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La Dimension du sens que nous sommes

DROITS DE L’HOMME : L’HYPOCRISIE EUROPEENNE…

4 Février 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

world-report.jpgHuman Rigths Watch vient de publier son rapport en janvier 2011. Un rapport de 650 pages, le 21ème du genre, bilan annuel de l’organisation sur la situation des droits humains à travers le monde. Une situation particulièrement dégradée au cours de l’année 2009, dont la dégradation s’est poursuivie, littéralement, avec la complicité des chancelleries européennes, qui ont entre-temps mis simplement au point une stratégie de communication visant à masquer leur inaction aux yeux de leurs opinions publiques, voire à dissimuler l’aide objective qu’elles apportaient aux gouvernements les plus répressifs. Les mécanismes sont à ce niveau fort simples, de l’étonnement joué de Nicolas Sarkozy sur la situation du Peuple Tunisien, aux avions de Mam assortie de sa volonté d’aider le clan Ben Ali à parfaire sa répression, en passant par l’octroi de fonds alloués sans contrepartie, voire au silence devant le détournement éhonté, comme ce fut le cas en Tunisie, de sommes importantes allouées par l’UE aux ONG tunisiennes travaillant sur le terrain. Des sommes qu’elles ne virent bien sûr jamais parvenir sur leurs comptes, puisqu’elles filaient aussitôt sur ceux du clan Ben Ali, dans la plus parfaite transparence si l’on dire, sans qu’aucune chancellerie européenne n’y trouvât à redire…

Cette stratégie de communication, toujours en vigueur aujourd’hui, est décrite ici avec beaucoup de précision. Déclarations routinières en faveur du "dialogue" et de la "coopération", elle donne à penser qu’en agissant discrètement et subtilement, on finira par avoir raison de l'oppression... Dans la réalité, l’inaction en matière de droits humains, érigés au rang de vertu dans le cadre d’un invraisemblable "dialogue constructif", ne sert que les tyrans, observe Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rigths Watch. Car dans le même temps, ce silence permet aux chefs d’État autoritaires de mener leurs politiques d’injustice sans compromettre leur capacité à s’enrichir et à enrichir leurs amis…

Or les pressions internationales peuvent changer la donne. On le voit pour l’Egypte aujourd’hui, "autour de laquelle le silence assourdissant de l’Europe est littéralement un crime", observe à juste titre Kenneth Roth.

Subordonner une aide, militaire ou budgétaire, à la condamnation des exactions, imposer des sanctions ciblées visant les personnes responsables de ces exactions, on le sait, plus la pression publique s’accroît, plus elle permet de diminuer les risques d’exaction sur le terrain. Tous les gouvernements ont pour devoir d’exercer ce type de pression. Mais on le voit, décidément, cette Europe n’est pas la nôtre !joël jégouzo--.

 

En couverture du Rapport mondial 2011 de Human Rights Watch, le visage d'un ancien prisonnier politique birman actuellement réfugié en Thaïlande.

http://www.hrw.org/fr/news/2011/01/24/rapport-mondial-de-nombreux-gouvernements-sont-trop-complaisants-l-gard-des-gouverne
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DE L'AMITIE EROTIQUE…

3 Février 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #Amour - Amitié

le-collier.jpgDans sa réflexion sur le caractère indépassable mais parfaitement impraticable du capitalisme, Hakim Bey proposait des pistes de résistance. Parmi ces pistes, l’amitié érotique, comme d’un espace qu’il serait possible de soustraire aux passions tristes d’une société qui a fini par nous donner le goût de nos défaites. Défaites devant la vie, nos vies en tout premier lieu, résolues en quelques accords conclus à court d’histoire.

Défaites masquées par de pitoyables contorsions, au rang desquelles, étonnamment, radicalement, à contresens de tout ce qui se pense aujourd’hui, Hakim Bey place l’ambition artistique, le devoir artistique pourrions-nous dire, tel que la société du spectacle, avide de créativité, nous l’a prescrit. Tous originaux, singuliers, à battre des deux mains devant des œuvres trop bien ficelées pour être dérangeantes, ne soyons plus en rien originaux, conseille Hakim Bey. Désertons l’art et son spectacle flatteur. Ne jouons plus aux subjectivités radicales, refusons d’être artistes, que notre désir ne nous revienne plus dans la figure sous les traits d’une vulgaire marchandise ! Et si pour réussir il faut «être vu», cachons-nous : «le vrai plaisir est plus dangereux que le braquage d’une banque !».

C’est dans le cadre d’une pareille stratégie de recouvrement de soi qu’il faut tenter de comprendre ce que Hakim Bey veut nous signifier quand il évoque cette fameuse amitié érotique comme seule alternative aux passions tristes.

Refuser l’obsession de l’amour, cette romance obligée où chacun écume toujours trop à la hâte ses désirs.

Avec une érudition implacable, Hakim Bey reconstruit en quelques pages toute l’histoire du sentiment de romance, tel qu’il nous est revenu du lointain monde musulman par les Croisades. Déformé évidemment, perverti. Et nous livre au passage des notes somptueuses sur le soufisme et la manière dont il érotisa la littérature sentimentale, ouvrant une vraie tension irrésolue en le désir et sa satisfaction. Il montre avec talent comment l’amour romantique s’est ensuite emparé de cette tension pour reconstruire tout autre chose sur les décombres du seul désir insatisfait, creusant sous nos pieds la tombe de la séparation plutôt que de l’union, qui ouvre à cette langueur amoureuse où consumer nos temps. Une langueur qui, justement, a fourni le genre de cette convention envahissante : la romance. Une convention délestant notre héritage musulman du mystère de la sublimation, en rien réductible à cette seule langueur exaspérée de la romance.

Il nous rappelle alors avec force que dans la tradition musulmane, le désir fut construit en dehors des catégories de la reproduction, pour trouver à se libérer et libérer du même coup mille objets possibles. Et piste ensuite comment, en Occident, s’est fabriquée l’idée selon laquelle l’esprit et la chair devaient occuper des positions antithétiques, idée réinscrite à l’intérieur même de l’intuition musulmane de la nécessité d’exaspérer nos sens en les articulant à l’exaltation de l’émotion qui repousse, mais pas indéfiniment, le moment de la satisfaction pour en creuser l'appétit –et au passage, permet d’accéder à une conscience non ordinaire.

collier-colombe.jpgHakim Bey retrace pour nous en quelques lignes toute la bibliothèque du désir libertin, de l’Iran aux troubadours occitans, via les Croisades, voyageant jusqu’à la Vita Nuova de Dante, doctrine de la sublime chasteté qui conduisit maints amoureux au bord de l’abîme. Revenant à son sujet, il analyse enfin ce qu’est devenu le sentiment amoureux sous le joug de l’esprit du capitalisme, au sein duquel l’être aimé est symboliquement une marchandise parfaite, dont nul jamais n’est parvenu à jouir. Car en retirant le plaisir du désir, le capitalisme a inoculé du désespoir dans la relation amoureuse. Il y eut bien certes des stratégies menées pour lutter contre les impasses de l’amour dans le monde occidental, comme celle des Surréalistes, tentant de combiner la sublimation musulmane à l’appétence tantrique de consommation de la jouissance. Mais elles furent bien vite repliées sur la romance.

Il faut autre chose aujourd’hui, affirme Hakim Bey. Parce que «l’amour romantique est une maladie de l’ego et de sa relation à la propriété» (Mackay). Parce que nous crevons de si mal aimer aimer. Il faut, affirme Hakim Bey, substituer à cette conception de l’amour celle de l’amitié érotique, libre de toute relation de propriété, fondée sur la générosité et non la langueur. L’amitié érotique comme amour entre égaux autonomes, dans l’union libre, voire, à ses yeux, dans cette stratégie pourtant souvent pitoyable mise en place par l’homme contemporain : l’adultère, où éprouver un peu de gratuité dans sa vie sentimentale et sexuelle… Car l’héritage de la langueur est devenu autodestructeur. Pour autant, avec prudence, Hakim Bey réfléchit évidemment aux dérives d’une amitié érotique qui ne s’inscrirait en définitive que dans sa seule énonciation dionysiaque, où le plaisir n’aurait d’autre finalité que le plaisir. Il y introduit un zeste d’éros apollinien : jouir de la séparation comme ajournement de l’union,où viser encore le désir dans le plaisir et non sa seule satisfaction, pour éprouver ces états non ordinaires depuis lesquels, seulement, l’être peut surgir à lui-même, faire surrection, advenir. Loin de cette langueur qui ouvre pourtant bien elle aussi à un état mystique qui n’a besoin que d’un soupçon de religion pour se cristalliser, réintégrer, commande-t-il, l’ordre du Bonheur comme une fête, où le plaisir ne peut, dès lors qu’on lui a donné cette place dans notre société, que revêtir une dimension festive, sinon insurrectionnelle ! --joël jégouzo--.

 

Zone interdite, de Hakim Bey, éd. De l’Herne, Collection : Carnets de l'Herne, traduit de l’américain par Sandra Guigonis, 80 pages, 5 janvier 2011, 9,50 euros, ISBN-13: 978-2851979292. 

Ibn Hazm 944-1064, Le Collier de la Colombe De l'amour et des amants), traduit de l’arabe par Gabriel Martinez-Gros, éditions Actes Sud, novembre 2009, 251 pages, 8, 50 euros, ean : 978-2-7427-8828-6.

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HAKIM BEY, ZONE INTERDITE… COMMENT FINIRA LE CAPITALISME ?

2 Février 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

zone-interdite.jpgComment finira le Capitalisme ? La question peut paraître saugrenue, mais elle se pose, déjà, avec de plus en plus d’évidence, et de violence. Hakim Bey, le fondateur de la TAZ, se l’est posée dans ce petit opuscule brillant. Et sa réponse est pessimiste : il n’y aura pas de Révolution, mais un déchirement abominable, dans l’abandon de régions entières du monde, et des populations exténuées…

Ce n’est certes pas ce que l’on voudrait observer, ni ce que l’on peut observer avec ce formidable Printemps des Peuples Arabes qui vient à temps nous redonner de l’espoir. Peut-être n’est-il donc pas inéluctable, ce désastre mondialisé ? L’Histoire ne peut être attelée à aucune fin. Pourtant, quand l’archaïque refait surface dans notre univers mental sous la force de Lois iniques stigmatisant des populations entières (les Rroms), quand ce qui est en jeu n’est rien moins que "la gratuité du lieu humain pour faire échec au culte de la productivité", il y a de quoi, en effet, être effrayé.

Reste que l’on ne peut baisser les bras. Et si la Révolution ne peut être menée, du moins dans les pays occidentaux, s’il est exact que nous ne pourrons plus jamais reprendre le Pouvoir de leurs mains iniques, Hakim Bey nous propose encore cinq pistes de résistance pour survivre à ce désastre. Des pistes qui ouvrent même des espaces dans ces territoires non plus confisqués par le Pouvoir, mais qui demain ressembleront à des no man's land terrifiants, à bien des égards certes, offrant tout de même quelque répit de liberté. Voire des espaces nomades de libertés ponctuelles, soustraits provisoirement à leurs fonctions répressives à l’intérieur même de cette carte de l’oppression dessinée par nos inquisiteurs.

De ces cinq pistes, certaines pourront paraître modestes, sinon puériles, comme celle de la zone autonome périodique : migrer. A contresens tout de même, et symboliquement cela prend tout son poids, des doctrines racistes qui s’affichent ici et là. Défaire les clôtures, la déclosion du monde en gros, migrer, ne serait-ce que l’été, oui : jouir de cette formidable migration psychique des vacances d’été, à plein, dans un voyage non touristique, ou sans voyage du tout même, transhumer, vivre l’été des écoliers, l’été des libertés. Ouvrir des espaces provisoires, bricoler des lieux subvertis érotiquement, dans le désordre et le relâchement, sous la langueur d’août, l’oisiveté de juillet… Et puisque tout le monde est occupé : soyons immédiats ! Arrachons-nous aux fêtes idiotes, aux réunions débiles affirme avec santé ce dernier rejeton de la Beat Generation. Refusons le dandysme noir des ermites grincheux… Ni abnégation militante, ni le clone des valeurs New Age, ce qu’il faut d’abord dépasser, nous dit Hakim Bey, c’est "l’amère solitude qui caractérise la conscience du XXème siècle". Combattons donc l’isolement : rencontrons nos amis, conversons, pour rien, pour le seul plaisir de l’amitié. Peut-être alors parviendrons-nous à triompher de la plus pernicieuse des conspirations à l’œuvre dans notre société, qui travaille "à faire de nous le fantômes qui hante son propre cerveau"… Faisons juste un bout de chemin ensemble, un projet, un repas, un apéro : "Babylone se fait haine devant quiconque prend réellement plaisir à la vie". Arrachons-lui alors ce plaisir simple, au jour le jour !joël jégouzo--.

 

Zone interdite, de Hakim Bey, éd. De l’Herne, Collection : Carnets de l'Herne, traduit de l’américain par Sandra Guigonis, 80 pages, 5 janvier 2011, 9,50 euros, ISBN-13: 978-2851979292.

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PENSER A GAUCHE…

1 Février 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

penser.jpg

Les éditions Amsterdam viennent de publier un recueil de textes compilés pour l’occasion en une somme partielle de ce qui se pense théoriquement à gauche, enfin, cette Gauche qui nous intéresse du moins…

Prenant acte de sa défaite après mai 68, sous la pression de la contre-révolution néo-libérale qui a fini par l’emporter jusque dans les rangs du socialisme de Pouvoir, une évidence s’est cependant fait jour ces derniers temps, c’est que le projet libéral craquait de toute part : anciennes colonies aujourd’hui à la pointe du combat révolutionnaire, paupérisations galopantes, dérèglements climatiques, épuisement des ressources naturelles, rien ne va plus.

Nous sommes à un tournant de notre histoire, commente très pertinemment l’éditeur. Comment ne pas le sentir en effet, avec la révolution de Jasmin, par exemple, ou la révolte du Peuple égyptien ? Mais il faut s’en convaincre à présent, changer de ton, pousser d’un cran l’indignation, car l’alternative est simple face aux périls qui s’imposent partout : il faut reconstruire le monde, économiquement, politiquement, idéologiquement, culturellement. Tout est à faire, maintenant ! L’exigence de pensée à laquelle nous devons faire face, on le voit, est énorme…

Pour nous y aider, "une constellation d’activistes, de penseurs, de militants", saisis dans un périmètre volontairement vague, tentant de réarmer la critique de gauche.

Penser à gauche tente ainsi de faire le point sur le débat qui s’est engagé depuis quelques petites années, pour en saisir la dynamique. Le recueil est conçu, de l’aveu de l’éditeur, comme "une boîte à outils" à l’usage de chacun. Il appartient donc à chacun de les mettre à l’épreuve, ces outils qui nous aideront à sortir de la nasse néolibérale. Et de la façon la plus urgente encore, car la démocratie ne survivra pas au néolibéralisme, comme l’étudie Christian Laval : elle est trop coûteuse, autant économiquement que politiquement. A retenir, parmi les interventions balayées, l’entretien accordé par Agamben d’où surgit l’idée forte, grave, que le Pacte de confiance entre les citoyens et les hommes politiques serait désormais rompu. Ou bien cette analyse d’Etienne Balibar, aux yeux de qui l’insurrection ne peut être pensée que comme une stratégie de civilité ! Ou encore Alain Badiou redoutant qu’avec l’arrivée au pouvoir de Sarkozy, la Gauche de Pouvoir ne se soit définitivement effondrée, sans espoir de retour… Dommage, cependant, que dans la redistribution des cartes idéologiques auxquelles l’arrivée de Sarkozy a procédé, ne soient mieux dénoncer les failles de la Gauche de Pouvoir, justement. Dommage enfin que le recueil n’ouvre pas, mais ce devrait sans doute être l’occasion d’une nouvelle publication, au même compendium de l’état politique des forces de gauche qui auront à charge nos lendemains. Et quant à la question pertinente posée par l’ouvrage : qu’est-ce qui est praticable dans l’ordre politique d’aujourd’hui ?, elle reste furieusement ouverte, au sens également où il faudra bien qu’une tactique électorale en rende compte. –joël jégouzo--.

 

Penser à gauche : Figures de la pensée critique aujourd'hui , éditions Amsterdam, Collection POCHES, 505 pages, 28 janvier 2011, ISBN-13: 978-2354800840.

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