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La Dimension du sens que nous sommes
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Euro débile, police néandertalienne, médias abjects…

16 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Euro débile, police néandertalienne, médias abjects…

L’euro le plus insipide de l’histoire du football européen. Des matchs ennuyeux, des victoires sans intérêt, affirment les footeux, du moins ceux qui osent ne pas s’en laisser conter cette fois encore par des médias ahanants à longueur d’antenne que, oui, c’est juré, il se passe quelque chose comme un grand événement sportif en France. Quant à l’équipe de France (je n’ai pas suivi un seul match de cet euro et n’en suivrai aucun), aux dires de ses propres supporters, elle n’est plus guère qu’un ramassis de vedettes maussades, égoïstes et surpayées. Par parenthèse, la totalité des gains des footballeurs présents sur les terrains de cet euro fétide permettrait d’éradiquer la faim dans le monde, à savoir celle de près d’un milliard d’êtres humains… Un euro qui ne se signale au demeurant dans notre actualité que par ses exploits hors des stades, transformant la France en grand rassemblement d’identitaires haineux… L’euro de foot ? De la fête il ne reste déjà que les dégueulis d’une beuverie triviale et les basses besognes des bras levés (heil) au-dessus d’une immonde bêtise à front de taureau…

Face à eux, allais-je écrire, mais non, justement, ne leur faisant pas face puisqu’elle a mieux à réprimer ailleurs, une police néandertalienne, dont tout de même les supporters anglais ont fait les frais mercredi alors qu’ils chantaient, sans doute trop bruyamment aux oreilles de Cazeneuve. Quelle ne fut pas leur surprise de se relever gazés et chargés, eux qui jusque-là ne connaissaient guère que le traitement intelligent de leur comportement par la police anglaise, on ne peut plus habituée à leurs pratiques rugueuses. Nous parlons ici de «supporters», non de «hooligans» : le traitement, en France, a été distinct entre ces deux catégories : pas d’intervention contre les hooligans de Marseille, le gazage et le matraquage des supporters de Lens ou Lille… Alors qu’en Angleterre la police s’avance désarmée au contact des supporters avinés, et parvient à les calmer sans déployer l’arsenal d’une guerre civile... A de nombreuses occasions, les polices allemandes, suédoises, danoises, anglaises, etc., ont eu l’occasion de s’étonner de cette claustration néandertalienne (c’est pas gentil pour l’homme de Neandertal, je vous le concède) de la stratégie du (non)maintien de l’ordre à la française, qui l’apparente plus aux pratiques totalitaires d’agression des populations civiles qu’aux exigences d’un maintien de l’ordre réellement efficace. Au point qu’elle est prise désormais en exemple dans leurs écoles de police, de ce qu’il ne faut pas faire, tant ce qui est fait non seulement ne sert en rien la cause du maintien de l’ordre, mais la dessert, provoquant des flambées de violence indignes d’une «démocratie avancée». Une conception au sein de laquelle, inutile d’y revenir, les études abondent sur le sujet, ce qui est visé est la destruction de la cohésion sociale, non son affermissement.

Des médias abjects enfin, à la solde d’une poignée de milliardaires qui dicte leurs papiers... Voyez la presse nationale (au demeurant sous perfusion des deniers publics, les nôtres, pour nous abreuver d’insanités pas mêmes dignes d’un libelle revanchard). Voyez la télévision publique… Pour dernier exemple, le traitement de l’une des plus grosses manifs de l’histoire syndicale française, celle de mardi 14 juin, par Pujadas sur France 2, nous proposant des images tournées non sans farce par un cameraman qui avait sans doute reçu comme ordre de ne filmer que des groupes épars pour donner l’illusion d’un rassemblement chétif, enrichies d’une incrustation affirmant : « mobilisation, la fin ? »… On ne pouvait faire mieux dans l’abjection. Mais si, finalement : avec cette reprise du discours odieux d’un gouvernement aux abois pour évoquer le «saccage» de l'hôpital Necker, celui des enfants malades, «pris comme cible des manifestants»… J'y reviendrai.

Euro débile, police néandertalienne, médias abjects…

Cette propagande, sans rire, rappelle les pires heures des états totalitaires staliniens, avec ses discours navrants qui ont fini par tomber dans la crétinerie la plus invraisemblable. Tout cela rappelle aussi ce film de Milos Forman : Au Feu les pompiers (1967), qui vit le syndicat officiel des pompiers demander son interdiction tant il attentait à l’image de leur corps, et le gouvernement tchèque l’accorder… Jetez-y un œil… Le problème avec ce genre de propagande, dont la débilité frappe autant qu’elle inquiète, c’est que d’une part elle ne tient pas la route à l’heure où il est possible de vérifier beaucoup, et que d’autre part elle ne convainc que ses auteurs, les enfermant dans une bêtise inouïe et pour finir, aidant à généraliser la crétinerie ambiante de la classe politico-médiatique…

Enfin, pour cimenter le tout, des politiques hystériques, on ne peut plus grotesques. Prenez le décompte ordonné par Cazeneuve des manifestations du 14 juin 2016… Tout simplement renversant. Mais le plus fort, c’est qu’il doit croire au fonctionnement de sa supercherie ! Là n’est pas le plus grave. Le plus inquiétant, c’est que ce gouvernement s’emploie à fomenter de l’immonde, à encourager les émotions les plus basses, de celles qui sollicitent le réveil de la Bête, notamment au niveau de ses discours de propagande, qui rappellent ceux d’un Ceausescu aux pires jours de la Roumanie défaite. Prenez leur indignation devant ces vitres cassées de l’hôpital Necker. "Lorsqu’ils mettent sur le même plan «émotionnel» des plaques de verres cassées et ces centaines de milliers de familles éprouvées, MM. Valls et Cazeneuve, n’ont-ils pas honte ?", s’est écrié à juste titre l’un des parents de ces enfants malades. «Certes, briser les vitres d’un hôpital, poursuivait-il, même par mégarde, c’est idiot ; mais sauter sur l’occasion pour instrumentaliser la détresse des enfants malades et de leurs parents pour décrédibiliser un mouvement social, c’est indécent et inacceptable. Et c’est pourtant la stratégie de communication mise en œuvre depuis hier, par MM. Cazeneuve et Valls. Allègrement reprise par la droite et relayée sur un plateau doré par tous les médias.» Il y a là un pas franchi vers un horizon particulièrement délétère dont il faudra bien un jour cesser de taire le nom !

Imaginons maintenant que ce gouvernement vienne à bout de la contestation sociale qui partout en France a libéré les langues. Qu’y aurait-il gagné ? D’avoir fait surgir ce qu’il y a de plus immonde dans le collectif quand celui-ci se prend pour sa propre fin ? Cet immonde seul capable de le maintenir à flot, dans cet équilibre de la Terreur politique soigneusement mis au point et dont le FN est la pièce maîtresse, est-ce bien cela ce qui est visé ? Un faux équilibre en fait, dont même l’analyse ne traduit pas la réalité, cette réalité où le FN n’est même plus un repoussoir, mais la justification de toute politique en France. Une réalité au sein de laquelle il n’y a plus de lepénisation rampante, mais une méthode de gouvernement à la hussarde, où le 49,3 est devenu la condition même de l’exercice du pouvoir. Ce n’est ainsi même pas au surgissement de la Bête que ce gouvernement travaille : il a déjà inscrit le Gros animal de Platon, qui terrorise, qui avilit, dans l’horizon de la nation française. La Bête est la condition de l’exercice socialiste du pouvoir, dont la vérité est contenue dans ces discours d’avilissement. L’avilissement de la France, voilà le grand projet socialiste, où le #çavamieux de Hollande sonne comme une absurdité joyeuse, l’hallali entonnée férocement contre un peuple que l’on chasse désormais en meute.

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K.-O. Debout ?

13 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

K.-O. Debout ?

Libération (Rothschild), à une semaine d'un rendez-vous social crucial, celui de demain, mardi 14 juin, a cru bon d’ouvrir largement ses colonnes à Ruffin (Merci Patron), qui s’y est affiché en liquidateur du mouvement NuitDebout, dont on devinait bien depuis des semaines sinon des mois, depuis très exactement ce jour où il tenta de doubler l’Assemblée Générale de la Place de la République avec son meeting à la Mutualité, qu’il l’embarrassait alors qu’il avait autre chose en tête. Quoi ? Un rêve. Celui de construire un grand mouvement «populiste» à même de l’emporter dans les urnes de cette Vème honnie… Un Front de Gauche réactualisé en somme, revivifié. Quand ce même Front de Gauche, au tout début du mouvement NuitDebout, devant l’ampleur qu’il prenait soudain, s’interrogea pour savoir s’il ne valait pas mieux se fondre dans cette impulsion, bazarder le FG et le reconstruire dans ce sursaut frondeur. Ruffin s’interroge lui aussi sur les opportunités qui s’offrent : rallier la France insoumise de Mélenchon ou créer son propre mouvement. Après tout, le vivier est à portée de main, tant les séquelles de ce mouvement social sont grandes. Un Podemos à la française, que l’on sentait venir depuis des mois encore une fois, en particulier à travers le choix des invités «autorisés», Place de la République. On ne s’interrogera pas sur le calendrier de cette entretien, tant Libé(Rothschild) nous a habitué à ce genre de manœuvre depuis que Joffrin est à la barre. Il y a du Tsipras là-dessous, la volonté de liquider autoritairement un mouvement anti-autoritaire, fécond bien que brouillon. NuitDebout était donc une blague, aux yeux de Ruffin… Les milliers de blessés des manifs apprécieront… Une structure d’écho tout au plus, où donner de la voix. Un moment d’une stratégie plus ample, où mettre en place et en ordre de bataille les futurs militants de son propre mouvement. Que penser de telles intentions, du point de vue de Ruffin, non de celui des sombres manigances de Libé (Rothschild). Change-t-on de politique sans changer sa manière de faire de la politique ? Place de la République et partout en France, ce qui s’invente, précisément, c’est une autre manière d’entrer en politique. Pas dans toutes les instances mises en place sur la Place bien sûr, en particulier au niveau de son premier «media center» à l’appellation si crétine, si marketing et témoignant de toutes les opérations louches qui avaient abouti par exemple au dépôt de NuitDebout comme «marque déposée»… Curieusement, pas au niveau de ses premiers outils de communication d’une manière générale (qui sont en fait des outils de Pouvoir), avec cette TV Debout par exemple qui n’a cessé de reproduire un schéma de parole magistrale avec lequel nous devons tellement rompre. TV Debout et ses invités prestigieux, ses «experts» entérinant la longue dérive de dépossession de la parole populaire. Mais qu’importe : Place de la République, la vie continue. La lutte aussi. L’une et l’autre de conserve : la polis et la zoê. Dans leur union chaotique, autour de militants sincères, épuisés, qui se refusent à apporter trop vite leurs suffrages aux défaiseurs de rêve. Un autre mouvement prend pied. #NUIT DEBOUT DEMAIN, pour creuser la pérennisation de ce qui fit et la force et la faiblesse de NuitDebout. Une réponse indécise, nécessairement, à l’heure où certains se cherchent déjà une clientèle électorale.

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Darwin exposé et expliqué par Patrick Tort

10 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essai

Darwin exposé et expliqué par Patrick Tort

D’où vient Darwin ? Comment le théoricien de la filiation en est-il arrivé à cette intuition géniale sur l’évolution du vivant ? Et comment s’est-il défini lui-même par rapport à sa propre ascendance ? Né dans une famille riche, instruite, le jeune Charles fut très tôt exposé aux idées transformistes que son grand-père aimait volontiers théoriser. Très tôt il entendit s’exprimer dans sa propre famille une conception non fixiste de la formation des espèces vivantes. Pour autant, ces conceptions manquaient de fondements scientifiques et n’offraient guère d’issues intellectuelles au jeune Charles, qui ne savait que faire de sa vie, sinon qu’il se refusait à l’inscrire dans la volonté paternelle. C’est là toute l’intelligence de cette biographie, que de tenter de saisir moins le moment que la structure existentielle qui, très tôt, entraîna Carles Darwin sur des chemins de traverse. Charles, parce qu’il sut décevoir son père en refusant de lui ressembler, accomplit son destin hors norme. C’est dans cet écart de survie par rapport à l’obéissance filiale, ce précisément sur quoi il fondera sa théorie, qu’il engendra son salut. C’est du coup toute la geste d’une vie et d’une pensée que Patrick Tort éclaire et met en cohérence. Cette divergence qu’il révèle est fondatrice. Mais jusque dans cet écart procède une sorte de résonnance généalogique : il fut autorisé par le père de Darwin. Son non-conformisme, en quelque sorte, Charles l’hérita de sa propre famille. Un gène, oserions-nous dire, sélectionné de longue date. Désobéir était tout à la fois un acte de rupture et de fidélité à son ascendance. Un gène, la rétention familiale d’une variation avantageuse, pour le dire dans les termes mêmes du discours darwinien… Un avantage décisif pour le théoricien de la divergence. Hérédité et variation. Les conditions du transformisme, comme on le nommait à l’époque. Cette biographie subtile de Darwin éclaire en outre son positionnement religieux. Issu d’une famille chrétienne, au fil de ses réflexions, Darwin va évoluer vers un athéisme de fait, nous explique Patrick Tort. Elevé dans la foi anglicane, unitarienne, rejetant le dogme de la Trinité mais fortement attachée au récit biblique, l’empreinte protestante se comprend surtout comme d’un attachement à une vision morale du monde. Cette morale qui, seule, survivra à l’effondrement de sa foi. L’essentiel à ses yeux, tandis que s’effondrait la valeur de vérité des religions. Car pour Darwin, seul le souci affectif lié au sentiment d’être, cette composante émotionnelle essentielle de la personne humaine, comptait. Il en fit même une variation essentielle de la trajectoire humaine sur terre. Nous le verrons ultérieurement. Pour l’heure, Patrick Tort s’attache à démontrer que nous avons fait longtemps fausse route à croire les affirmations d’agnosticisme qui ont accompagnées son personnage public. Patrick Tort en révèle le caractère tactique. Le concept lui-même paraissait drolatique aux yeux de Darwin. Mais qu’importait : Darwin se réfugia derrière ce terme pour couper court aux polémiques qui se faisaient jour et mettre à l’abri ses proches. L’agnosticisme lui permettait de n’avoir ni à prouver, ni à infirmer l’existence de Dieu. Que d’autres s’en chargent : il lui revenait une œuvre majeure à achever, celle de la sécularisation de la morale chrétienne. Il lui revenait de travailler à une généalogie matérialiste de la morale, qui devait faire suite à son Origine des espèces. Comprendre en quoi le développement des instincts sociaux, la diffusion des instances de sympathie, constituaient pour l’espèce humaine son avantage ultime sur les autres espèces animales, et sa rupture sans doute la plus décisive avec elles.

CHARLES DARWIN EXPOSÉ ET EXPLIQUÉ PAR PATRICK TORT

Label : FREMEAUX & ASSOCIES

Nombre de CD : 3

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Benjamin Stora, Alexis Jenni, Les Mémoires dangereuses

9 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Benjamin Stora, Alexis Jenni, Les Mémoires dangereuses

De l’Algérie française à la France postcoloniale, qui a réactivée aujourd’hui tous les discours racistes des années 1950 sur l’impossible assimilation des populations issues des cultures maghrébines… Avec une rare pertinence, Benjamin Stora décrypte les origines coloniales des thèmes racistes, identitaires, qui ont envahi la scène publique contemporaine. Passant au crible l’histoire et la recomposition historique du FN bien sûr, mais ouvrant la réflexion à de plus vastes ambitions. Celle d’une réconciliation (presque) impossible entre ces générations montées les unes contre les autres, celles des jeunes français d’origines algériennes, ghettoïsées, et celles des rapatriés d’Algérie et de leurs enfants, enfermées, toujours, dans un désir de revanche. Ils sont ainsi des millions à se faire face dangereusement, dans la France d’aujourd’hui. Près de dix millions pour être exact, qu’une classe politique irresponsable maintient en état d’affrontement, la plupart du temps pour des raisons électoralistes. Quand il faudrait agrandir le périmètre géographique de notre histoire pour la rendre vraiment commune aux enfants issus de l’immigration algérienne. Quand il serait plus pertinent d’en finir avec l’idiotie intellectuelle d’une identité française originelle qui n’a au demeurant jamais existée. Quand il faudrait avoir l’audace de rallier l’autre rive de la Méditerranée, constitutive de notre histoire, pour réécrire notre grand récit national. Quand il faudrait avoir le courage de réaliser que la redistribution des espaces urbains, en France, s’est faite selon ce vieux modèle colonial. Quand il faudrait l’énergie d’aider les enfants d’immigrés à repenser leur propre trajectoire. Quand il faudrait avoir la bravoure de se défaire de ce marqueur infâme que nous avons promu au rang de déterminant historique : celui de la religion. Quand il faudrait avoir le cran de restaurer des transmissions, plutôt que de les rompre.

L’imprégnation coloniale de la France. C’est la thèse forte de ce livre. Qui montre combien les origines du FN sont coloniales avant que d’être racistes. Qui montre combien notre mémoire est en souffrance et comme telle, incapable de nous faire entrer dans une Histoire commune. Qui montre combien notre représentation politique est coupable de n’agiter pour tout imaginaire publique que celui de la violence. Violence qui n’est au fond désormais rien d’autre que le mode de fonctionnement inouï de la république française. On le voit s’exprimer au grand jour, ce mode de gouvernement, sous présidence socialiste, avec ses violences policières ahurissantes qui frappent jour après jour la Nation Française, dessinant les contours d’une nouvelle frontière idéologique dont les racines plongent dans cette France coloniale que l’on croyait défaite. L’imprégnation coloniale, dont le FN est l’expression la plus achevée de notre système politique, promouvant jour après jour un modèle sociétal d’exclusion, d’intimidation, de domination dont on voit comment il contamine toute la pensée politique contemporaine, verrouillant la société civile sur une problématique de revanche destinée à la forclore durablement de toute vie publique…

Les Mémoires dangereuses, Benjamin Stora, Alexis Jenni, suivi de Transfert d’une mémoire, Albin Michel, janvier 2016, 232 pages, 18 euros, isbn 13 : 978-2-226-32025-4

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LOI TRAVAIL VERSUS DROIT A LA PARESSE…

9 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

LOI TRAVAIL VERSUS DROIT A LA PARESSE…

Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx, publia en 1880 une série de textes consacrés au Droit à la paresse. En fait un pamphlet violent et singulier, qui lui vaudra une sérieuse remontrance de son beau-père, mais la sympathie des milieux anarchistes jusqu’au XXème siècle. Un texte étonnant, quand on songe que le droit au travail fut le socle de toutes les revendications ouvrières au XIXème siècle.

Pour lui, l’idéologie du labeur n’était rien moins que l’expression de la morale de la bourgeoisie rurale, provinciale, qui voue sa vie à l’ascèse du travail. Ascèse qui est une véritable aliénation mentale, propre à notre civilisation : le bon sauvage en est en effet exempt ; seules les races abâtardies ont érigé le travail en vertu (dont les auvergnats dans son esprit !). Au cœur de son argumentation surgit la figure du boutiquier. L’anarchisme de Lafargue sur ce point, s’exprime dans la langue de l’aristocrate : les nobles ne fustigeaient-ils point les boutiquiers eux aussi, et pour les mêmes raisons ? Et comme pour l’aristocrate, on sent affleuré le mépris, y compris pour ce prolétariat, qui s’est laissé subjugué par l’amour du travail.

La société industrielle a donc produit une race d’homme singulière, celle du prolétaire : « Les ateliers modernes sont devenus des maisons idéales de correction où l’on incarcère les masses ouvrières, où l’on condamne aux travaux forcés pendant douze et quatorze heures, non seulement les hommes, mais les femmes et les enfants ! » L’atelier capitaliste est perçu comme « le Minotaure moderne ».

Et quant aux Droits de l’homme, d’origine bourgeoise et que l’on propose aux ouvriers, ils lui apparaissent comme une médiocre consolation, voire l’expression de valeurs opposées à celles qui émaneraient d’un vrai Droit à la paresse. Analysant les conséquences de cette folie du travail dans nos sociétés, Lafargue explique qu’in fine, le vrai problème du monde capitaliste n’est pas tant de produire que de trouver des débouchés. Ce qui du coup le pousse à créer de nouveaux besoins, factices, pour entretenir la logique de production de la machine économique. Et à transformer les citoyens en consommateurs. Ce que précisément tente de faire la Loi Travail de 2016, arguant de cette logique de consommation pour assujettir le travail à l'aliénation marchande...

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De l’Origine des espèces, Charles Darwin

7 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essais

De l’Origine des espèces, Charles Darwin

En marge de l’exposition Darwin au Muséum d’Histoire Naturelle, les éditions Frémeaux ont l’excellente idée de publier la lecture de l’Origine des espèces du théoricien de la filiation, qui sut développer une magistrale conception non fixiste de la formation des espèces vivantes.

Darwin a 22 ans lorsqu’il part en voyage, à bord du Beagle, dont il ramènera son fameux journal, The Voyage of the Beagle, publié en 1839 sous le titre Journal and Remarks, titre qui se réfère en fait à la seconde mission d’exploration. Embarqué en décembre 1931 pour ce voyage autour du monde, Darwin y emporta avec lui une documentation considérable, dont les 7 volumes de Lamarck sur les animaux non vertébrés, un essai sur «l’uniformitarisme» qui proclamait l’uniformité des causes de transformations et dispensait l’idée de la catastrophe comme modèle du changement. Mais on sent déjà un Darwin circonspect quant à ces théories quelque peu surfaites, puisqu’il prend soin dans le même temps de se munir des ouvrages de Humboldt, combattant avec force l’idée biblique du Déluge, de la Catastrophe donc, comme modèle du changement. Dans cette même bibliothèque de voyage, on notera de très nombreuses études sur l’âge de la terre.

Cap Vert, littoral de l’Amérique du Sud. Darwin saute à terre dès qu’il le peut, observe, compare, se focalise très tôt sur les ressemblances et les variations, étudie la naissance d’espèces nouvelles à partir de formes migrantes. A Tahiti, il se passionne pour les coraux. Au Brésil, éprouve un fort sentiment de révolte contre l’esclavage des noirs, à ses yeux une souillure indigne des nations chrétiennes. Il revient de son expédition qui aura duré cinq ans, avec des milliers de pages de notes dont il va en confier une partie à des experts : reptiles, poissons, oiseaux, etc. … En 1837, ces experts ont fini de décrypter une grande partie du matériel qu’il leur a fourni. Ils sont éblouis et le pressent d’en rédiger la synthèse. Darwin résiste, inaugure son note book B sur les transformations des espèces, lit en 1838 Malthus, s’intéresse au rapport tensionnel que celui-ci exprime entre croissance géométrique et croissance algébrique des populations et de leurs milieux naturels. Il en tire l’idée de sélection naturelle comme mécanisme éliminatoire, avantage reproductif. Dès lors, il travaille plus sérieusement à la mise en place de ses concepts. C’est qu’il lui faut tout inventer ! En 1839 il devient membre de la Société Royale de Londres, entreprend une enquête sur l’élevage pour comprendre comment on y opère à la sélection de variations pouvant constituer un avantage reproductif et rédige à peine une demi page raturée sur sa théorie. Le premier ouvrage qu’il publie, en 1842, porte en fait sur les récifs coralliens. Au crayon, il note sa théorie de la formation des espèces. Mais dans les années 1850, tout va se précipiter. Wallace se rapproche de ses idées, menace de publier avant lui une théorie similaire. Les amis de Darwin pressent ce dernier de ne plus tarder. En 1858, une communication des études de Wallace est livrée. Darwin présente alors ses propres travaux sur «La préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie». Et le 24 novembre 1859, enfin, il publie, à 1250 exemplaires, De l’origine des espèces, épuisé sitôt que paru. La seconde édition augmentée de 1860 congédiera à jamais l’idée providentialiste. C’était là que le bât blessait en grande partie. Exposant sa théorie, Darwin devait faire accepter l’idée du «transformisme» contre le dogme de la création séparée des espèces animales intangibles. Darwin y explicite par la même occasion son concept de variation. Variation / sélection, ses études complémentaires sur l’élevage lui permettent de préciser son idée : dans l’élevage cette évolution des variations avantageuses se pratique sur un très court terme. Et c’est cette réflexion qui l’a contraint à se demander avec plus de pertinence ce qui, dans la nature, était facteur de sélection. Dès réception de son livre, les malentendus vont s’accumuler autour de cette idée de sélection. Celle de variation se verra sous-estimée et il faudra attendre l’ouvrage de 1870, La filiation de l’homme, pour voir Darwin lever tous les malentendus. De fait, si De l’origine des espèces peut être considéré à juste titre comme fondateur d’une vision nouvelle du monde, on ne peut que regretter le manque de publicité et de réflexion faites aujourd’hui autour de ce second ouvrage de 1870, qui constitue désormais pour nous un enjeu intellectuel essentiel pour notre civilisation ! (à suivre donc !).

Pourquoi écouter Darwin, plutôt que le lire ? La réponse est simple au fond : la lecture qu’en donne Eric Pierrot nous porte comme nous porterait un cours magistral donné dans un amphi. La même attention est sollicitée, la même jouissance devant l’intelligence de l’exposition, la même joie à suivre et comprendre, au mot près, le fil d’une pensée à son propre travail !

L’ORIGINE DES ESPÈCES - CHARLES DARWIN

Lu par Eric Pierrot

Direction artistique : CLAUDE COLOMBINI FREMEAUX

Label : FREMEAUX & ASSOCIES

Nombre de CD : 3


PRODUCTION : CLAUDE COLOMBINI FRÉMEAUX POUR FREMEAUX & ASSOCIES AVEC LE SOUTIEN DE LA SCPP.
TRADUCTION : AURÉLIEN BERRA
DIRECTEUR DE PUBLICATION : PATRICK TORT
COORDINATION : MICHEL PRUM
© CHAMPION / S
LATKINE

DROITS : FREMEAUX & ASSOCIES EN ACCORD AVEC CHAMPION / SLATKINE.

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Nuit Debout vu par le rédacteur en chef d’El Watan week-end (Alger)

6 Juin 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Nuit Debout vu par le rédacteur en chef d’El Watan week-end (Alger)

jJ : Que pensez-vous de Nuit Debout, dans ses deux composantes, l’une réformiste, l’autre citoyenne, campant sur des positions plus radicales et se refusant à entraîner le mouvement dans une traduction politique électoraliste à la Podémos ?

Adlène Meddi : Nuit debout pose plus de questions qu’elle n’en résout et c’est pas grave. C’est même essentiel en ces temps de recomposition du monde. Est-ce le système représentatif démocratique qui est arrivé à bout ? Faut-il tout détruire ou garder des bases du monde actuel pour construire demain ? Faut-il plier bagages et dégager les places car les vacances arrivent (ce fut le cas en Espagne ou la Puerta d’El Sol a été vite désertée… vacances d’été oblige). Ceci étant dit, il faut toute une profonde analyse des formes d’organisations politiques pour trancher entre les deux tendances que vous citez. Souvent, le discours à la mode est de claironner la fin du modèle partisan qui ne fait que reproduire une élite qui joue la montre entre opposition et majorité gouvernante. Le souci est que les tenants de ce discours servent indirectement les autocraties dans nos pays qui ont transformé les partis en alibis démocratiques, qui ont humiliés les assemblées élues et dénigré l’acte électoral face à la primauté de l’Etat régalien. Il faut critiquer les modèles de la représentation électorale directe ou indirecte, mais tout en se gardant de verser dans le nihilisme nourri par l’extrême droite en Occident et les islamistes chez nous dans le monde arabo-musulman. Bien des expériences à travers le monde, surtout dans les pays dit émergeants, où des forces sociales ont pu peser sur le cours des choses et tout en se soumettant au jeu électoral (avec ses tricheries et ses pots-de-vin, ses mafiosi en costard parlementaire et ses compromis « juteux »). Il faut revenir à l’expérience de Allende au Chili, malgré la fin tragique ourdie par les suppôts du plan Condor : une vraie tradition parlementaire soutenue et portée par des politiques directement connectés avec les mouvements tectoniques de leurs sociétés. Allende a, bien sûr, fait des compromis, mais il nous a donné une leçon magistrale : il n’a jamais lâché le plus important, l’essence même de son engagement et de son contrat avec la population. Ce n’était plus un mandat. C’était un projet politique. C’est cela la piste à creuser : comment sortir de l’électoralisme pour ne garder que l’électorat.

Adlène Meddi est le rédacteur en chef de El Watan week-end, à Alger. Ecrivain, il a publié le remarquable roman : "La prière du Maure", aux éditions Jigal.

Entretien par joël Jégouzo sur le site K-libre.fr : « L’incommensurable force de continuer à être humain en plein charnier »

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=interview&id=62

roman : La prière du Maure, Jigal,février 2010

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=735

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Etat d’urgence, du modèle algérien au modèle français

31 Mai 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

j.J : L’état d’urgence est prolongé en France, qui permet toutes les dérives au prétexte de menaces terroristes et de la logique qui veut que pour notre sécurité, nos libertés individuelles et collectives soient suspendues. Vous connaissez bien ce type de discours en Algérie. Qu’en pensez-vous ?

Adlène Meddi : D’abord, il faut toujours sous-peser les procédures exceptionnelles dans un pays à l’aune de :

1. l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs

2. le poids et l’efficience des contre-pouvoirs et leur soutien au sein de la société civile.

En l’absence de ces deux paramètres, les prétoriens de l’Etat, sécuritaires et politiques, peuvent disposer de la société et de la vie même des citoyens comme ils l’entendent dans des objectifs qui dépassent ceux justifiant un cadre juridique d’exception (état d’urgence par exemple).

En Algérie l’état d’urgence, perpétué illégalement de 1992 (pour cause d’insurrection armée islamiste) à 2011, a permis toutes les dérives, y compris la plus importante : diluer les responsabilités de la contre-violence puisque aucun texte d’application n’encadrait l’état d’urgence. Cela parce que la justice est au pas en Algérie (elle le reste toujours) et qu’il n’existe aucune séparation des pouvoirs. Par contre, le combat de certains médias indépendants, des associations de victimes du terrorisme ou des proches de disparus par le fait des agents de l’Etat a permis de casser le mur de la peur imposé par l’interdiction des manifs et les attentats quotidiens. Nous étions entre deux feux, même si je me suis engagé personnellement contre le terrorisme qui a tué des proches à moi et fait pas moins de 200 000 morts. Mais cela ne nous a pas fait perdre de vue que l’état d’urgence, dans ses dérives, servait un régime dans le désarroi.

Il y a quelques années, j’ai écrit cela dans un édito de El Watan Week-end dont je suis le rédacteur en chef : « Comment ose-t-on parler d’élection ou de recours, de législation ou de parti sous les matraques d’un état d’urgence qui ne dit pas son nom ? Arrestations arbitraires, répressions contre les acteurs sociaux, fermeture des espaces publics, prépondérance des services spéciaux (et parallèle depuis peu) dans la vie économique, administrative et sociale, étouffement des libertés… La liste est longue. On la retrouvera dans les PV pointilleux des services de sécurités – tous corps confondus – érigés en appareils de gouvernance. »

Il faut accepter le consensus contre un danger horrible, dans le sens de la solidarité avec l’Etat, non avec le POUVOIR. C’est toute la nuance qu’on ne doit pas perdre de vue. Et si le pouvoir, ou les segments les plus conservateurs de la société, tentent de brandir cette menace comme un croquemitaine paralysant l’initiative sociale, il faut inverser alors le paradigme : nous ne quitterons pas la rue parce que nous avons peur de vous et de votre arsenal juridique et répressif, non ; nous sommes là, dans la rue, parce que vous nous faites peur avec votre logique de destruction de nos liens sociaux et de notre fonds humain, avec votre logique qui vise à nous transformer en esclaves productifs et consuméristes. Il ne faut pas avoir peur de l’état d’urgence, il faut avoir peur de l’urgence qu’adopte d’Etat pour assujettir la société humaine.

In fine, pour résumer : face aux décisions du régime français (commencez à employer ce terme au lieu que cela ne soit attribué par les ingénieurs des médias occidentaux qu’aux pouvoirs «tropicaux» et exotiques), seule une conscience populaire ancrée dans la nécessité impérieuse de sauvegarder, de garder vivants des droits arrachés (pas acquis : arrachés) après tant de luttes à travers le monde entier et non seulement dans les sociétés industrialisées, pourra sauver l’humanité des menaces qui pèsent sur elle.

Adlène Meddi est le rédacteur en chef de El Watan week-end, à Alger. Ecrivain, il a publié le remarquable roman : "La prière du Maure", aux éditions Jigal.

Entretien par joël Jégouzo sur le site K-libre.fr : « L’incommensurable force de continuer à être humain en plein charnier »

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=interview&id=62

roman : La prière du Maure, Jigal,février 2010

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=735

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Les Violences policières en France vues par un journaliste algérien

30 Mai 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Les Violences policières en France vues par un journaliste algérien

jJ : Tronçonnage des manifestations autorisées, nassage des manifestants, attaques des têtes de manifs, CRS au contact permanent, encadrant les files des citoyens pour leur prescrire leur pas, leur cheminement, les maintenir à l’arrêt, les disperser sauvagement, détention en plein air de ces mêmes manifestants des heures durant, interdictions de manifester envoyées à nombre d’entre eux, interdictions de couvrir en reportage ces manifestations à l’adresse des journalistes de la presse alternative, utilisation systématique du flash ball en tirs tendus, des grenades de désencerclement sans sommations, gazages «préventifs» avant même qu’aucun mouvement de foule ne se fasse jour, matraquage systématique, déchaînement de coups contre les plus jeunes, les femmes, les retraités, etc. On n’a jamais connu, en France, ces vingt dernières années, de tels épisodes de violences policières. Que vous inspire cette montée en puissance de la répression policière en France ?

Adlène Meddi : Jamais vu en vingt ans, peut-être, mais rappelez-vous Napoléon faisant tirer au canon dans les rues de Paris contre les civils manifestants, ou Papon massacrant en 61 et en 62 les Algériens puis les antifascistes, tuant à profusion, noyant dans la Seine ou écrasant sous les grilles du métro Charonne… Les protocoles d’interventions de la police ne sont pas seulement des livrets techniques et pratiques pour la gestion des foules et l’avortement des mouvements de masse. C’est une idéologie qu’on inculque aux éléments de la police en déshumanisant l’en-face, l’ennemi, le «p’tit jeune con» à qui on va expliquer la vie puisque ses parents ne l’ont pas fait. Ça dure depuis le début du XXe siècle : La rage au bout de la matraque n’est pas le fruit de la «méchanceté» du flic, mais le résultat du brain washing qui a structuré la formation des forces de l’ordre, en instaurant une sorte de doxa de l’Etat manichéiste, simpliste et nourrie par les pressions sociales et culturelles que subissent ces mêmes éléments des forces de l’ordre. Le premier objectif de chaque mouvement révolutionnaire est de renverser cette logique et de casser la logique de l’affrontement pour imposer une seule vision : celle qui fédère le peuple contre les forces qui l’oppriment. Tous ceux qui l’oppriment, pas seulement le flic, mais aussi la fiche de paie et «l’inhumanisme» de l’hypermarché… Il y a une sorte de guerre sociale violente muette en France et ailleurs, comme le décrit si bien Alexis Jenni dans L’art français de la guerre. Une violence transparente, qui se ressent parfois quand on parle de taux de suicides à France Télécom ou quand on vous explique que la mobilité au travail c’est super grâce aux belles tablettes connectées et à la 4G, alors qu’il s’agit de pratiques esclavagistes quasiment acceptées banalement par tout le monde. C’est ce qui nous mène vers la loi du travail et à son passage en force : comment voulez-vous qu’il en soit autrement alors qu’une partie de la société a accepté cette forme horrible de la politique de l’emploi précaire, volatile (j’ai vécu brièvement l’enfer et l’humiliation des boites d’intérim en France, étudiant à l’époque, cherchant à vendre mes muscles et ma chair, mon temps et mes matins glaciaux). Je pense qu’au-delà de la loi du travail il est intéressant de voir que les questionnements parcellaires sur la condition citoyenne face à la machine fascisante du tout-productif commencent à se fédérer. Il faudrait maintenant aller plus loin peut-être, étudier des pistes, sortir de la politique politicienne et dire que la société, le voisin d’à côté et la vieille du palier d’en face ont autant d’expertise de la vie et de l’humain (et sans faire de populisme) qu’un costard-cravate aux crocs acérés qui ne regarde que la courbes de la bourse. Tout un monde à refaire à condition d’être conscient de la constitution actuelle du citoyen qu’on a effacé pour en faire un consommateur bien obéissant. Pourtant, en France et ailleurs en occident, j’ai rencontré beaucoup de gens qui ont choisi la voie de la citoyenneté, au prix de sacrifice. Je pensais que c’était des hippies des temps modernes. Hé bien c’est carrément eux le présent. Et, pourquoi pas, l’avenir.

Les Violences policières en France vues par un journaliste algérien

Adlène Meddi est le rédacteur en chef de El Watan week-end, à Alger. Ecrivain, il a publié le remarquable roman : La Prière du Maure, aux éditions Jigal, 2010.

Entretien par joël Jégouzo sur le site K-libre.fr : «L’incommensurable force de continuer à être humain en plein charnier»

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=interview&id=62

http://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=livre&id=735

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Du 49.3 de 1982 à celui de 2016, la domestication socialiste du Peuple

27 Mai 2016 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique

Du 49.3 de 1982 à celui de 2016, la domestication socialiste du Peuple

En 1982, François Mitterrand concocta un projet de Loi d’amnistie des anciens de l’OAS comprenant la réintégration de huit généraux putchistes d’avril 1961. Pierre Mauroy, qui présenta cette loi, rencontra une vive résistance à l’Assemblée Nationale et décida d’utiliser pour la première fois de ce septennat socialiste l’article 49.3 pour l'imposer au peuple français, sous couvert d'une réconciliation nationale dont il pensait que ce peuple n'était pas capable, faute d'une maturité politique suffisante. Un peuple ignorant en somme, préjugé familier aux élites qui nous gouvernent. Ignorant ? Vraiment ? Mais de quoi s'agissait-il avec cette Loi ? Moins d'amnistier que de réhabiliter des hommes porteurs d'un discours fascisant... Dès novembre 1982, les généraux putchistes antirépublicains redevenaient membres de l’armée française… On leva dès lors toute sanction possible à l'encontre des anciens tortionnaires de l'Algérie française, tout comme à l'encontre de tous ceux qui avaient accompli des atrocités dans le cadre d'une Guerre qui taisait encore son nom en 1982 ! De fait l’Etat français excluait toute idée de juger un jour nos criminels de guerre. C'était faire bien peu cas des valeurs de la République. C'était même les brader en effaçant publiquement dans l'Histoire les repères entre ce qui était républicain et ce qui ne l’était pas. Le tout par calcul politique...

Avant d'en comprendre le sens et ses conséquences, il est bon d'en découvrir les effets. C'est benjamin Stora qui les a le mieux cernés dans son essai : Transfert d’une mémoire. Les anciens de l'OAS, nous explique-t-il, qui avaient massivement rejoints les rangs du Front National, se virent du coup confortés dans leurs idées. Leurs valeurs antirépublicaines pouvaient réintégrer la vie politique (!), avec armes et bagages. Tout était pardonné, de la torture aux discriminations raciales qui fondaient leur vision des peuples de part et d'autre de la Méditerranée. Réhabilités, leurs discours pouvaient envahir la scène publique pour y diffuser leurs idéaux coloniaux : la domestication du Peuple, ainsi que le laissa entendre fin mai 2016 l’incroyable lapsus d’un Premier Ministre d’une fin de République qui tait férocement sa débâcle…

Dans une large mesure, cette réhabilitation leur ouvrait en grand les portes d’une révision de l’Histoire. L'heure de la revanche avait sonné, ainsi que le décrit magistralement Benjamin Stora dans son essai, et ce, grâce à Mitterrand qui venait de miner durablement le champ politique français -lourde responsabilité jamais dénoncée dans les rangs socialistes. Le FN était donc lancé, sa poussée encouragée, sa trajectoire calculée.

L’afflux des partisans de l’Algérie française dans ses rangs et leur légitimation de fait ouvrit en grand les vannes de l’imaginaire colonial qui n’avait jamais cessé d’irriguer l’imaginaire national. De fait, tout le discours du FN se réarticula autour de cet imaginaire, faisant des immigrés son centre de gravité, non sans l’aide d’un Gaston Deferre, parlant en janvier 1983, à propos de la grève des OS de Renault Flins «d’intégristes, de chiites», relayé par le Premier Ministre Pierre Moroy évoquant, ignoblement, un «complot musulman» à propos de ces mêmes grévistes ! Toute la classe politique devait s’engouffrer dans ce calcul soutenu par l’idée nauséabonde qu’il fallait prendre une revanche nationale sur ses algériens qui nous avaient dépossédés de nos richesses coloniales. Désormais, les immigrés ne devaient plus avoir aucun droit en France.

Les zélateurs de cette mémoire coloniale entreprirent dans la foulée de réévaluer positivement les temps bénis de la coloniale. Nombre d’intellectuels s’engagèrent dans ces rangs nauséeux. La colonisation, c’était la civilisation, civilisation menacée désormais, comme l’explique Benjamin Stora, par ces immigrés proprement inassimilables. Ce thème sera repris par Sarkozy, puis par Valls à propos des Roms d’abord, puis des « musulmans ». Un thème promu par les élites françaises, qui gagnait chaque jour en manque de nuances et dont ces élites faisaient tout pour qu’il traverse le corps social de la Nation. Dès 1990 on vit s'opérer le glissement sémantique de l'immigré à l'arabe, puis de l’arabe au musulman. Dans le même temps, les meurtres de jeunes français issus de l’immigration algérienne explosaient. Le MRAP n'en dénombra pas moins de 250 à la fin de l’année 1991, la plupart impunis : il était redevenu normal en France, comme au bon vieux temps de la Guerre d’Algérie, de tuer « les bougnoules ». En 1995, le FN conquit les villes de Toulon, Orange, Marignane. La suite, nous la connaissons : il fut promu au tout premier rang de la vie politique française.

Le coup de force de François Mitterrand avec cette Loi imposée contre l'avis du Peuple français, portait enfin ses fruits : non la Réconciliation nationale, mais la division, la dissension. Pour le maintien au pouvoir d’une République de plus en plus illégitime, d’une oligarchie au périmètre strictement contraint : l’UMP, le PS et le FN. Grâce au front républicain, en brandissant l’épouvantail du FN, cette oligarchie s’offrait une belle carrière. Le calcul de Mitterrand était rien moins que celui du sauvetage d’une classe politique stipendiée, prenant ses ordres de la grande finance internationale. Le calcul de Mitterrand était odieux mais efficace –il a fonctionné jusqu’à aujourd’hui- : protéger contre la démocratie les privilèges d'une classe de nantis. Mettre la République à l’abri de la Démocratie. Faire du gouvernement de la France un instrument de domestication du peuple français, un instrument de domination, avec la complicité des médias mainstream.

Le 49.3 de 2016 est à l’image exacte de celui de 82, une déclaration de guerre contre le Peuple Souverain pour le sauvetage d'une poignée de nantis, avouant explicitement le caractère d'autorité du régime politique français fondamentalement porté par des calculs politiciens animés par une oligarchie qui n’a de cesse de vider de sa substance la Démocratie pour mieux domestiquer les français –un lapsus qui sonne comme un aveu en effet.

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