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La Dimension du sens que nous sommes

Pleine terre, Corinne Royer

8 Décembre 2023 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Le livre s'ouvre sur une dédicace forte : «A ceux qui luttent, à ceux qui tombent»...

Jacques Bonhomme est en cavale. C'est cette cavale qui est racontée, au jour le jour, neuf très exactement, avec les flics armés pour l'abattre à ses trousses, qui chaque jour se rapprochent un peu plus de lui. Jacques est agriculteur. Ils le sont depuis des siècles dans sa famille. Mais là, il n'a plus supporté, à égrener le nombre de suicides autour de lui, le nombre de cancers, la course au rendement, l'endettement chronique, la monoculture de masse... Il avait pourtant essayé, avant d'être convaincu «que cette modernité était dépassée, qu'elle était même le contraire du progrès ». Les sols malades, les forêts malades, les bêtes gavées d'antibiotiques, les pesticides partout. Un temps il avait cru à la lutte, s'était engagé, avait même fini porte-parole de la Confédération paysanne, avait milité pour un autre modèle. Un temps et puis...

«Les bêtes sont le Christ», hurlait-il aux flics qui le poursuivaient. Tout avait commencé par un contrôle administratif. Il s'était fait épinglé pour un retard dans sa déclaration. Un simple retard qui lui avait valu une grosse amende. Et la spirale de l'endettement, prenant conscience de l'injustice : après tout, c'était eux, les petits paysans, qui faisaient vivre les banques, le marché des pesticides, l'agro-industrie, la grande distribution... Partout des cohortes d'inspecteurs s'abattaient sur leurs champs. Vérifiant s'il ne manquait pas un vaccin, si l'on gazait bien les cochons au lieu de les saigner, si on élevait bien les poussins sur des tapis roulants. «Les bêtes sont le Christ» torturé, crucifié...

Avec la Confédération, il avait sauvé comme il avait pu le vieux Baptiste du cyber-élevage qu'on voulait lui imposer. Mais aucune victoire n'était durable avec ces gens-là. Partout des bêtes se retrouvaient confinées dans leurs élevages en attendant d'être abattues, faute de pouvoir exhiber les bons papiers...

La réalité, c'est qu'on enterrait vivant le monde paysan. La traçabilité, la sécurité alimentaire n'étaient que des leurres pour se débarrasser de la petite agriculture familiale.

Jacques avait reconverti sa ferme, pratiquait les circuits courts, biologiques. Mais l'été 2016, les contrôleurs étaient venus avec les gendarmes. Le contrôle s'était mal passé, cinq bêtes avaient fini dans la rivière. Jacques avait sorti son fusil et refusé de se rendre «complice d'un modèle qui entasse les bêtes vivantes comme des bêtes mortes».

Il devait maintenant payer au prix fort cette révolte.

 

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Corinne Royer, Pleine terre, Actes Sud, août 2021, 334 pages, ean : 9782330153908.

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