des cultures avant le tournant de 67 et son engagement dans la lutte pour la liberté du Peuple palestinien. C’est à cette époque qu’il mûrit son grand œuvre, L‘orientalisme, qui paraîtra en 1978 et lui vaudra d’un coup une renommée internationale. Edward Saïd raconte bien sûr cet engagement, aux côtés d’Arafat avant de s’en éloigner avec force, tout comme il dénoncera le Hamas et ses leurres, ou le Djihad. De la situation de la Palestine, il comprit très vite que personne n’en souhaitait soulager l’horreur. Oslo ? Un traité de Versailles palestinien. Et au moment de mourir, Saïd s’était convaincu que seule une alliance entre les forces progressistes palestiniennes et israéliennes sauverait la région. Mais il raconte aussi sa passion des lettres, de l’Histoire de la littérature, Conrad et le choc que fut dans sa vie la lecture de Au cœur des Ténèbres. Il évoque Camus sur lequel il n’a cessé d’écrire, et cette France du renoncement qui dès les années 90 s’empêtrait dans sa nostalgie coloniale. Au point d’en laisser transparaître le climat dans sa production culturelle, où mensongèrement, elle s’enfermait dans une vision pathétique de la littérature comme pure esthétique soustraite à toute pesée historique. Une volonté qui finit par faire de sa littérature une littérature régionale sans grande conviction littéraire. L’occasion pour lui de se moquer de la grande inquiétude identitaire qui s’est mise à traverser ce pays en déshérence. Lui aime New York, cette ville de déracinés, et le déracinement de sa propre vie qui l’a contraint à changer souvent d’identité. «La spontanéité de l’affiliation, affirme-t-il, plutôt que la filiation», et le sentiment d’intermittence, plutôt que le cosmopolitisme douçâtre des élites.
 
 
Edward Saïd, Conversations avec Tariq Ali, éd. Galaade, traduit de l’anglais par Sylvette Gleize, mars 2014, 116 pages, 15 euros, isbn 13 : 978-2-35176-304-9.
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Municipales 2014 : la confiance est rompue

24 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

 

ABSENTIONEt le fait est massif, têtu, clairement décryptable : l'abstention en question est une abstention politique, protestataire, d'électeurs en outre dont le Parti socialiste se croyait propriétaire. Une abstention de colère, d'amertume, de citoyens convaincus d'avoir été trompés par cette Gauche de Pouvoir qui n'en finit pas d'accumuler les trahisons. Victoire de l'abstention, donc. Et du Front National. Dans les bras duquel cette Gauche insupportable nous jette à son tour. Tandis que l'UMP se gausse stupidement de recueillir demain les sièges perdus par son rival. On tient bien, là, la manifestation de la plus évidente illusion du suffrage universel, qui est de masquer la fabrique d’une majorité n’exprimant qu'un jeu de dupes : l'UMPS. Alors le PS pourra bien tenter demain de nous ramener au deuxième tour dans le giron de ce jeu républicain malpropre. Il pourra bien tenter de nous appeler au sacrifice du vote responsable, ou souligner le caractère de proximité d'une élection dont il avait pourtant par avance scellé le sort (trente ans de régime des partis mettant à sac ce fameux caractère de proximité), il ne nous restera que le dégoût d’un geste auquel on a ôté ses vrais fondements politiques. 

 

La confiance est rompue. Celle qu'évoquait le sociologue Georg Simmel, aux yeux duquel cette confiance collective était "l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société", l'un des fondements de l’organisation sociale. Nous ne cessons au contraire d'apprendre jour après jour la défiance. Envers les politiques, envers les médias, envers le législateur, envers la science, l'éducation, la santé, etc. Comment un tel gouvernement, sourd au désarroi des citoyens, pourrrait encore prétendre remplir sa mission ? Comment même pourrions-nous encore avoir confiance dans cette pseudo-démocratie qu'il tente de nous refiler en douce et qui n'est créatrice que de méfiance ? D'autant qu'à l'horizon ne se profile pour méthode qu'un insultant remaniement ministériel annoncé depuis six mois déjà... Comment Hollande ne peut-il pas voir que la confiance ne peut être que le fruit d'un processus historique et politique global, plutôt que celui d'un replâtrage démagogique ?

 

La confiance est rompue. Clairement. C'est tout le fonctionnement du système qui est remis en cause. Et non de simples personnes. Comment refuser d'en prendre acte, comment ne pas réaliser que la demande de confiance s'est muée cette fois en exigence, en intelligence d'une société civile qui a compris que les mécanismes sociaux de confiance supposaient un encadrement juridique de cette souveraineté dont l'Etat abuse ? L'Histoire nous a montré qu'il fallait nous méfier de l'Etat. Chaque échéance électorale ne dit rien d'autre que cette méfiance. Mais tant qu'au PS succèdera l'UMP, et inversement, il semble que la surdité politique demeurera la règle... La défiance est collective désormais. C'est tout un climat de protestation qui s'affirme. Qui ne tend pas encore à se muer en décision politique, encore que : le Front national s'enracine, s'affirmant de plus en plus comme la dernière solution de ce funeste paysage politique dessiné par une UMPS forcenée. La confiance est rompue. Mais en favorisant cette rupture, le PS n'a fait qu'ouvrir les vannes à un horizon pire encore, celui du Front National prodigué désormais comme une routine, comme la sémantique frauduleuse de victimes qui parleraient aux victimes... La confiance est rompue, mais il nous faut dessiner de nouvelles solutions politiques sous peine de voir ce dernier virage à droite nous prendre de cours.

      

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L’ELECTION ININTERROMPUE : CE QU’IL RESTE DE LA DEMOCRATIE…

23 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

elections.jpgQuand Napoléon III décida d’assassiner la République, il proclama le suffrage universel. Quand Bismarck voulut garantir la victoire des libéraux prussiens, il proclama le suffrage universel. Dans les deux cas, l’octroi du suffrage universel scella le triomphe du despotisme.

On tient bien, là, la manifestation de la plus évidente illusion du suffrage universel, qui est de masquer la fabrique d’une majorité n’exprimant qu’un jeu de dupes féroce. Des leçons de Napoléon III et de Bismarck, il nous faudrait admettre que le cirque électoral ne vise rien d’autre que la confiscation du pouvoir. Un cirque qui fait vivre aux citoyens, démocrates épuisés, la prostration de l’illusion démocratique. Car nous vivons bel et bien les temps du pouvoir confisqué. Voyez les cinq années de présidence Sarkozy. Son règne d’arbitraire. Rappelez-vous l’une de ses premières décisions, très symbolique, face au referendum de 2005, biffé d’un trait de plume. Les français avaient mal voté ! Voter était brusquement devenu un acte sans fondement politique. Et quand on y regarde de plus près, ce que l’on constate en étudiant par exemple la question de la légitimité du pouvoir aux Etats-Unis, c’est qu’un Bush n’aura de fait été élu que par 25% des électeurs américains. La lutte des pouvoirs politiques contre la démocratie passe aujourd’hui par la tyrannie des majorités fabriquées et le dégoût d’un geste auquel on a ôté ses vrais fondements politiques.

La comédie des consultations démocratiques se double bien trop souvent de la comédie des promesses que l’on ne tient jamais. Doublées elles-mêmes de la comédie des engagements politiques – comme la comédie de la lutte contre le chômage, ou la comédie des réformes de l’Etat qui n’est l’expression que de son cynisme éhonté. Le tout relayé servilement par un défunt contre-pouvoir qui a cessé depuis belle lurette de jouer son rôle dans la société : les médias, la démagogie elle-même a baissé de niveau !

Le vote n’est plus une délégation de pouvoir mais l’abdication rabâchée, affirme Jean Salem dans son ouvrage. L’exacte traduction de notre misère civique, le modèle occidental de la corruption politique et de la domination des masses. Et l’élection ininterrompue est l’instrument de cette domination. Qui nous maintient dans l’illusion d’une démocratie fétiche où le processus électoral suspend plus efficacement les libertés politiques qu’aucun autre.

Quant au changement, ce slogan vide de tout sens de François Hollande, il sent à satiété une République qui fleure la péremption. A commencer par cet ordre politique électoral qui n'a cessé de s’affirmer contre l’ordre social. A commencer par la dénonciation de cette fumeuse pacification des mœurs politiques que l’on nous sert comme une nécessité faisant force de loi et qui ne fait qu’affirmer sa toute puissance sur les citoyens d'une République sans nation. Alors bien sûr, on nous dira que les municipales sont un vote de proximité. Vraiment ? Ne s'agit-il pas là encore d'élire de petits hobereaux qui sitôt au pouvoir sauront le confisquer avec conviction ? Je ne vois pas, sinon dans les communes les plus modestes, qu'il y ait dans les villes de quelque importance de vraies démocraties en place là encore. On y apprend au contraire bien vite l'art de conserver le pouvoir, loin des citoyens que l'on tient à distance de lambris pitoyables la plupart du temps.

 

Elections piège à cons –que reste-t-il de la démocratie, de Jean Salem, Flammarion, février 2012, 120 pages, 7 euros, ean : 978-2081248793.

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Les Travaux et les jours, Hésiode

22 Mars 2014 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

 

Hesiode.jpg"Il est bien de donner, prendre de force est mal"… D'éloge de la justice en éloge du travail, du calendrier des travaux des champs à celui des jours néfastes, Hésiode semble composer à travers son poème une sorte d'Amanach Vermot à l'usage des bien pensants. On croirait presque tomber, à vingt-huit siècles d'intervalle, sur quelque comte-sponvillien petit traité des grandes vertus. A peine moins distingué, sûrement plus pratique, toujours prodigue en bons conseils adressés la plupart du temps à son frère Persès (l'insensé), ce traité de circonstance est sans aucun doute à méditer -on ne résistera pas à l'envie de réfléchir à ce conseil sage par temps de pollution : "N'urine jamais à l'embouchure des rivières, ni à leur source"…
Plus sérieusement : contemporain d'Homère, Hésiode tourne à la fois le dos au monde maritime et à la poésie épique pour tenter de construire, sur les pentes de l'Hélicon en proie à la guerre et à la famine, des règles de vie commune. Une idée prépondérante structure son poème : celle du travail comme fondement de la justice sociale. On aurait tort, ainsi, de prendre Hésiode pour un faiseur d'almanach. Le Temps cyclique et ordonné qu'il pose, sa foi en un ordre olympien qui transcende l'apparent chaos des vicissitudes humaines font de lui, selon les mots de J.P. Vernant, "le plus ancien poète théologien de la Grèce".

 

Les Travaux et les jours, Hésiode, présentation de Claude terreaux, éd. Arléa, septembre 1995, 126 pages, ISBN-13: 978-2869592520.

 

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Déjeuner au bord de la Baltique, Nicolas Bokov

21 Mars 2014 , Rédigé par texte critique

 

bokov-baltique.jpgRiga. Trois hommes en noir prennent place dans une voiture, noire. Une Volga. Le monument à Lénine tend son bras vers l'Est, quand tout l'Occident se tourne d'un même mouvement vers l'Ouest. Bruits étouffés, paroles chuchotées. Ne pas laisser de traces. Jamais. C'est comme vouloir regarder le monde à travers la vitre d'un train de banlieue. Dans les années soixante-dix, la Russie n'offrait guère que le visage haineux ou résigné des soviétiques. Silences. La Baltique comme un fragment usé d'ambre jaune. Un paysage désert dans lequel les êtres ne se rencontrent pas, ou furtivement. Nicolas Bokov ramasse des lambeaux de sa vie, d'une écriture rêche, presque frustre. Il découpe des scènes infimes dans un théâtre d'ombres. Les animent sans ostentation. Les contours d'un homme assis, ses gestes minuscules pour survivre. Les formes s'éclairent tour à tour, qu'il commande d'une voix lasse, comme un montreur désabusé. Puis les silhouettes s'immobilisent, figées dans le mémorial de ses souvenirs. Derniers instants du dissident avant l'exil. La femme qu'il aime en contreplongée. Une poétique de l'effacement. De son inscription dans l'écriture même, attentive aux détails les plus modetes. Sans tenter jamais d'ajouter autre chose au ciel plombé d'angoisse des appartements moscovites. On se rappelle l'ouvrage poignant qu'il écrivit en 1998 : Dans la rue à Paris. Il relatait alors son expérience de SDF, avec cette force étrange de l'être acculé. Nicolas Bokov vit toujours à Paris, et continue d'écrire.

 

Déjeuner au bord de la Baltique, Nicolas Bokov, traduit du russe par Maya Minoustchine, éd. Noir sur Blanc, coll. Littérature étrangère, septembre 1999, 96 pages, 15,15 euros, ISBN-13 : 978-2882500779.

 

 

 

 

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