RROMS, LA MANIPULATION DES ORIGINES AU SERVICE DE SIECLES DE PERSECUTIONS…
Le racisme, c’est bien connu, se nourrit (en même temps qu’il les nourrit) de confusions et d’approximations quant aux populations ciblés. Ainsi des Rroms, vaguement assimilés, aujourd’hui encore, aux "gens du voyage", nomades sans professions, mieux : sans origine attestée… Le tout dans l’oubli savamment entretenu des rroms médecins, commerçants, chefs d’entreprise, écrivains, enseignants… Le tout dans l’ignorance des faits : seuls 4% de la population rrom est réellement "mobile" !
Sans origine, les rroms ? Rien n’est moins établi pourtant : les Rroms sont issus d’un peuple sédentaire, qui a dû quitter l’Inde au XIème siècle, pour fuir les persécutions dont il était victime. Originaires de Kannauj, qui était alors la capitale culturelle et économique de l’Inde du Nord, détruite en 1018. Le tout est fermement établi par un chroniqueur arabe du XIème siècle, Abu Nasr Al-'Utbi (dans son livre : Kitab al-Yamini). Ils sont arrivés dans l’Empire byzantin aux XIIème - XIIIème siècles, avant de s’éparpiller en Europe, où ils formèrent une Nation désormais essentiellement européenne, "sans territoire compacte" évidemment, ainsi que l’explique l’universitaire Marcel Courthiade.
Dès 1422, des documents attestent de leur présence en Europe, où ils furent l’objet de nouvelles persécutions. Et pour mieux se dédouaner de l’oppression qui les visait, l’Europe fabriqua le thème de leurs mystérieuses origines et démultiplia leurs dénominations pour entretenir la confusion qui allait leur être à bien des moments de notre histoire, fatale.…
Rroms, pourtant. Le mot lui-même a été étudié de près par Marcel Courthiade. Il désignait d’abord une communauté cultivée. Rroms, un mot par lequel ils se nommaient, plutôt que le terme de "tsigane" maintenu pourtant jusqu’à nos jours et qui relevait, lui, d’une désignation exogène traduisant le mépris dans lequel on voulait enfermer ce peuple. Tsigane, du grec médiéval Athinganoi, qualifiait en effet une secte qui se revendiquait de Melchisédec, secte de "Purs" qui refusaient tout contact avec les autres populations, d’où leur mise à l’écart comme "Intouchables". Pourchassée, elle disparue vers l’an 1000. Par la suite, nous apprend Marcel Courthiade, l’on attribua ce vocable aux gens simples, pauvres. Ce mépris accompagnera le vocable tout au long des siècles.
Rroms encore, plutôt que Gitan (Gypsy), dont Marcel Courthiade nous apprend qu’il s’agissait d’une forme populaire corrompue de l’Egyptien, d’un nom donné aux rroms par les premiers Croisés ! Quant à celui de Bohémiens, il fut "cordialement" accolé aux rroms qui transitèrent par la Hongrie, la Bohème.
Rroms donc, désormais, pour nous. Avec en suspens, une réflexion que l’on ne se fait guère, moins sur les raisons de leurs migrations (les persécutions), moins sur les raisons de leur dispersion (les persécutions), que sur leur formidable capacité à s’adapter aux effroyables conditions qui leur furent imposées, au point que de sédentaires, ils firent du voyage un élément de leur culture et conservèrent, dans cette dispersion, leur identité et leur langue.--joël jégouzo--.
Marcel Courthiade : Compendium à l’usage des étudiants de l’INALCO, section langue et civilisation rromani.
Marcel Courthiade, est le responsable de langue et civilisation rromi à l'Institut national des langues et civilisations orientales, secrétaire adjoint de l'Union romani internationale.
On lira avec intérêt son article de L’encyclopédie Universalis : Les Rroms :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/rom/
Les Rroms dans les belles lettres européennes, Marcel Courthiade, Rajko Djuric, Edition L'Harmattan, 2000, 189 pages, 17 €, ISBN 2-7475-5878-9.
Sagesse et humour du Peuple Rrom, Proverbes collectés, traduits et présentés par Marcel Courthiade, classés par Stella Méritxel Pradier et illustrés par Ferdinand Koçi.
A lire aussi :
Roma And Egyptians In Albania: From Social Exclusion To Social Inclusion, Hermine G.De Soto, Sabine Beddies, Ilir Gedeshi, World Bank Publications, juill 2005, 310 pages, Anglais, ISBN-13: 978-0821361719.
Gypsy Identities 1500-2000: From Egipcyans and Moon-Men to the Ethnic Romany, David Mayall, Routledge, oct 2003, 328 pages, ISBN-13: 978-1857289602.
The Romani Voice In World Politics: The United Nations And Non-State Actors, Ilona Kilmova-Alexander, Ashgate Publishing Limited, mars 2005, Collection : Non-state Actors in International Law, Politics and Governance Series, 195 pages, ISBN-13: 978-0754641735.
Voir aussi le très beau travail du Lycée de l’Ort, à Strasbourg, sur la déportation des Rroms et les camps français d’internement des rroms :
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://www.strasbourg.ort.asso.fr/concours_national/_imgs/37.jpg&imgrefurl=http://www.strasbourg.ort.asso.fr/concours_national/aide17.htm&usg=__X_xBugO4HMnVEkQfpVVzmnkafFQ=&h=445&w=318&sz=64&hl=fr&start=161&zoom=1&um=1&itbs=1&tbnid=1LQP8XNCaHXBcM:&tbnh=127&tbnw=91&prev=/images%3Fq%3Dsamudaripen%26start%3D144%26um%3D1%26hl%3Dfr%26sa%3DN%26rlz%3D1T4ADRA_frFR377FR378%26ndsp%3D18%26tbs%3Disch:1http://wn.com/KANNAUJ__La_ville_des_rroms
PROJET DE LOI BESSON "Immigration, intégration, nationalité" : L’INSULTANTE DERIVE AUTORITAIRE DE L’ETAT français…
"L’année 2010 sera marquée par la présentation d’un projet de loi sur l’immigration, qui transposera la directive européenne sur le retour des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d’origine, la directive sur la lutte contre l’emploi des étrangers sans titre de séjour, et la directive " carte bleue ", qui crée un nouveau titre de séjour européen pour les ressortissants étrangers les plus qualifiés. Je présenterai ce projet de loi devant le Conseil des ministres lors du premier trimestre, vraisemblablement avant la fin du mois de février." (extrait des vœux à la presse du ministre de l’immigration, 18 janvier 2010).
La France n’est plus la patrie des Droits de l’Homme. Mais voici qu’elle s’apprête à s’enfoncer dans une dérive au terme de laquelle, l’Etat de droit aura fait long feu sur son territoire. C’est sans doute en ceci que résidait la rupture inaugurée par la présidence Sarkozy : l’entrée de l’Etat français dans une dérive autoritaire.
Les députés entament aujourd’hui l’examen du projet de Loi Besson sur l’immigration. Un texte qui suscite la désapprobation y compris sur les bancs de la majorité – comme pour Nicole Ameline (UMP), décidée à voter contre ce projet s’il reste en l’état. Le cinquième depuis 2003 ! Comme si l’Etat se cherchait, revenant toujours, jusqu’à l’obsession, sur les fondamentaux de la droite la plus extrême pour en extraire l’essence même de son déploiement futur.
90 articles de loi, 500 amendements déposés. Les mesures phares du projet ont été largement commentées par la presse, comme la fameuse extension de la déchéance de nationalité. Mais le texte présenté par le ministre de l’Identité Nationale recèle bien d’autres dispositions inquiétantes, sanctionnant la montée en puissance de l’Administration dans le Droit français… Comme la proposition de créer des ZONES D’ATTENTE SPECIALES, sans limites spatiales, qui pourront recouvrir tout le territoire national, la zone pouvant s’étendre "du lieu de découverte jusque la frontière la plus proche"… Ou bien cette clause dite d’ABUS DU COURT SÉJOUR, ciblant les ressortissants européens et étrangers pouvant constituer "une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale"… On croit rêver : la misère du monde n’a qu’à bien se tenir, nous enverrons demain des chars pour liquider les pauvres. Mieux encore, si l’on peut dire. Le texte de Loi prévoit l’EXPULSION EN CAS DE VOLS RÉPÉTÉS OU DE MENDICITÉ AGRESSIVE… De quoi vider le métro parisien, nettoyer les trottoirs des bobos et les parvis des ASSEDIC… Voire les squats ou les fêtes sauvages, le projet de Loi autorisant la reconduite à la frontière en cas d’occupation illégale d’un terrain public ou privé… Et puis, le dégueulasse le disputant au méprisable, l’Etat français, par l’intermédiaire de sa représentation démocratique, se propose de bouter les malades hors du territoire national, avec cette clause d’ENCADREMENT CARTE DE SÉJOUR "ÉTRANGER MALADE"… Une manière de limiter l’accès aux soins des étrangers les plus nécessiteux –qu’on se rassure : les dictateurs pourront toujours venir se faire soigner en fRANCE…
Enfin, il y a aussi, peut-être même surtout, cette stupéfiante dérive administrative prévue dans cette Loi. Un fait presque sans précédent de spoliation du pouvoir judiciaire. Une clause dont nous avait pourtant prévenu de longtemps notre très singulier Ministre de l’Identité Nationale : "si les juges appliquent la loi alors changeons la loi", affirmait-il sans ambages…
Prétextant une transposition en droit français de trois directives européennes, le gouvernement avait déjà adopté le 31 mars 2010 un nouveau projet de loi qui prévoyait en particulier de retarder la possibilité de saisir le juge des libertés à cinq jours, au lieu des 48h auparavant. Ce qui, de fait, revenait à priver tout étranger de tout recours effectif, les mesures d’éloignement étant exécutées avant ce délai… Ce même Ministre avait déjà allongé le délai de rétention à 45 jours au lieu des 32 jours qui prévalaient. Mais là, c’est le Juge qu’il veut contourner, la Justice, qui ne pourra plus contrôler la régularité de la procédure : seul le préfet sera décisionnaire !
ON ASSISTE AINSI A LA MISE EN PLACE D’UN VERITABLE POUVOIR DISCRETIONNAIRE CONFIE A L’ADMINISTRATION !
Voilà qui nous rappelle les pires souvenirs du fonctionnement de la machine étatique française… Cette même volonté de mettre hors jeu les avocats, cette même volonté d’interdire à la Justice de se prononcer sur la légalité des pouvoirs de l’Administration ! Rien n’est moins inquiétant en vérité ! Car ce n’est pas que l’étranger ou des populations sciemment discriminées que l’on fait ainsi entrer de force dans des zones de non-droit : c’est toute l’Administration française qui se voit sommée d’entrer dans la suspension de la légalité républicaine, qui n’est rien moins que la suspension de l’exercice démocratique… Un mouvement sans précédent de régression des Droits. Et comme l’écrit si justement Jean-Louis BORIE, président du Syndicat des Avocats de France, "ne nous y trompons pas, le droit des étrangers a toujours été le "laboratoire du pire". Si nous n’y prenons garde, demain ce sont nos droits qui seront en cause !"--joël jégouzo--.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2400.asp
http://www.gisti.org/spip.php?rubrique448
http://www.contreimmigrationjetable.org/
Travaux parlementaires : Les discussion en séance publique sont prévues sur trois jours :
mercredi 29 septembre 2010 (1ère et 2e séances)
jeudi 30 septembre 2010 (1ère, 2e et 3e séances)
Commission nationale consultative des droits de l’homme :
Avis sur le projet de loi relatif à l’immigration, l’intégration et la nationalité, 5 juillet 2010. La CNCDH y estime que ce projet de loi " ne se borne pas à transposer les directives communautaires dans ce domaine, mais contribue à banaliser la privation de liberté comme technique de gestion de l’immigration, en marginalisant le rôle du juge judiciaire et en renforçant les pouvoirs de l’administration " (voir communiqué).
Romicide…
"Après tout, les gens du voyage, c’est rien que des gens sans importance"...
Rennes. Une vie de petits boulots à désosser les carcasses des bagnoles pour en tirer quatre sous. Flashback : la Hongrie en 1942. Les milices des Croix fléchées organisent leur chasse aux rroms – Le Zigeunfrei… En Europe, l’éradication massive des populations nomades vient de commencer. Et aujourd’hui, dans la banlieue de Rennes, les survivants sont acculés à vivre dans la précarité. Comment survivre dans pareil dénuement ? Des centres de rétention ont discrètement été ouverts par l’administration française. La vase plutôt que la boue, aux portes des caravanes. Rennes, de nos jours. Dans un rouleau de moquette, la police trouve un corps. Les pieds découpés. La PJ enquête : il s’agit du cadavre d’un homme de soixante-dix ans. Rinetti, le gardien du camp des rroms, né à Ivry-sur-Seine, fils d’immigré italien, subit la pression des flics pour de mauvaises casseroles qu’ils traînent derrière lui. Il doit jouer les indics. Lui, l’ami des rroms jusque là. Qui se rappelle la grande rafle de 1992 (déjà). Et avant cela, les fréquents séjours des militants de l’ETA en quête d’une étape de confiance. Irlande, Pays Basque, se dessine une fraternité européenne des ex-peuples en lutte. Une histoire d’exilés, de squats, celle aussi d’une mémoire très ancienne des répressions qui frappèrent le peuple rrom en France : dans le camp, on sait encore raconter les Brigades de Clémenceau, fichant systématiquement les rroms pour constituer un fichier (au fait, qu’est-il devenu ?). Ou bien les sales besognes de l’Administration française, internant les rroms dans ses camps, comme celui de Fargeau, de Montreuil-Belley, de Pontivy et tant d’autres, avant de les livrer aux nazis… Des rroms venus d’Europe de l’Est pour finir assassinés en France. Rennes, de nos jours. La PJ organise une rafle. Sait-on jamais : l’assassin du vieux pourrait être l’un des leurs. Une obscure vendetta, une vengeance : l’homme avait trahi les siens, il y a des années de cela...
De beaux portraits d’exilés dans ce polar qui obtint le Prix du Polar SNCF en 2001. Un roman entièrement révisé, annonce l’éditeur, qui cependant s’achève sur une vision par trop commode du monde rrom des camps, à mettre en avant l’omerta qui devrait y régner –mais quand on énonce "Omerta", on tait les raisons du silence des gens de peu, des exclus, des pourchassés. Silence que l’on assimile par un jeu langagier convenu à celui des mafieux ! Or, une société fragile ne peut être qu’une société de la prudence, de la méfiance, de l’aphasie. C’est cela que le roman rate en filant au plus court une fable que l’on ne nous a que trop servie. Dommage, il y avait de la richesse dans ce travail, et matière à écrire un autre polar, peut-être même dans un autre décor, pour laisser surgir la voix des rroms !--joël jégouzo--.
Romicide, de Gianni Pirozzi, Rivages, nouvelle édition août 2010, coll. Rivages/Noir, 203 pages, 7,50 euros, ISBN-13: 978-2743620912.