Sur l’art municipal de détruire un bidonville (Sébastien Thiéry)
Monsieur Mandela, sous la direction de Paul Dakeyo
Les Indes, Poème de l'une et l'autre terre, Edouard Glissant
Chant Quatrième
Péripétie
La Traite. Ce qu'on n'effacera jamais de la face de la mer.
Sur la rive occidentale de l'Afrique, les marchands de chair font provision. Pendant deux siècles le fructueux trafic, plus ou moins avoué, fournit les Iles, le Nord de l'Amérique, et à moindre proportion, le Centre et le Sud. C'est un massacre ici (au réservoir de l'Afrique) afin de compenser le massacre là-bas. La monstrueuse mobilisation, la traversée oblique, le Chant de la Mort. Un langage de déraison, mais qui porte raison nouvelle. Car aussi le commencement d'une Unité, l'autre partie d'un accord enfin commué. C'est l'Inde de souffrance, après les Indes du rêve. Maintenant la réalité est fille de l'homme vraiment : née des contradictions qu'il a vécues et sucitées.
les Indes, Edouard Glissant, éditions Falaize (créées et dirigées par Georges Fall, son premier éditeur en France), 70 pages, juillet 1956, avec des eaux fortes de Enrique Zanartu, tirées dans l'atelier de S.W. Hayter, à Paris, erxemplaire sur Fleur d'Alfa.
Léonard de Vinci, Carlo Vecce
Sous toutes les formes possibles, on n’en finit pas de recenser les éditions qui s’emparent de Léonard de Vinci, pour proposer chacune sa vision de cet homme exceptionnel. Ingénieur, poète, peintre bien sûr, les angles d’approche sont multiples et tout ce qui porte la mention «Vinci» se vend, le meilleur comme le pire. Cadeau culturel par excellence, son mythe fait l’objet d’une attention et d’une transmission dévotes. Sans doute parce que, plus que tout autre, il représente l’incarnation même du génie universel. Sans doute aussi parce que cette croyance du génie naissant par génération spontanée plutôt qu’au terme d’une longue maturation, est typiquement française. Artiste, savant, découvreur, on n’en finit pas d’en arpenter l’universalité. D’autant que l’homme n’a pas négligé de laisser derrière lui énormément de traces, jusqu’à tenir la stricte comptabilité de ses dépenses quotidiennes. Alors s’il vous vient à l’esprit d’offrir l’un des multiples ouvrages qui lui est consacré, choisissez donc de préférence sa biographie par Carlo Vecce. Voilà qui vous changera des poncifs habituellement servis sur l’homme. La minutie incroyable de ce travail biographique, sans réel précédent, offre en effet une image plus subtile et plus contrastée du talent de Vinci. Opportuniste et pressé, n’hésitant pas à se mettre au service des tyrans, le plus remarquable de cette personnalité est moins sa vitesse d’exécution que sa hâte à conclure. Cette dernière le conduisit souvent à bâcler (génialement certes) son travail, comme pour certaines de ses fresques, pour lesquelles il expérimenta de nouvelles techniques qui ne tinrent pas… C’est que l’homme était impatient : son rendez-vous avec la postérité lui soufflait à l’oreille d’accumuler les créations.
Léonard de Vinci, Carlo Vecce, Flammarion, coll. Grandes biographies, 3 septembre 2001, 400 pages, 18 euros, ISBN-13: 978-2082125345.
Le Journal d’Edward, Hamster nihiliste 1990–1990, Miriam et Ezra Elia
La Vème République, de 1958 à nos jours, Jean-François Sirinelli
LA FRANCE DU XXeme SIÈCLE (2), LA Veme RÉPUBLIQUE DE 1958 À NOS JOURS - UN COURS PARTICULIER DE JEAN-FRANÇOIS SIRINELLI, Histoire de France, coll. Frémeaux / PUF, label Frémeaux & associés, juin 2014, 4 cd-rom. |
Frigyes Karinthy, Je dénonce l’humanité
Constellations – Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle
Kamel Laghouat, peuple en souffrance...
KAMEL LAGHOUAT,
LA GLANEUSE
(Ils veulent diminuer le nombre des morts pour faire grimper celui des vivants…)
"Encombrée de ballots elle avançait vêtue de noir.
Elle avançait sur la place du marché, un lourd sac au bout de chaque bras rempli de sa récolte, des choux, des pommes, les légumes que les marchands jetaient.
La foule des pauvres, peuple en souffrance, fugitif,
Sans voix pour le soutenir,
béquille tandis que des ombres agonisent contre les murs des parkings.
Elle avançait les épaules fléchies le soleil nu comme un tombeau.
Cris rauques, huées, on déblayait la place, déjà les machines poussaient les reliefs que les pauvres disputaient aux chiens.
Elle veillait à son bien,
Je la voyais, un sac, l’autre, les éléments épars d’une violente cruauté,
A côté d’elle nos ruines.
Elle s’est couchée plus loin, lasse.
Je vous écris depuis sa mort bordée d’épaves,
naufragée vacante où la question sociale est devenue celle de l’utopie ou de la mort, les uns se couchent les autres ont disparu déjà,
baiser aux fronts des mères calleuses."
A la fin, la démocratie était seulement le moyen pour les politiques de laisser crever les gens sans faire de vagues. Le poème de Kamel Laghouat, 19 ans, évoque au fond mieux qu’aucun commentaire la situation dont on parle.
Image : Denis Bourges, qui présenta pour les 20 ans de Tendance Floue une série intitulée "Border life", dont les images résument son regard sur le cloisonnement et la frontière. Ici, une glaneuse au marché Aligre, à Paris, en 2010.
Jean Moulin face à l'histoire, Jean-Pierre Azéma
Les allégations concernant Jean Moulin, celles de Thierry Wolton, avaient jeté sur le héros de la Résistance une lumière plus glauque que convaincante. Les contributions proposées par J.-P. Azéma en apportent le plus savant démenti. Toutefois, elles ouvrent un champ d'interrogations auxquelles elles répondent mal. Pour exemple, cette explication de la spectaculaire conversion au gaullisme d'un républicain de gauche par le coup de foudre qu'il aurait éprouvé pour le Général, paraît médiocre. D'autant qu'on ne saura jamais rien de cette année de réflexion qu'il s'accorda, de 1940 à 1941, quand il se proposait d'émigrer aux Etats-Unis, juste avant de rallier Londres. Impossible également de reconstruire sa première période londonienne. Il arrive auprès du Général De Gaulle comme mandataire auto-proclamé, mais repart comme son envoyé légitime. Fabuleux organisateur, il passera une grande partie de son temps en rivalités personnelles. Affrontements avec Christian Pineau, Pierre Brossolette, Henri Frenay... Jusqu'à son arrestation à Caluire, au moment où les luttes d'intérêts font rage dans la Résistance.
A bien des égards, il paraît difficile, aujourd'hui encore, d'analyser sereinement ces pages troublantes de notre histoire. De même, l'on attend toujours une réflexion sur cette déconcertante manie française de la "panthéonisation" de ses héros, alignés par les causes les plus diverses, dans l'effarant désordre d'une crypte pour le moins baroque…
Jean Moulin face à l'histoire, collectif, sous la direction de Jean-Pierre Azéma, Flammarion, collection Champs, 2 janvier 2004, 417 pages, 10,20 euros, isbn 13 : 978-2080801005.