ETRE FRANÇAIS…
Patrick Weil publie un petit livre dans lequel, après mille autres, il régurgite les quatre piliers habituels de la nationalité française. Rien qu’on ne sache déjà :
1) L’égalité des Droits devant la Loi. Beau principe certes, auquel il faut tenir, mais insuffisant pour comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons et pour nous apporter des réponses circonstanciées. Prenons l’exemple des sous-citoyens que sont aujourd’hui les français des banlieues défavorisées, d’origines étrangères. Avec le sociologue Ahmed Boubeker, affirmons alors avec force que tant que la France refusera de regarder en face la dimension ethnique des inégalités sociales, elle ne pourra penser sérieusement son devenir et réfléchir dans toute son étendue cette question de l’égalité des droits devant la Loi. Le principe est bon, assurément et sans contradiction avec ce qui vient d’être dit précédemment. Mais l’exhiber sans en creuser les contenus ne sert à rien.
2) La langue française comme outil d’émancipation. Patrick Weil tient sur ce sujet des propos qui auraient beaucoup amusé les victimes de la Terreur, qui rendit obligatoire la langue française, quand il affirme par exemple que la France a traité "maternellement" les patois… Dans les années 1970, existait encore en France une mémoire rurale qui se rappelait les temps de son humiliation dans les écoles de la République au sujet de sa langue… Et sur cette même question, il y aurait plutôt urgence à réfléchir à la manière dont s’est opérée cette unité linguistique de la France !
3) La mémoire de la Révolution comme acte fondateur. Inquiétant… (j’y reviendrai).
4) La Laïcité enfin, tarte à la crème des politiques en panne de réflexion.
Certes, les assauts récents du gouvernement français contre ces quatre piliers feraient presque passer l’ouvrage pour révolutionnaire. A l’évidence, l’urgence en face de laquelle nous place l’état sarkozien intime de s’en remettre d’abord à l’exigence de souveraineté de l’individu, l’explicite de 89, impliquant le droit pour chacun de s’opposer aux abus de pouvoirs de l’État. La remise en question, de nos jours, du concept de société, traduit une régression sans précédent. Mais cette remise en cause est le fait des classes supérieures ! Des classes plus dominantes que jamais, qui achèvent leur sale boulot en affichant comme seule légitime leur culture, au sein de laquelle la figure du Peuple est devenue invisible. Que le siècle d’avant la Révolution, en outre, soit plus approprié pour rendre compte des rapports sociaux d’aujourd’hui ne trouble semble-t-il personne. Au point que cette fameuse mémoire de la Révolution devrait constituer encore et toujours notre horizon indépassable ! Or, depuis 1789, l’Etat n’est plus identique à la société et ne peut en conséquence la représenter. En référer ici à l’esprit de 1789 ne nous aidera en rien à comprendre comment fonctionne notre société contemporaine. Tentons plutôt d’en mesurer les conséquences : parce qu’il ne lui est plus identique, tout le problème depuis aura été celui de la limitation de son pouvoir. C’est en divisant ce pouvoir entre gouvernement et opposition qu’on a fini par le limiter convenablement. La vérité d’un état démocratique réside là : dans la nécessité d’un sommet contingent, labile. Cette déstabilisation fondatrice de la puissance suprême est l’essence même du caractère démocratique de nos sociétés, qui inclut dans le pouvoir politique la particularité de valeurs nécessairement opposées. De sorte que ce qui est fondamental, en politique, c’est la fonction d’opposition. Fonction que la Gauche de Pouvoir n’a pas joué, rappelons-lui, nous plongeant dans le cauchemar qui est le nôtre aujourd’hui, et risque encore de l’être bien après 2012, si la leçon n’est pas comprise. –joël jégouzo--.
Etre français , Les quatre piliers de la nationalité, de Patrick Weil, éditions de l’Aube, janvier 2011, coll. Aube Poche, 40 pages, 5 euros, ean : 978-2-815901970.
INEGALITES, POLITIQUES NEOLIBERALES ET DERIVES OLIGARCHIQUES…
L’essai d’Alain Cotta n’est guère convaincant qui, à force de décrire l’oligarchie comme un principe "naturel" de tout Pouvoir en place, finit par ne plus savoir saisir les spécificités de la dérive que nous connaissons aujourd’hui. En outre, à trop vouloir faire de l’oligarchie un mode naturel de gouvernement, on finit par ne plus comprendre les exigences des démocraties, la perspective historique adoptée finissant par justifier un mode d’oppression transformé en fatalité de l’Histoire… Perspective des plus hasardeuses, qui ramène sur le même plan les événements dictatoriaux et les longues durées monarchiques, embrassant dans un même système d’interprétation des temporalités historiques très éloignées, voire des cultures, de Gengis Khan aux Etats-Unis d’Amérique du Nord… Le tout arrange une mise à plat anhistorique transformant laborieusement le modèle oligarchique en grille d’interprétation de l’Histoire…
L’ouvrage peine de fait à nous dire où il veut en venir, affirmant d’un côté que finalement nous assistons à une démocratisation relative de la très grande richesse (il y a plus de riches qu’il n’y en avait il y a cinquante ans), et de l’autre que les inégalités n’ont jamais été aussi fortes aujourd’hui.
Et c’est certainement le plus intéressant de l’ouvrage, que de réaliser, chiffres à l’appui, que depuis les années 2000, la croissance des inégalités dans le monde est sans précédent. Ralentie des années 20 aux années 70, grâce à des engagements politiques forts, sous l’impulsion de l’idéologie néolibérale et l’abandon des formes radicales de luttes, les inégalités non seulement se sont largement diffusées, mais n’ont jamais connu une aussi belle embellie. L’autre intérêt du livre est de montrer que cette crise qui plonge des pays entiers dans la misère a pour origine 5 familles américaines décidées à engranger des profits colossaux… Pour le reste, l’essai se fait attendre qui démontera méticuleusement le récent complot néolibéral initié contre les Peuples du monde avec la complicité d’une Gauche de Pouvoir stipendiée.--joël jégouzo--.
Le règne des oligarchies, de Alain Cotta, éd. Plon, 27 janvier 2011, 212 pages, 18 euros, ean : 9782259212885.
Lire aux cabinets, de Henry Miller, une lecture dominicale…
Le livre dans son intimité même. Voici l’un de ses aspects -on n’ose écrire "fonction"-, des plus fondamental. Non pas tant du reste à cause de cette intimité à soi-même qu’engendre la littérature. Miller congédié d’un emploi parce qu’il avait été surpris par son directeur en train de lire Nietzsche au cabinet, sait bien de quoi il en retourne -il était du coup parti se réfugier dans les bois, en se posant la question, grave, de savoir s’il existe des lieux appropriés pour lire et accessoirement, méditer sur la fonction d’expulsion. Existent-ils en outre seulement, ces lieux d’aisance où, soustrait aux bruits du monde, l’on saurait toucher enfin à quelque aventure réellement personnelle ? De quelles aises au demeurant nous parleraient-ils ? Quand au vrai stationner aux cabinets pourraient ne relever que d’une stratégie agaçante destinée à vous soustraire -Miller pestant contre les stations prolongées de sa femme aux cabinets en témoigne-, aux tâches domestiques pour pratiquer enfin, mais quoi donc ? Quelque usage inédit de soi? Là n’est peut-être même pas la question. Lire au cabinet, lieu privilégié de béatitude, activité dominicale s’il en est, laisse entier la question plus troublante de savoir ce qu’on peut y lire, si l’on y tient vraiment. Existe-t-il des lectures de chiotte ? Aucun éditeur, à ma connaissance, ne s’est penché sur cette intéressante question, ou n’a voulu avouer une ligne éditoriale au fond plus généreuse qu’il n’y paraissait. Miller semble convaincu, lui, que La Phénoménologie de l’Esprit, de Hegel, y est des plus indiqués : "une lecture assommante vous sort de la vie". Ce en quoi il se trompe : l’assommant n’est sûrement pas le critère qui convient à propos de La Phénoménologie de l’Esprit, que je tiens pour un chef-d’œuvre de construction intellectuelle. Mais le débat est ouvert. Lire pour se délivrer de la vie, du trop plein des librairies aussi bien, qui constitue peut-être secrètement l’une des ambitions de la littérature… Ce qui supposerait tout de même finalement le contraire d’une attention flottante. Non pas exactement ce que fait Miller avec ce texte, qui offre une œuvre légère et profonde, drôle et pénétrante, creusant avec une diligence toute désinvolte l’urgence d’un besoin somme toute dominical, convoquant au fond le sens profond (étymologique même) du mot prier (qui signifie se reposer en Dieu), évidemment ici appliqué moins aux remerciements dont on pourrait gratifier le Créateur d’avoir si bien su faire les choses qu’il nous faille expulser chaque jour ce qui nous encombre et pèse et plombe nos desseins, qu’à la nécessité de lâcher prise dans ces instants privilégiés d’extrême nudité existentielle. –joël jégouzo--.
Lire aux cabinets, de Henry Miller, traduit de l’anglais par Jean Rosenthal, éditions Allia, mai 2000, 58 p., 6,70 euros, ean : 978-2844850362.
APPRENDRE A PHILOSOPHER AVEC JACQUES RICOT
S’étonner. La philosophie n’a point d’autre origine. Non pas qu’il faille demeurer stupéfait devant l’incompréhensible ou s‘émerveiller de ce que le monde soit et se tenir là, bouche bée, dans l’attente d’une révélation qu’il est peut-être bien incapable de nous fournir. Non, s’étonner, au sens où les grecs l’entendaient, d’un fracas qui nous mettrait en mouvement et nous convierait à voir les choses autrement qu’elles ne paraissent. S’interroger à nouveau frais encore et encore et pousser dans la chair même du monde le mouvement de cet étonnement.
En courtes leçons pertinentes, Jacques Ricot, dans une langue claire, mesurée, réfléchie pour tout dire, nous guide pas à pas sur ce chemin de l’étonnement construit, circonspect. Un chemin balisé avec une conviction chaleureuse instruite dans la langue grecque ancienne, coupant court fort heureusement aux lacunes de notre bien imparfait français. 34 leçons que l’on conseillerait bien volontiers à nos chères têtes blondes au moment du baccalauréat, et à tout prendre, à tous ceux qui veulent entrer dans le chemin, le reprendre ou tout simplement s’émerveiller encore de ce que la pensée enflamme, dès lors qu’elle est levée. Parmi ces leçons, on retiendra les deux très beaux cours livrés l’un sur le Visage, l’autre sur la figure de l’étranger.
Du Visage bien sûr, Jacques Ricot a fait siennes les méditations de Lévinas, splendides et admirablement retransmises ici. Comme dans un face à face modeste mais assuré avec le philosophe qui sut mieux qu’aucun autre donner au Visage humain son vrai statut anthropologique et éthique. Ce Visage à chérir plus encore aujourd’hui qu’hier, "où autrui se tourne vers moi", non pas sous l’espèce de traits qu’il me serait comptable de dénombrer, mais sous sa fondatrice fragilité, exposant sans fard son altérité, qui n’est jamais d’abord qu’une radicale vulnérabilité. Tendu dans la fragilité de sa pure humanité, il ouvre ainsi directement à la question de l’étranger, ce Xénos dont Jacques Ricot rappelle avec force combien il fut, depuis la Grèce Antique et jusque dans les trois religions révélées, une figure sacrée. A la fois étranger et hôte, celui que l’on reçoit et celui dans le souci duquel on s’empresse. Et Jacques Ricot de nous aider à réaliser, avec effarement, combien cette dimension a été oubliée : celui dont on prenait soin, dans nos religions révélées, n’était pas le prochain, mais l’étranger. Ce n’est que par une monstruosité de l’histoire, du tour abject que notre monde a pris, que la figure de l’étranger a finalement reparu chez nous sous les traits de l’ennemi à abattre!-joël jégouzo--.
Apprendre à philosopher avec Jacques Ricot, 34 exercices philosophiques, éd. Frémeaux, juin 2009, 2 CD, 1 livret d’accompagnement (32 pages), 29,99 euros.
NAGASAKI, D'ERIC FAYE, DU CAUCHEMAR NEOLIBERAL...
La narrateur habite dans les faubourgs de Nagasaki, où il mène une existence somme toute modeste, rébarbative, habitée par une routine pétrifiante. Maniaque bien sûr, célibataire –pourrait-il en être autrement ? Mais impassible, cette existence, à défaut d’être sereine.
Jusqu’au jour où, plantant sa sonde dans sa brique de jus multivitaminé, il constate qu’il manque sept centilitres de liquide… Quelqu’un est entré chez lui. Sûrement. Hélas, il ne peut en avoir l’exacte certitude depuis qu’il a cessé de photographier son intérieur avant de partir au travail le matin… Tout de même, si : les niveaux consignés dans un petit carnet. Il manque bien sept centilitres de jus, dans la brique. Du coup il s’équipe d’une webcam reliée à son ordinateur, qui lui permet d’observer son intérieur depuis son bureau. Et ce qu’il découvre, c’est une femme, squattant sa maison en son absence. Une femme tranquille, soigneuse même, tenant bon ordre de tout. Il prévient la police, la coupable est arrêtée. On découvre que cela faisait des mois qu’elle vivait ainsi chez lui. Une SDF. Chômeuse en fin de droits, qui avouera lors du procès qu’elle était entrée par hasard, avait découvert une pièce abandonnée, libre en quelque sorte, où elle s’était tout d’abord reposée, avant de s’installer discrètement, roulant sa natte dans la journée, nettoyant, consommant ses propres produits, jusqu’au jour où l’envie lui vint de goûter à ce jus multivitaminé qui ne lui appartenait pas. Elle le consent volontiers. Un an, dans cet appartement. Lui, ne s’en était pas rendu compte. La discrétion élevée au rang de survie. Le Japon moderne, contemporain, celui qui ne cesse de sombrer dans la misère et la faillite du modèle néo-libéral, que l’on prend ici en pleine figure. Tout comme le narrateur, rongé peu à peu par le remords. Une année de vie commune. La femme en prison désormais. Pour trois longues années. Et c’est toute sa vie d’un coup qui se met à défiler devant sa conscience. Sa vie et le monde comme il va. Odieusement. A racornir chaque jour un peu plus sous ce genre de pression incongrue. Notre homme se met à réfléchir. A son enfermement. A ces règles abjectes d’un monde soutenu à bout de bras en pure perte. Il vit douloureusement le malaise des audiences, lors du procès de la femme, qui avait fini par nidifier là, chez lui, dans l’horreur de leurs solitudes effarouchées. Jusqu’à cette lettre de sa main à elle, que nous recevons là encore en pleine figure. Un belle lettre tendre et naïve sur cet absurde qui nous étreint, jetés que nous sommes, tous, dans le froid calcul d’un monde obscène. Une lettre dans laquelle elle finit par lui raconter l’émerveillement que cela a été, de vivre chez lui, avec cette lumière qui de nouveau surgissait derrière la fenêtre de la petite chambre abandonnée. Un texte superbe, émouvant, pénétrant, discret. --joël jégouzo--.
Nagasaki, de Eric Faye, Stock, coll. Bleue, 18 août 2010, 112 pages, 13 euros, ISBN-13: 978-2234061668, GRAND PRIX DU ROMAN DE L'ACADEMIE FRANCAISE 2010.
FISCALITE, FINANCES : DU RACKET FRANCO-FRANÇAIS AU RACKET EUROPEEN…
Quelques mots sur la Dette française tout d’abord…
L’Etat, voudrait-on nous faire croire, gère l’économie de la France en bon père de famille… On aimerait le croire et tomber dans pareille naïveté : comme si la macro-économie était réductible à l’économie domestique… Comme si le Président de la République fRançaise tenait réellement le souci de la Nation en estime…
Un rapport parlementaire montre que le coût de la baisse des impôts directs, en particulier celui résultant des cadeaux offerts aux plus riches, s’évalue à 100 milliards d’euros… En fait de Dette Publique, ce à quoi on a assisté ces dernières années, c’est au transfert massif des richesses, des contribuables vers les actionnaires.
Un transfert qui a alourdi considérablement les Finances Publiques, contraintes de chercher sur le Marché les moyens de s’en sortir… Effet jackpot assuré aux plus riches : avec l’argent économisé sur leurs impôts, ils ont pu acheter les titres de la Dette émis pour financer les déficits publics provoqués par leur réduction d’impôt, titres en outre rémunérés par l’argent des contribuables… Et par un tour de passe sans précédent, les médias se sont chargés de nous faire croire que la faute en incombait essentiellement aux fonctionnaires, aux retraités, aux malades et aux chômeurs…
De son côté l’UE, pour ne pas être en reste, a fait inscrire dans son Traité de Constitution, que nous n’avons pas démocratiquement ratifié, mais que l’on s’est chargé d’exécuter pour nous, l’obligation pour chaque Etat membre de financer ses dettes non pas auprès de la banque centrale européenne, mais des Marchés Financiers ! Magnifique : les pays européens dépendent ainsi totalement des marchés pour financer leurs déficits ! Ce qui en gros revient à faire payer chaque pays deux fois la même note…
La construction européenne s’est ainsi affirmée comme l’instrument mis au point par les riches pour imposer des réformes qui allaient assurer leur fortune ! Et bien évidemment, tout le poids des ajustements est supporté par le Travail. Flexibilité et austérité salariale, il faut être raisonnable si l’on veut que la spéculation financière puisse s’en donner à cœur joie ! Quant à la stratégie du choc recommandée par les élites financières, tel DSK félicitant Ben Ali en 2008 pour sa gestion exemplaire, ou tirant affectueusement les grecs par la joue pour les féliciter d’avoir accepter la misère qui leur était proposée, nul doute qu’elle ne parvienne, à terme, à consacrer le triomphe définitif du Pouvoir de la Finance sur tout autre Pouvoir. Nul doute non plus qu’à la faveur de la crise et avec la complicité de médias décidément prompts à jeter par dessus bord leur vocation initiale, l’on ne veuille radicaliser davantage encore l’agenda des réformes, pour notre bien…
Refonder l’UE, refonder la Démocratie, refonder la République et son calendrier politique injurieux qui, en France, lie les législatives à la présidentielle et pervertit de fait un système déjà passablement déplorable, on le voit, le travail ne manque pas…--joël jégouzo --.
Manifeste d’économistes atterrés, éd. Les liens qui Libèrent, nov. 2010, 70 pages, 5,50 euros, ean : 978-2-918597-26
TUNISIE, L’UE A JOUE UN RÔLE CLE DANS LE MAINTIEN DU REGIME DE BEN ALI
Le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) a rendu public, fin 2010, un rapport sur Les relations entre la TUNISIE ET L’UNION EUROPÉENNE en matière de droits de l’homme.
Dans un langage prudent, il pointe tout de même, après les déclarations, voire les contorsions badines de notre Président sur la question, la sérieuse défection européenne à l’égard du Peuple Tunisien.
D’autant qu’il fut rendu public au moment où Ben Ali criminalisait purement et simplement les activités de sensibilisation menées par les Défenseurs des Droits de l’Homme en Tunisie, criminalisation qui, bien sûr, ne fit l’objet d’aucune désapprobation européenne…
Ben Ali s’était pourtant engagé à respecter les libertés fondamentales conformément à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, allant jusqu’à signer un accord d’association avec l’UE, la Tunisie convenant que le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques inspirerait désormais sa politique interne et internationale… Lors du Sommet de l’Union pour la Méditerranée(2008), la Tunisie s’était du reste déjà engagée "à renforcer la démocratie et le pluralisme politique par le développement de la participation à la vie politique et l'adhésion à l'ensemble des droits de l'Homme et des libertés fondamentales". Bien évidemment, aucun des engagements relatifs aux réformes démocratiques et aux droits de l’Homme ne s’était concrétisé. Le rapport démontre même qu’au contraire, les autorités tunisiennes violaient de "façon systématique et soutenue" la plupart des droits et libertés qui faisaient l’objet de la coopération UE-Tunisie. Quant à l’UE, si le rapport ne fait que très diplomatiquement s’interroger sur son attitude face aux autorités tunisiennes, il n’en conclut pas moins qu’elle "aurait dû adopter un ton beaucoup plus ferme vis-à-vis des autorités tunisiennes compte tenu des violations flagrantes des droits de l’Homme et des engagements envers l’UE commises par celles-ci". Le moins que l’on puisse dire en effet, c’est que l’UE n’a guère veillé à la mise en œuvre de ses engagements face aux autorités tunisiennes… A titre d’exemple, le rapport cite l’engagement financier de l’UE contracté avant la fuite de Ben Ali à hauteur de 240 millions d’euros auxquels s’ajoutaient les promesses d’un prêt à long terme de 900 millions de dollars en provenance de la Banque européenne d’investissement, engageant scellé par l’enthousiasme d’une Union Européenne manifestant sans retenue sa satisfaction pour "l’excellente coopération avec ce très bon partenaire" qu’était alors Ben Ali ! Cela, malgré le constat exprimé dans les rapports de suivi annuels successifs de la Commission Européenne elle-même, selon lesquels l’UE n’avait pu déceler aucune avancée significative dans les domaines des droits de l’Homme, voire même en dépit du fait que les subventions qu’elle-même accordait aux ONG des droits de l’Homme tunisiennes demeuraient bloquées par Ben Ali et ses proches. Enfin, malgré l’absence totale de respect de ses engagements vis-à-vis de l’UE en matière de droits de l’Homme, l’Europe, à la remorque du RMI, consentit à travailler en direction d’un partenariat avancé avec la Tunisie ! Le rapport, savoureux, conclut preuves à l’appui que l’UE aura joué un rôle clé dans le maintien du régime en place… On comprend le peu d’empressement de notre chef d’Etat à applaudir la Révolution du Jasmin…--joël jégouzo--.
Le rapport passe en revue les textes, les mécanismes et les instruments principaux en matière de droits de l’Homme entre l’UE et la Tunisie. Il dresse un état des lieux du respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques en Tunisie (notamment les libertés publiques, la torture et la question de l’impunité, la dépendance du judiciaire et les procès politiques, la loi sur la lutte contre le terrorisme, l’égalité hommes-femmes, les droits économiques et sociaux etc.) en mettant à la disposition du lecteur une liste de 42 "liens" Internet. Le rapport analyse aussi la mise en œuvre des politiques européennes en matière de droits de l’Homme dans les relations avec la Tunisie depuis 2007.
http://www.euromedrights.org/fr/index.php/news/emhrn_releases/61/3962.html
MARCHES FINANCIERS, CHÔMAGE ET CROISSANCE ECONOMIQUE…
On a voulu nous faire croire que les marchés financiers conditionnaient la régulation d’ensemble du capitalisme et qu’en conséquence, ils étaient favorables à la croissance économique. DSK, patron du FMI, n’a cessé d’en populariser l’idée et à l’en croire, les marchés financiers seraient notre salut… Alors qu’au fond, si l’on observe ce qu’il se passe vraiment, force est de constater qu’aujourd’hui, ce sont les entreprises qui financent les actionnaires et non l’inverse !
L’entreprise est en effet désormais conçue comme étant exclusivement au service des actionnaires. Enfonçons le clou : les entreprises doivent satisfaire exclusivement le désir d’enrichissement des actionnaires.
Dans le vocabulaire technique des économistes, on appelle cela le ROE : Return on Equity… Le mécanisme en est fort simple, le calcul grossier sinon abject : la norme qui s’est partout imposée par la finance est d’un ROE de 20% et plus, soit une exigence de profit démesurée. L’instrument de ce pouvoir : la liquidité, qui permet aux capitaux frustrés de déserter telle entreprise au ROE jugé trop faible, quand bien même cette entreprise serait florissante, largement bénéficiaire, créatrice d’emplois et vitale pour son bassin économique, pour aller pas même se porter ailleurs, mais tout simplement empocher ailleurs des dividendes plus intéressants.
Une capacité dont les actionnaires veulent pouvoir jouir à tout moment, d’un simple claquement de doigt, des fois qu’une opportunité se présenterait…
Volatil, le capital ne cesse de s’évaporer pour parasiter ici ou là, en France ou partout ailleurs dans le monde, les opportunités qui s’offrent à lui sur le marché boursier mondial.
La conséquence en est que la croissance s’en trouve au contraire bridée, que les inégalités augmentent selon la même courbe exponentielle que la précarité, que les investissements s’en trouvent inhibés, que les salaires subissent une pression sans commune mesure, que le chômage augmente tandis que le pouvoir d’achat ne cesse de baisser, et que nos fameux fondamentaux de l’économie en ressortent le cou tordu.
Dans les pays anglo-saxons, cette tendance avait été momentanément contrecarrée par l’endettement des ménages qui assuraient à eux seul une croissance forte du PIB. Ils payaient ainsi doublement la facture : par la pression sur leur salaire et leur endettement. Avant de la payer une troisième fois, quand le krach fut venu… Mais après tout… La bulle financière avait permis de créer une richesse fictive dans tout le pays, en autorisant une croissance importante d’une consommation inédite réalisée sans salaire, les ménages n’avaient qu’à méditer leur manque de jugeote… --joël jégouzo --.
Manifeste d’économistes atterrés, éd. Les liens qui Libèrent, nov. 2010, 70 pages, 5,50 euros, ean : 978-2-918597-26.
Le BIB40 sur l’évolution de la pauvreté en France : http://www.bip40.org/bip40/barometre
Courbe : l’évolution des 1% de salaires les plus élevés en France…
MANIFESTE D’ECONOMISTES EUROPEENS (700) ATTERRES…
Crises et dettes en Europe, les fausses évidences enfin pointées du doigt par des économistes, conseillers à divers titres du Parlement européen !
Des économistes qui ont solennellement pris acte de ce que, malgré la crise de 2007 / 2008, les pouvoirs en place, particulièrement en France et au FMI, n’ont pas compris ses vrais enjeux, le Pouvoir de la Finance et sa capacité de nuisance étant restés intacts. En Europe même, les Etats ont mis en place des mesures déjà éprouvées dans le passé, sans aucune inspiration, et dont les seules conséquences ont été d’accroître l’instabilité et les inégalités…
Atterrés par ce constat, 630 économistes occupant en Europe des fonctions d’expertise ont tout d’abord signé un manifeste déposé entre les mains des pouvoirs publics européens. Rencontrant le plus parfait mépris de la part de responsables politiques supposés tout de même tendre un tant soit peu l’oreille, ils furent rejoints par une centaine d’autres spécialistes et rendirent public ce manifeste. Leur conclusion : il est plus qu’urgent d’engager un vrai débat public sur ces questions. La crise exigeait une refonte de la pensée économique, au lieu de quoi nous avons eu droit à des pantomimes et de jolis discours hypocrites, suivis d’aucune décision conséquente.
Le document publié par les éditions LLL récapitule les termes de ce manifeste, qui très pédagogiquement engage tout à chacun à mieux comprendre les mécanismes par lesquelles des évidences douteuses nous sont servies en vérités absolues. Parmi ces évidences, celle selon laquelle les marchés financiers seraient efficients.
On a ainsi voulu nous faire croire par exemple que les marchés financiers conditionnaient la régulation d’ensemble du capitalisme. Les Finances devaient même constituer le mécanisme d’allocation d’un capital plus efficace. Depuis trente ans, les politiques menées sont conformes à cette hypothèse, construisant un marché financier global où échanger toutes les catégories de titres.
Les difficultés venant, les partisans de cette hypothèse douteuse, Sarkozy et DSK en tête, ont puérilement interprété la crise comme l’effet de l’irresponsabilité ou de la malhonnêteté de quelques acteurs financiers qu’il suffisait d’encadrer et de remettre au pas… Mais qu’a-t-elle montré en réalité ? Le prix qui se forme sur un marché serait une bonne estimation de la vraie valeur d’un titre… En s’orientant en outre vers les produits les plus rentables, les marchés orienteraient positivement la production des Biens, procédant avec pertinence à la sacro sainte et bénéfique destruction positive nécessaire au bon fonctionnement du capitalisme de type fordien…
Mais en réalité, la concurrence financière ne produit pas de prix justes : elle conduit à des évolutions artificielles et la constitution de bulles financières, dont le seul but est de permettre d’empocher au passage des plus-values colossales, juste avant que la bulle n’éclate, voire dans l’espoir qu’elle éclate bientôt…
L’erreur, ici, évidemment volontaire, est de transposer aux marchés financiers la théorie des marchés de biens ordinaires, à savoir : la rustique loi de l’offre et la demande.
Car sur les marchés financiers, quand un prix augmente, on assiste non pas à une baisse, mais à une hausse de la demande… La hausse attire de nouveaux acheteurs qui viennent renforcer la hausse initiale. La promesse de bonus pousse en outre les traders à amplifier le mouvement, jusqu’à l’incident.
De sorte que la fonction essentielle des marchés financiers est de fabriquer des prix inadéquats. Il n’y a aucune efficacité à attendre des marchés financiers vers le reste de l’économie, bien au contraire ! Ils sont nécessairement source d’instabilité. La liste des bulles qui ont éclaté depuis vingt le confirme avec force - Japon, Asie du Sud/Est, Internet, marchés émergents, immobilier, titrisation…
L’instabilité financière qui accompagne nécessairement le fonctionnement des marchés financiers se traduit, inéluctablement, par de fortes fluctuations des taux de change, de la bourse, etc., loin des fondamentaux de l’économie dite réelle mais la contaminant en retour très rapidement. –joël jégouzo--.
Manifeste d’économistes atterrés, éd. Les liens qui Libèrent, nov. 2010, 70 pages, 5,50 euros, ean : 978-2-918597-26-1.
LES TITULAIRES DE DOCTORAT EN PANNE D’EMPLOI…
Pour se préserver de la précarité et du chômage, jusque là il était préférable d’être diplômé de l’enseignement supérieur. Eh bien ce n’est plus tout à fait vrai : une récente étude du Centre d’Etude et de Recherche sur les Qualifications montrent que nombre de titulaires de doctorat, en France, éprouvent désormais toutes les peines du monde à trouver un emploi et connaissent les difficultés d’insertion qui étaient jusque là réservées aux non-diplômés…
Cela tient d’une part à ce que, traditionnellement, la recherche académique offrait des débouchés à ces docteurs. Or les dépenses de la recherche Publique se raréfiant, ces débouchés se sont taris. Et d’autre part à la frilosité, voire la méfiance du Privé face à des diplômés jugés trop peu opérationnels. En outre, sur ce même marché, nos french doctors se voient concurrencés par des masters conquérants, entrés plus jeunes dans la vie active et peu enclins eux-mêmes à céder leur place, que contestent du reste déjà les cycles courts, en difficulté eux aussi comme toute la jeunesse française, sur un marché du travail déprimé, qui ne lui fait vraiment pas la part belle…
L’insertion des docteurs français est ainsi jugée d’autant plus anormale qu’en outre, de plus en plus d’emplois leur sont proposés dans des cadres précaires : stages et CDD à répétition…
Certes, les études du Céreq montrent que la qualité de l’insertion varie selon la discipline. Relativement bonne dans les sciences dites "dures", il n’en reste pas moins que dans le secteur de la chimie ou des sciences naturelles on observe un nombre important de docteurs restés sur le carreau… Quant aux sortants des sciences humaines, ils appointent de plus en plus nombreux au Pôle Emploi, le seul espace à leur trouver une occupation à la hauteur de l’ambition française pour ses jeunes diplômés… Un début de réponse peut-être, observe le Céreq : réformer les formations doctorales et les conditions de réalisation des thèses qu’il faudrait intégrer davantage à des programmes travaillant sur des projets concrets. Ce qui au passage mettraient fin aux thèses désintéressées comme sur l’histoire de la ponctuation française à travers les âges par exemple, ce qui serait tout de même bien dommage quand même ! –joël jégouzo--.
Bref, des docteurs en mal de stabilisation, n°277, septembre 2010 (sur abonnement)
Chômeurs, qu'attendez-vous pour disparaître ?, collectif, sous la direction de Jean-Jacques Reboux, éditions Après la Lune, coll. Tous les possibles, mars 2007, 245 pages, 17 euros, ean : 978-2352270317.