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La Dimension du sens que nous sommes
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Obéir aux ordres : juillet 42, de braves policiers réservistes débutent dans l’extermination de masse…

11 Janvier 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

13 juillet 1942. Des braves fonctionnaires allemands, pas du tout nazis, pas vraiment antisémites, sont débarqués dans le village polonais de Josefow. Ils appartiennent désormais au 101e bataillon de police de réserve allemande. Ils sont fiers de leur nouvel emploi, l’opportunité de mettre leurs familles à l’abri du besoin. Réservistes : ils ont passé la limite d’âge et ne peuvent plus servir le drapeau allemand. Pères de famille souvent, des hommes sans histoire. Des employés de bureau. Des fonctionnaires à qui l’on a proposé une belle vie de plein air, des déplacements en Pologne, le grand grand air dans les si belles forêts de l’Est. Pour l’heure, ils viennent chercher les 1 800 juifs qui vivent dans ce petit village. Leur mission est simple : rayer le village juif de la carte allemande du monde. On ne parle pas d’extermination. Ni de tuerie. Les mots sont feutrés : il ne faut pas heurter leur conscience. Parmi les 1 800, 300 sont choisis pour être déportés et servir la grandeur du Reich. Les autres sont abattus. Femmes, enfants, vieillards. Ce n’est pas facile la première fois. En théorie, dans la salle de conférence, cela ne posait aucun problème particulier. Surtout pas de morale : la morale est de leur côté. Elle est allemande. Elle est militaire. Elle est du côté de la police. Son honneur. Mais nos réservistes sont inexpérimentés. Brouillons, ils ratent leurs cibles parfois, ne parviennent pas à tenir les enfants sagement à genoux, bien rangés, s’emportent contre ces juifs qui ne se laissent pas tuer docilement. Ils tirent, mal, risquent de se blesser entre eux, boivent beaucoup de schnaps pour se donner du cœur à l’ouvrage, tandis que les plus volontaires moquent les vieux qui ne tirent que du bout de leurs armes, presque intimidés du carnage qu’ils font. Mais on ne parle pas de carnage. On parle de mission. Et puis ils rentrent chez eux. Mission accomplie. Embrassent femmes et enfants, retrouvent la paix du domicile familial. Les médias saluent leur courage. On décore les maladroits qui se sont blessé par inadvertance sur le champ de manœuvre. On justifie abondamment la nécessité de mettre un terme aux agissements de la race inférieure. On ne parle d’ailleurs surtout pas de massacre, mais de Justice. Les intellectuels allemands, les universitaires, déplorent qu’ils soient si mal armés pour exécuter leur tâche. Par la suite, ces fonctionnaires modèles vont perfectionner leurs actes.

C’est que l’Administration est tatillonne : elle leur reproche d’utiliser trop de munitions pour venir à bout du nombre. Alors ils rationalisent le processus. Et en 16 mois, à moindre frais, ils assassinent 38 000 juifs en utilisant moins de 40 000 balles. Ils en déporteront 45 000 autres vers les chambres à gaz.

Christopher Browning a lu les témoignages des 210 policiers de ce bataillon. Ils racontent avec leurs propres mots cette histoire. Calmement. Surpris de se retrouver sur le banc des accusés à leur procès : ils n’ont fait qu’obéir aux ordres. Sans zèle particulier, ni aptitudes exceptionnelles, sinon cette efficacité qu’ils ont su construire au fil des massacres. « Un fonctionnaire, quand il n’est rien d’autre qu’un fonctionnaire, c’est quelqu’un de très dangereux », écrit Hannah Arendt. Mu par son étroitesse d’esprit, c’est un homme qui sait agir en fonction du droit en vigueur sans se poser la question des fondements éthiques de ce droit. Or c’est justement à son éthique qu’il faut juger un fonctionnaire, non à son respect des ordres donnés.

Des hommes ordinaires, le 101ème bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, Christopher R. Browning, traduit de l'anglais apr Elie Barnavi, introduction de Pierre-Vidal-Naquet, Postface de Pierre-Emmanuel Dauzat, collection Histoire, éditions Les Belles Lettres, Paris, janvier 2002, 332 pages, ean : 9782251380568.

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« Un fonctionnaire, quand il n’est rien d’autre qu’un fonctionnaire, c’est quelqu’un de très dangereux » (Hannah Arendt)

10 Janvier 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

« Ça ne peut pas être vrai »… La police française ne peut pas sciemment blesser, mutiler, estropier.

C’est en 1942 qu’Hannah Arendt réalise vraiment l’ampleur et la réalité de l’extermination des juifs d’Europe. Auschwitz. Elle est sous le choc. Ne peut y croire. Sur les bords de l’Hudson, seule la poésie lui permet d’encaisser le choc.  « Morts, que voulez-vous ? ». Elle est sous le choc, parce que l’ampleur de la répression va au-delà de toute nécessité de guerre, comme au-delà de toute nécessité politique. Cela n'aurait jamais dû se passer. Pourquoi cela a-t-il lieu ? En 42, Hannah Arendt cherche à comprendre et se lance dans sa grande enquête intellectuelle : Les origines du Totalitarisme. Qu’est-ce que le camp d’extermination dit de notre situation historique. Elle écrit de nombreux articles qui formeront la trame de son essai, dont les premières ébauches verront le jour en 1945. Il s’agit pour elle de tenter de comprendre des faits révoltants. L’idée centrale de son œuvre, c’est celle-ci : le Totalitarisme, c’est la fabrication d’une société unanime, c’est l’anéantissement de l’espace public comme espace ouvert au conflit politique, c’est la réfutation du conflit nécessaire à l’accomplissement du destin démocratique des sociétés, c’est le refus du dialogue, du discord, c’est la volonté de clore entre les hommes cet espace de l’échange, du pluralisme, où peut naître quelque chose comme la liberté, qui n’est rien d’autre que la capacité d’engendrer un nouveau commencement. Le Totalitarisme, c’est le point de vue unique et l’aveuglement qu’il engendre, mais surtout, c’est ériger en vertu l’incapacité à changer de point de vue. Le Totalitarisme, c’est le mensonge permanent et le refus de voir. C’est pourquoi la répression y devient le seul horizon possible et les forces de répression, l’institution autour de laquelle la Nation s’immobilise. Le Mal radical, analyse Hannah Arendt, surgit avec la propagande de masse -quand les médias ne donnent voix qu’aux forces de répression-, et la bureaucratie : quand les hommes décident d’obéir aux ordres sans en discuter l’éthique. Qu'est-ce qu'un fonctionnaire ? Un homme quelconque, qu’aucune haine ne meut. Il ne pense pas : il accomplit son travail au plus près des ordres donnés. On sait à quoi ce zèle aboutit. Le fonctionnaire modèle est un rouage, celui d’une machine où personne ne semble jamais prendre ouvertement de décision.  Le fonctionnaire fonctionne. On lui dit de tirer à tir tendu sur la foule, il tire à tir tendu sur la foule. On lui dit de jeter des grenades de désencerclement dans la foule, il jette des grenades de désencerclement dans la foule. Sa fonction lui permet de ne pas penser aux conséquences. Il n’y pense donc pas. « Un fonctionnaire, quand il n’est rien d’autre qu’un fonctionnaire, c’est quelqu’un de très dangereux », écrit Hannah Arendt. C’est cela la banalité du Mal moderne : un fonctionnaire mu par une étroitesse d’esprit hallucinante. Un homme qui a besoin de croire qu’il agit conformément au Droit en vigueur, en faisant abstraction de tout ce qui pourrait contredire la réalité de son geste : les vies mutilées. La leçon d’Hannah Arendt, nous la vivons aujourd’hui : ce n’est pas le mal qui est banal, c’est la banalisation du Mal qui l’est. Il faut maintenant l’analyser, non dans le cadre lointain de l’Allemagne nazie, mais le nôtre : il faut faire l’analyse politique des conditions de production de cette banalisation du Mal. Et avec Hannah Arendt et Lucrèce, affirmer avec force qu’on ne juge pas un fonctionnaire à son emploi, mais à son éthique.

 

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Les pavés de l’enfer, Sarah Pèpe, Le Local, Paris

12 Novembre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #théâtre

Fin de droits, fin du Droit… Un couple décide d’héberger un SDF. Le dispositif est encadré par l’état, moins dans la perspective d’un retour à l’emploi dudit SDF, que celle de la construction de la justification morale de son exclusion définitive. Un hébergement sous conditions donc, qui peu à peu révèle son vrai visage : une machine à broyer les bons sentiments, les vies, les engagements, une machine à produire du consentement à la domination qui nous accable tous. Donnant / donnant grimacent les officines qui harcèlent notre homme : centres sociaux et pôle emploi. Donnant / donnant, finit par s’indigner le couple hôte. On est pourtant loin de toute logique de réciprocité avec cet homme dont la mort sociale est savamment orchestrée. Loin de toute générosité dans ces liens qui se tissent pour l’enfermer dans l’absence de toute réponse adéquate. C’est qu’il ne s’agit pas de relier, mais de lier. Un lien qui très intelligemment livre cet homme littéralement dé-œuvré, par l’effet du parti pris d’écriture, à la concurrence de la femme de la maison, elle-même attachée au cœur de ce foyer dont elle a fait le lieu de son identité. Même impasse entre les deux positions, quand les enjeux ne se situent plus dans l’économie réelle mais la dimension symbolique. Même impasse où dénoncer l’idéologie de l’assistance caritative que l’on voudrait substituer aux logiques assurantielles et dont l’effet immédiat est d’abolir toute vision politique du social, comme du domestique. Accessoirement, d’élargir les frontières de l’assistanat jusqu’à les rendre incertaines : peu à peu, les services sociaux en charge de notre homme ne savent plus ni quelle attente formuler, ni quelles obligations imposer, tout comme pôle emploi qui s’ingénie à culpabiliser notre chômeur quand l’officine n’a rien à proposer, ou tout comme la famille hôte, qui ne voit aucun mal à exiger de son occupant de menus services en échange de son hospitalité… La réprobation est là, générale, qui affleure sitôt le spectacle commencé. Elle est là d’emblée, parce que notre société gravite désormais autour de son exigence d’une pauvreté acceptable à la condition de demeurer modeste et reconnaissante, d’accepter la fin de ses Droits, politiques, juridiques et sociaux. Fin des Droits de l’homme et du citoyen : ce monde qui s’avance gouverné par le don révèle son enfer, le pauvre croulant sous des «obligations» aussi tyranniques qu’indéfinies.

C’est donc la face obscure du don qui sur scène s’exhibe. L’état a donné pour invisibiliser notre homme, le mari pour tenir son rang. Mais l’un et l’autre don n’a d’autre finalité que d’humilier celui qui le reçoit, d’annihiler sa nature humaine. Don ô combien haïssable en fait ! Don agonistique qui révèle toute l’indignité de cet univers mental dans lequel on voudrait nous faire vivre. Et face à cette indignité, le personnage du SDF recouvre quelque grandeur à demeurer innocent, puis n’être pas dupe et nous donner à penser que seule sa bienveillance est fondatrice, que seule la  fraternité dont notre République a oublié le sens est à même de relier les citoyens entre eux.

Reste donc l’horizon que la pièce pointe : la situation philosophique, politique, de notre société. Qui est précisément celle qu'Agamben décrit avec force dans ses essais Homo Sacer. Celle dont l'absence d'éthique sociale trahit en son sein la présence cachée d'un état d'urgence permanent, où le principe du politique fonde sa justification sur l'exclusion de l'homo sacer, qui peut être tué mais ne peut être sacrifié. Figure centrale de la pensée d'Agamben, cet homo sacer, exclu du Droit, laïc comme sacré, et qui a atteint sa forme la plus achevée dans le camp de concentration nazi où l'espace de l'autorité légale a défait toutes les lois, se présente ainsi comme le paradigme de notre devenir commun.

 

Les pavés de l'Enfer, théâtre Le Local, 18 rue de l'Orillon, 75011 - Paris. Du lundi 12 novembre 2018 au lundi 3 décembre 2018. Séances selon les jours : 17h00, 19h00, 20h00.

Auteur et mise en scène : Sarah Pèpe. Comédiens : Sarah Pèpe, Mayte Perea-Lopez, François Orfanidès, Conrad Leroy, Aurélie Youlia, Morgane Klein.

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Sangliers, Aurélien Delsaux

5 Octobre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Les Feuges. Dans la région de Lyon. Isolés de tout. Un autre monde, presque une autre époque. La famille Germain. Le père comme figure tutélaire abusive, fruste, mauvaise sinon malsaine. Un tyran. Et Lionel, le nez poisseux de sang. Son fils, corrigé pour son bien, la mère agonisant dans son enveloppe graisseuse. Des hérons, des peupliers. Là-bas, le village : Saint-Roch. Un artiste pas loin et l’étang de la folie, où tous les fous du pays viennent se noyer. Entre le Rhône et les coteaux de l’Ardèche, le décor est planté : l’espèce humaine poursuit son lamentable échouage. Les Germain, un fils blanc, un autre noir, moqué, méprisé, haï du père, qui chasse. Le sanglier. Des mœurs du XIXème siècle tout juste, la langue qui surabonde, archaïque, géronte dans cette nature hostile dorénavant, sous pression du changement climatique –les vieux ont été dépossédés de tous leurs dictons climatologiques qui ne prédisent rien désormais… La nature elle-même en déroute. D’abord, c’est l’histoire de Matthias qui nous est contée, cet enfant noir qui est devenu la tête de turc des enfants du village, le souffre-douleur de son père Germain. Plongé dans cette histoire des Feuges et de la plaine du Gèze, la Brienne. Au loin, très loin, le mur du Vercors, la Chartreuse et derrière tout cela, tout au bout de l’horizon, la pointe du Mont Blanc. C’est l’ouverture de la chasse. Le père Germain tuerait volontiers son presque fils Matthias, qu’il ne cesse d’insulter et de pousser devant la mire des fusils lors des battues que les villageois s’offrent. Jusqu’au jour où le gamin montre sur le terrain son courage, forçant l’admiration de tous. Jalousie du père. Un vrai danger pour le garçon. Qu’il arrache, ce «nègre», à l’école où il pourrait exceller. Le harcelant sans répit. Un petit village donc, où règne ce racisme ordinaire insupportable. Une galerie de portraits, dont celui de Gottschalk, l’artiste reclus chez eux, se faisant livrer un tas de pierres conçu pour la réalisation de sa dernière œuvre. Ou Lésilieux, ce prof de français qui rêve Goncourt. Pitoyable. Tout un village odieux, raciste, pas même bigot quand Matthias découvre dans les images pieuses un refuge. En interprétation puissantes tandis que le curé, lucide sur l’état de la foi de ses ouailles, déserte son église. A hurler de vulgarité cette France périphérique, délaissée, dévoyée, jetée sans vergogne dans ses affres obscures. Où la jeunesse identitaire s’organise, ratonne. Un canton de l’après Charlie, l’histoire d’une France qui bascule sûrement dans le fascisme, dans la guerre civile, tandis que les sangliers déferlent sur le village en détruisant tout sur leur passage. Aucune révolution ne peut avoir lieu dans cette France sordide, battue, défaite. Matthias disparaît totalement du récit, une tuerie accable le lycée voisin, d’autres suivront… «Que l’espèce des hommes se poursuive»… Dans cette écriture magistrale, au souffle souvent épique, portant en elle la tradition de ces grands romans d’éducation aux accents balzaciens.

Sangliers, Aurélien Delsaux, Albin Michel, août 2017, 554 pages, 23.50 euros, ean : 978222639173

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La Belle de Casa, In Koli Jean Bofane

4 Octobre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Ichrak est morte. Égorgée. Le commissaire Mokhtar enquête. Il est sur les traces du dernier homme à l’avoir vue : Sese. Un migrant. Un africain. Honni comme le sont les africains au Maroc, et qui ne cessent de subir des expéditions punitives qui ressemblent de plus en plus à des pogroms… Au travers de Sese, c’est toute l’histoire des migrants qui défile, de canots de sauvetage en pirogues, jusqu’à ces sardiniers qui les larguent sur les côtes du Maroc en leur faisant croire qu’ils arrivent en Europe. Sese a fait sa vie au Maroc. A Casablanca, trois millions d’habitants, cette ville aux richesses insolentes et aux inégalités insupportables. Une campagne d’expropriation y est menée du reste. Il faut chasser les pauvres, séduire les riches de cet autre monde prédateur, bâtir leurs hôtels 5 étoiles, leurs palais des Congrès, leurs clubs de nantis. Et tous les moyens sont bons pour exterminer ces pauvres, littéralement. Sese est beau gosse. Ichrak, elle, était tout simplement d’une beauté inouïe. Sulfureuse, forcément, dans cette partie saccagée de la ville, offerte à la démolition, au pillage, au crime. Ichrak pourtant ne faisait que rêver d’un père, qu’elle a cru trouver en la personne bienveillante de Cherkaoui… D’un père et de poésie, de littérature, écoutant sur son baladeur poètes et écrivains d’Afrique du Nord, nous donnant au passage à découvrir les sublimes proses d’Assia Djebar ou de Katouar Harchi. Aussi Sese le débrouillard l’amuse-t-elle, qui cherche à l’entraîner dans des combines hasardeuses. Lui vivait jusque-là en soutirant aux riches veuves européennes leur argent. Il est tout l’opposé d’Ichrak, fan de Booba et de rap puéril. Mais en découvrant Ichrak, de nouvelles idées d’escroqueries lui sont venues : elle est si belle qu’aucun homme ne saurait lui résister… Sese, touchant, sympathique, évoquant le Zaïre, Mobutu dont il a fait son guide. Le tout sur changement climatique. C’est que le Gulf stream est en passe d’abandonner nos régions, provoquant déjà des catastrophes en cascades, des bouleversements tellement symboliques de cette brutalité du monde que les nantis nous imposent, nous précipitant, tous, dans leur chaos… Superbe fable menant de front mille thématiques contemporaines, dont on voit très bien ce qui les relie entre elles : cette fin du monde, cette mort triviale que les riches nous préparent, cette finitude qui n’appartient qu’aux chiens.

La Belle de Casa,  In Koli Jean Bofane, Actes Sud, août 2018, 204 pages, 19 euros, ean : 9782330109356.

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Les Prédateurs, Des milliardaires contre l’Etat, Catherine Le Gall, Denis Robert

2 Octobre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Une enquête minutieuse de deux spécialistes du capitalisme financier, sur ces patrons qui bâtissent leurs fortunes sur le dos des états, avec bien sûr la complicité d’une classe politique largement acquise à leurs intérêts égoïstes ! Au commencement, Albert Frère et son comparse Paul Desmarais, invités de Sarkozy au Fouquet’s le soir de son élection. Deux arnaqueurs pitoyables tout d’abord, qui échafaudèrent un bénéfice mesquin en arnaquant l’armée, à qui ils revendaient des bidons de 220 litres d’essence n’en contenant que 200 litres… Nos journalistes les pistent, de l’Elysée à Brégançon, nez au vent, à flairer leurs sales petites magouilles. D’arnaques en détournements, nos deux larrons vont s’élever dans la hiérarchie sociale et le savoir-voler, tapant dans toute les caisses possibles de l’administration publique, jusqu’au gros coup qui va décider de leur patrimoine de milliardaire : la revente de Quick burger à la Caisse des Dépôts, acheté 300 millions d’euros, revendu 700 ! Catherine Le Gall et Denis Robert détaillent la combine. Notre argent… Harponné, confisqué, recyclé pour les aider à s’engraisser. Un mode opératoire sophistiqué conçu à grand renfort d’avocats d’affaires peu scrupuleux, pour dévaliser les organismes publics. Dans la foulée, on en apprend de belles sur le compte du sieur Bernard Arnault, qui racheta en 1980 pour 1 franc symbolique le groupe Boussac, dans lequel l’état français venait de réinjecter 1 milliards de francs. Le tout donne à vomir…

Les Prédateurs, Des milliardaires contre l’Etat, Catherine Le Gall, Denis Robert, Cherche Midi éditeur, collection Documents, septembre 2018, 300 pages, 21 euros, ean : 9782749155937.

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Nous voulons des coquelicots, Fabrice Nicolino, François Veillerette

1 Octobre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique, #essais

Combien vaut un coquelicot ? Une luciole ? Une abeille ? Les lucioles ont disparu. Les coquelicots disparaissent. En 15 ans, 1/3 des oiseaux ont disparu. En 27 ans, 80% des insectes volants ont disparu. Selon le CNRS, nous vivons la plus grande rupture des chaînes alimentaires depuis la disparition des dinosaures. 80% des plantes à fleurs ont besoin des insectes pour survivre. 35% de tout ce que nous mangeons dépend directement de la pollinisation des fleurs par les insectes volants. Le bouleversement de l’ordre écologique auquel nous assistons est sans équivalent dans l’histoire de la planète. Sinon, encore une fois, celui de la fin des dinosaures. En marche vers l’abîme. Non pas dans 50 ans : c’est maintenant. C’est maintenant, ici, que ça se passe. IL FAUT DE TOUTE URGENCE OBTENIR L’INTERDICTION DE TOUS LES FONGICIDES, DE TOUS LES PESTICIDES ! Il n’y a pas d’autre issue, car à la vérité, il est déjà trop tard : il faut à présent tenter de réparer. Non pas la sottise humaine, mais le crime d’une classe politique irresponsable. Nos auteurs nous en donnent la démonstration au fil des pages, à raconter par exemple la triste et longue histoire du DDT en France, le dernier pays à l’avoir interdit. En cause : la FNSEA et les barons de l’industrie agro-alimentaire. En cause, l’INRA et sa direction stipendiée. En cause, l’industrie phytosanitaire. Dès 1962, nous savions. Mais nos dirigeants n’ont rien fait. Personne. Ni la Droite, ni la Gauche. En 1981, Mitterrand autorisa même des pesticides interdits partout ailleurs dans le monde dit avancé. Plus près de nous, du Grenelle de l’environnement au moment Hulot, la farce s’est accomplie : entre 2007 et 2017, la consommation de pesticides en France a progressé de 20% ! Désormais, le désastre est à nos portes. Seuls notre conscience citoyenne viendra à bout de l’irresponsabilité criminelle de nos dirigeants !

Nous voulons des coquelicots, Fabrice Nicolino, François Veillerette, éditions LLL, septembre 2018, 128 pages, 8 euros, ean : 9791020906656.

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Le Prince de Cochinchine, Jean-François Parot, lu par François d’Aubigny

25 Septembre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

1787. A deux années de la Révolution française, le royaume de France se porte bien mal… Pour l’en sortir, Louis XVI espère signer un traité avantageux avec le Roi de Cochinchine. C’est compter sans les oppositions qui se font jour, une Triade affrontée au Roi de Cochinchine et d’innombrables comploteurs qui souhaitent tirer leur part du gâteau France avant que son royaume ne soit englouti. L’Etat se brise, la famine règne. Nicolas le Floch se retrouve au centre de cette tourmente, en compagnie de son ami, l’évêque Pierre Pigneau de Behaine et de son fidèle chien Pluton. De troubles en contrecoups, de badinages en fausses pistes, de meurtres en déloyautés de tous genres, de contorsions diplomatiques en scandales royaux, le Floch ne cesse de frôler et la mort et la disgrâce. Palpitant, érudit, le roman est traversé bien évidemment par les bruits sourds de la Révolution qui montent et par les débats furieux autour de l’égalité des hommes qui l’ont animée.  On y croise ainsi Restif de la Bretonne et Olympe de Gouges, un choix assuré auquel rendre louange, pour Olympe surtout, qu’un roman grand public célèbre enfin. A noter que Jean-François Parot fut lui-même consul à Hô Chi Minh Ville, et qu’il veilla lui-même au transfert des cendres de l’abbé Pigneau de Behaine en France. Dense, précis, documenté, le lecteur est cette fois encore immergé dans un siècle passionné, grâce sans doute à cette lecture qu’en donne François d’Aubigny, claire, précise, ménageant de belles passes d’armes quand le débat philosophique fait rage, en disposant d’une belle palette de tonalités pour incarner ses personnages. Mais une dernière enquête... A moins que l’auteur ait laissé dans ses tiroirs quelques manuscrits qui verront le jour demain…

Le Prince de Cochinchine, Jean-François Parot, lu par François d’Aubigny, Audiolib, 14 mars 2018, 1 CD MP3, durée d’écoute : 11h50, 22.90 euros, ean :  9782367626635.

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Lumière noire, Lisa Gardner

23 Septembre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

472 jours. 472 jours ensevelie dans une lumière noire. Dans un cercueil, suffocant, terrorisée, à la merci de son prédateur. Et puis Flora parvient à s’échapper. Mais le retour à la vie normale est impossible : elle ne peut ignorer toutes les filles victimes de prédateurs. Le sien est mort, d’autres existent, qu’elle traque jusque dans les bouges les plus glauques. Pistant ces disparues, elle se fait de nouveau kidnapper. Mais elle n’est plus seule : le commandant D.D. Warren a compris qu’un nouveau prédateur sévissait dans les rues de Boston et il s’est lancé à sa poursuite. Thriller psychologique glaçant, l’auteur ne cesse de nous confronter aux déviances les plus horribles. Armant toutefois son héroïne qui, après ses 472 jours, n’est plus la même, ni victime, ni tétanisée, elle chasse maintenant, jusque dans l’antre où un barman la retient, forçant les moindres failles, scrutant avec force son propre état psychologique, s’obligeant à prendre un recul impossible. « Est-ce que je suis affamée ? Oui. Est-ce que je suis fatiguée ? Très. Est-ce que je suis assoiffée, apeurée, frigorifiée, morte de chaud ? Absolument. Je suis tout. Je ne suis rien. Je suis une imbécile qui a vécu dans une caisse en forme de cercueil et qui se retrouve piégée dans une maison murée. » Flora cette fois ne se laisse pas impressionner. Elle est une survivante, s’en convainc, en fait sa force. L’intrigue se ramifie bientôt, tourne en rond, cavale en de nombreuses fausses pistes qui sont autant de points de tension où se retrempe notre lecture. Il faut survivre à ces aléas, revenir sur ses pas, chasser le doute. La ronde est convaincante, haletante, Flora est devenue le bras armé de toutes les vengeances. Elle tuera désormais. Son personnage bascule, il y avait urgence, il y a désormais cette tâche qu’elle s’est fixée, opiniâtre. Mais l’urgence d’abord, que la lecture de Colette Sodoyez nous fait vivre, éprouver dans sa diction heurtée et douce, souvent murmurée, comme à l’économie, du souffle, des syllabes, dans une parole qui chercherait surtout à ne pas s’épuiser. Avant de changer de ton et de diction pour affermir cette vengeance où Flora s’accomplit.

Lumière noire, Lisa Gardner, livre audio lu par Colette Sodoyez, traduit par Cécile Deniard, Audiolib, éditeur d’origine : Albin Michel, avril 2018, 2 CD MP3, durée totale d’écoute : 14h03, ean : 9782367626666.

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La femme de l’ombre, Arnaldur Indridason

22 Septembre 2018 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Printemps 43. Les troupes alliées débarquent en Islande, dont l’importance stratégique n’est plus à démontrer. Et bien sûr, l’arrivée massive de soldats américains, canadiens, anglais est tout juste tolérée par les islandais. Non loin, Petsamo, en Finlande, d’où partent les convois de réfugiés à destination de l’Islande : le Danemark occupés par les nazis se sauve comme il peut. L’Allemagne, qui a reconnu la neutralité de l’Islande, veille maintenant à ses portes. Une jeune femme y attend son amant. Ils veulent fuir la guerre, rallier Reykjavik. Mais le jeune homme n’arrive pas. En Islande, on relève sur une plage un premier cadavre, puis un jeune homme est victime d’une agression extrêmement brutale, à quelques pas d’un bar fréquenté par la soldatesque. Une femme disparaît. Il n’en faut pas davantage pour jeter le pays dans le trouble. Flovent, islandais, et Thorson, un canadien, enquêtent. Militaires ? Voyous ? C’est que cette occupation militaire sous le joug allemand a ouvert nombre d’appétits sordides. Indridason se régale, à creuser le fossé qui sépare les autochtones des étrangers qui les occupent. Un choc de civilisations en quelque sorte, concentré en une même unité de lieu : le pâturage de Klambatrun, planté entre le quartier miséreux des Polarnir et les cantonnements militaires. Second volet de la trilogie des ombres, La femme de l’ombre se plaît à mener son intrigue dans le plus grand flou, un flou saturé d’anecdotes, de bruits, d’événements qui nous perdent parmi les renvois à la culture et l’histoire islandaise, transformant ce polar en un récit foisonnant dans l’écho d’une Guerre qui avoue pour le coup son visage : la sauvagerie des hommes entre eux. L’intrigue est complexe donc, dont on ignore si tous les fils tirés se rejoindront ou non. Sinon pour composer le portrait d’une Islande pathétique, en passe de larguer ses propres amarres. Philippe Résimont en offre une lecture imposante, dans une tessiture chaude et basse. Rassurante, elle se fait vite fervente, interpellant en brusques sauts de voix appuyés l’auditeur, jeté au beau milieu du tragique d’un pays en rupture.

La femme de l’ombre, Arnaldur Indridason, lu par Philippe Résimont, éditions Audiolib, traduit par Eric Boury, 17 janvier 2018, 1 CD MP3, durée totale d’écoute : 8h43, 23.40 euros, ean : 9782367625720.

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