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23 janvier 2024 2 23 /01 /janvier /2024 10:57

La féerie de l’œuvre l'emporte, littéralement, dans la mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, la sublime si l'on veut, portée par une scénographie éblouissante qui vient comme épurer sinon dissimuler la portée philosophique du Songe. Onirique mise en scène, d'un drôle absolu qui compose, s'arrange plutôt, avec l'habituelle surcharge interprétative du texte pour la camoufler, presque la passer sous silence, le relatif mutisme de la cocasserie du texte shakespearien, son côté volontiers bouffon et graveleux servi en outre par une traduction qui plonge ses effets de parole dans notre vocabulaire contemporain usuel. Cette dissimulation dont je parle est un peu à l'image de l'interprétation qu'Élodie Bouchez donne du personnage d'Héléna, estomaquée devant les avances inouïes de Démétrius et Lysandre soudain tous deux amoureux d'elle, transis, prêts à en découdre pour celle qu'aucun des deux jusque là ne voyait. Élodie Bouchez joue à la perfection l'ahurissement. Ben mince alors... Et tient du coup tout le plateau, toute la comédie, la transporte et nous réjouit.

Le Songe, on l'a dit, c'est l'amour et le désir disséminés comme l'aigrette du pissenlit, au vent portée ici, se posant là, ou là et là encore, dans une dispersion que rien ne saurait contenir, pas même les barrières entre les espèces. Même si, magistralement, la métamorphose de Bottom en âne se présente sous son masque le plus inquiétant.

Que vaut l'amour, si inconstant ? Que vaut son théâtre ? Pas de mise en abîme pourtant dans cette mise en scène parfaitement fluide, où les lieux se défont plus qu'ils ne se font. La puissance philosophique du Conte y est presque gommée par tant de drôlerie. Magie, vérité, le symbolique, l'imaginaire, le réel, tout se chevauche, se contamine, s'entrecroise, le désir erratique in extremis rattrapé par la manche. Tout finirait bien ? A l'équilibre seulement. Dans son adresse au public, Puck lui souhaite bonne nuit. «To sleep, Perchance to dream»... Mais Shakespeare intercalait dans cette suite «to die» aussi, un trou, celui du mur à travers lequel les amants se parlent, ou de la mémoire, jamais refermé, ouvrant à l'inquiétante étrangeté de cette nuit d'été.

 

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LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ

William Shakespeare, Emmanuel Demarcy-Mota • Création, TDV- SARAH BERNHARDT - GRANDE SALLE 16 JANV.10 FÉVR. 2024

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