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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 10:59

Incipit. La mer recouverte d’une jonchée de cadavres. Ailleurs, des corps se débattent. L’eau en tourmente. Des mains s’agrippent aux vagues, au vent, au vide. Ils appellent, ils crient, ils s’étouffent. Résistent avant de se rendre dans une ultime convulsion, les bras écartés. L’image est saisissante : celle d’une noyade collective. Mains, pieds, bras, jambes à battre les vagues qui se dérobent. Des centaines. Lui, se rappelle. Cette main agrippée au rebord du bateau. Ils étaient si nombreux. Trop nombreux. Lui ? Il est opticien. Il ne sait pas ce qu’il faut faire. Quels seraient les bons gestes ? Il va de main en main, il en arrache, cinq, dix, vingt, tandis que peu à peu son propre bateau s’enfonce dans l’eau. Ils sont trop nombreux. A Lampedusa raconte-t-il, on entend tous les jours des chiens errants hurler à la mort. Non loin de chez lui, il  y a une crique paradisiaque et une poignée de bars. Des ados insouciants sur leurs scooters et partout des groupes d’africains jetés sur les sentiers. Le centre est débordé. Sans arrêt des barques accostent. Lampedusa compte plus de réfugiés que d’autochtones. Lui, il était venu à Lampedusa pour vivre en famille, tranquillement. Opticien. Sa boutique, ses deux enfants, sa femme Teresa. Octobre. Il aime caboter avec les siens, ou bien nager sereinement.  La journée était belle, l’eau, immobile. Et puis… Au large, ils ont entendu des cris. Une rumeur. Non, des cris. Ils ne voyaient rien tout d’abord. Et peu à peu, en se rapprochant, les cris sont devenus des hurlements de terreur. Insoutenables. Il y avait des gens partout dans l’eau. Et ce cœur tragique de hurlements primitifs. Comment raconter ? Il revient sur l’incipit, sur ce choc initial : devant eux, des centaines de gens en train de se noyer. Que raconter ? Alors le récit recommence : ils sont huit sur son bateau, à plonger inlassablement, à agripper des mains, à hisser des corps exténués. Des femmes, des enfants. Combien d’autres ? Peut-être cinq-cents… Appel radio. En sauver le plus possible, se disent-ils. Le Galata se fraie un douloureux sillage parmi les noyés, les survivants, les corps perdus dans la mer. Il y a beaucoup d’enfants. Appel radio. C’est l’histoire de ce naufrage et de ces huit êtres lancés dans un sauvetage désespéré que raconte Emma-Jarre Kirby. Appel radio. Ces huit-là connaissent pourtant les lois : interdiction formelle de porter assistance aux naufragés. Un bateau de pêche, tout près, capte l’appel et s’éloigne aussitôt pour ne pas être mêlé à ça. Le Galata commence à sombrer. Impossible de renoncer à sauver des vies humaines. Ils sont cinquante-cinq à présent, sur un bateau fait pour transporter dix personnes… Appel radio. Le garde-côte arrive, leur intime l’ordre d’arrêter de chercher des survivants. Il leur interdit en outre de transférer leurs survivants pour en sauver d’autres. L’opticien est fou de rage. De dégoût. Ils doivent revenir au port ou couler désormais. Il ne peut s’y résoudre. Partout des mains se tendent vers le Galata, qui menace cette fois de couler. Au loin, d’autres bateaux laissent cette foule immense se noyer. Retour au port. Au débarcadère, la police les attend. Voilà. C’est fini. Les autres sont morts. Par centaines. Les journalistes vont s’emparer de cette tragédie. Et pour la première fois de sa vie, l’opticien va s’intéresser à ce qui se passe dans le centre d’hébergement. Des milliers d’immigrés y vivent. Faisant face à ces milliers d’autres, morts aux abords de la côte. Dans le cimetière de Lampedusa, un carré est réservé aux corps qui sont venus s’échouer sur la plage. 13 000 demandeurs d’asile sont entrés en Italie cette année-là. Une goutte dans le verre d’eau européen. Partout la police les a traqués, les a parqués. L’opticien en retrouvera quelques-uns de ceux qu’il a sauvés, qui risquent à présent la prison pour être entrés illégalement en Italie. Dont les Erythréens, pourtant sous protection officielle de l’ONU. A Lampedusa, il existe également un cimetière de bateaux de migrants. L’histoire revient, il remonte le récit, le clôt de nouveau sur cette scène de naufrage qu’il ne peut chasser de son esprit.

 

L’Opticien de Lampedusa, Emma-Jarre Kirby, éd. Equateurs, traduit de l’anglais par Mathias Mézard, juin 2016, 168 pages, 15 euros, ean : 9782849904589

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8 décembre 2016 4 08 /12 /décembre /2016 14:02

Il fut soldat, une photo d’Emilie Dickinson en poche, une prière d’Augustin en tête. Rennes aujourd’hui. Dubrovnik est bien loin. Réfugié désormais. Mais un réfugié instruit. Dormant d’Ephèse… Sarajevo est loin. Tenue à distance, dans cette distance barbare que la littérature ouvre sous nos pas, croyant les affirmer. Rennes donc, et son foyer de réfugiés. Pour marquer sa différence, il cultive très tôt sa culture. Qui déferle ici en citations volumineuses. Une avalanche. On peut aimer, certes. Question de survie peut-être. Emouvant ? Poignant ? Il s’y refuse, jardinant l’ironie. La farce de la faim. La farce de la pauvreté. On veut bien. Le reste est littérature : son récit d’une fillette tuée un jour par un snipper. Sarajevo n’est pas si loin finalement. Touchant ? Il s’en défend bien sûr. Son projet avoué, dès qu’il arrive en France, c’est d’être écrivain. Une manière de survie. On veut bien. Etre Goncourt. On se dit que c’est bien du Gallimard, ça. En attendant, il faut bien labourer hors du champ littéraire ce qui seul l’enrichit : figurer par exemple des êtres réduits à leurs morceaux de corps. L’esthétique du désastre subsumée sous des climats railleurs… Nul doute qu’il n’ait un jour le Goncourt : Gallimard sait faire ça. Vainement, pour le propos qu’on ne saurait trop rappeler ici : des êtres réduits à leurs morceaux de corps, jetés à la figure de cette Europe, endormie dans son scandaleux silence. Il y a cette vision tout de même, de ce scandaleux silence. Trop soignée ici pour faire du bruit. Peut-être à cause de ces vingt-cinq années prises à l’élaborer ? Son onzième titre. Sur ces migrants qui constituent le test suprême, comme il l’expliquait dans un entretien au journal La Croix, pour cette Europe déshumanisée qui ne sait plus voir des hommes dans ses réfugiés.

 

Manuel d’exil, VELIBOR ČOLIĆ, NRF Gallimard, avril 2016, 17 euros, 200 pages, ean : 9782070186716.

 

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1 décembre 2016 4 01 /12 /décembre /2016 10:12

«La femme», essaie de penser. On sonne à sa porte. Elle est nue. Qui sonne ? Eux ?  Elle ne songe tout d’abord qu’à aller chercher son petit dans la chambre. Le cacher. On sonne toujours. Elle s’habille, ouvre. Deux hommes. Affables. Costume cravate : «Nous sommes venus installer la peur»… Pour le bien du pays. Directive n° 359/13. Autrefois, expliquent-ils, cela prenait des années. Plus maintenant : les citoyens ont accepté d’avoir peur. La fable se déploie, en didascalies et dialogues. Quelle serait, pour cette femme, la peur idéale ? Ils cherchent. Ensemble. Elle et eux. Sans complicité, ce qui est déjà comme une résistance qu’ils n’apprécient guère. Ils lui rappellent tout d’abord ces contes que les mères lisent à leurs enfants. Les contes savent si bien installer la peur dans la vie des enfants ! Qui ne peuvent résister. Que pourrait-il faire ? Rien. L’enfant ne comprend rien à la cruauté du monde des adultes. Même quand les histoires finissent bien, la peur est installée. C’est quelque chose comme ça qu’il faut chercher, pour réinstaller la peur dans le ventre des adultes. Un récit capable de bien finir mais de très mal débuter. C’est à cela que servent les fictions. Tout un processus. Qui ne fonctionne vraiment que si l’on y collabore sans le savoir. Une peur adulte donc, pour elle. Peut-être celle d’une ville déserte, peuplée d’étrangers et de gens qui n’auraient plus aucun contact entre eux et dont les relations ne se nourriraient que de soupçon. Une ville  raciste. Peuplée d’étrangers. En vrai ou fantasmés. Ils seraient «partout». On pourrait les épier derrière ses rideaux, entendre leurs crimes à la radio, leurs méfaits à la télé… Ou bien simplement xénophobe. Une ville xénophobe. Ce serait plus classe. Les installateurs poursuivent avec talent. De vrais artistes de variétés. La peur la meilleure ? Ah, mais oui bien sûr : la peur économique. Les lois du marché. La bourse inquiète. Les marchés... Tout puissants les marchés ! A faire et défaire les vies. Ils sont la grande rumeur assassine. N’existent que comme menace. Des marchés que l’on ne peut apaiser que par des sacrifices humains, quand on y songe. Les gens comprennent trop bien cela. Y souscrivent. Avec eux, oui, la peur tient toujours ses promesses. Ou bien la peur sanitaire. Celle de virus capables de traverser les océans. Pandémie. De celle qui rejoindrait le racisme : c’est toujours la faute de l’Autre. Nos enfants exposés, à cause de l’Autre. Peut-être plus efficace que l’horreur économique. Ou les deux conjugués. Bien sûr ! La crise et la nécessaire gestion du vivant ! Le désastre est partout. Ne resteraient que les forces armées et la police pour faire tenir tout ça. Et le terrorisme, pour maintenir la peur et faire de nous tous les otages d’un monde meilleur…

Par ailleurs : à l'origine, l'auteur ne voulait pas mettre un mot de luid ans ce roman, distillant les phrases des autres parmi les siennes. C'est peut-être cela, en effet, l'installation de la peur...

 

L’Installation de la peur, Rui Zink, traduit du portugais par Maïra Muchnik, éditions Agullo, sept. 2016, 180 pages, 17,50 euros, ean : 9791095718062.

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18 novembre 2016 5 18 /11 /novembre /2016 11:05

Quelque chose vit en nous, qui nous échappe, qui nous transforme, «cet amas de tout», ce «je me souviens» de Perec, monde perdu à explorer, d’expériences qu’aussi bien, nous n’avons pas vécues mais qui ont marqué notre histoire commune. Bagdad, Beyrouth, Misrata. Le roman s’ouvre sur notre «désespoir besoin d’aimer», fracassé en défaites pathétiques que scandent l’absolu chaos des guerres passées. Celles d’Irak aussi bien, où l’on envoie toujours nos sicaires assassiner des êtres jugés encombrants. Ou celle d’avril 1861. Sans transition : l’Histoire est faite de cette matière grumeleuse que l’on régurgite sans cesse sans trop parvenir à s’en débarrasser une fois pour toute. 1861 donc, l’armée des confédérés, la défaite de Grant tout d’abord, l’amertume, la même peut-être que celle du petit empereur d’Ethiopie, ou celle d’Hannibal quand la victoire vint à lui manquer. C’est que l’Histoire, avant que d’être une peinture de batailles, est une histoire d’enfants enterrés vivants sous des tonnes de gravats que l’on cache un temps, mais dont les corps finissent toujours par remonter à la surface. Mais alors, de toutes ces batailles du passé, que faisons-nous ?  Chaos ou convulsions ? Toujours reprises, toujours décisives, restaurées toujours, ressuscitées partout en massacres exaltés. Toutes ces batailles, toutes ces guerres, cela peut-il prendre sens encore ? Prenez Agamemnon… Que pourrait bien nous enseigner la guerre de Troie ? Ce que nous dit le mythe, affirme Laurent Gaudé, c’est qu’au fond, avant même de toucher les terres d’Asie mineure, Agamemnon avait perdu : il avait dû tuer sa fille, et qu’importe si on auréole ce meurtre de la théâtralité du sacrifice. Prenez Haïlé Sélassié. Sa bataille ? Une boucherie.  Grant : sa victoire finale ? Une boucherie. Le roman traverse ainsi les époques la plume au fil de l’épée, les nouant sous couvert d’une intrigue contemporaine, l’histoire d’une barbouze à la solde des sales besognes dont toutes les républiques se gavent, les restes de Ben Laden en souffrance, comme un os à ronger, relique dérisoire qui refait surface ici, dans ce récit, pour en joindre les fils. D’Hannibal traversant le Rhône au fort Sunter, Laurent Gaudé nous parle de victoires affreuses. Car toute victoire est odieuse, qu’il nous fait boire jusqu’à la lie. Partout l’ivresse de détruire, de tuer. Et quand il n’y a pas d’ivresse, c’est le sang-froid des grands chefs de guerre qui nous apparaît abject : comment une telle distance peut-elle être possible ? Grant charge. Hannibal charge. Le petit roi d’Ethiopie fait charger son armée tout en sachant qu’il envoie ses hommes à la boucherie. La victoire est affaire de massacre. Quelle histoire nous raconte Laurent Gaudé au final ? Celle d’un art de la guerre qui doit beaucoup à la conception grecque du rapport à l’autre, où la bataille se résume à lancer au sacrifice sa troupe pour massacrer l’adversaire, tout comme dans l’éloquence antique la parole se conçoit comme d’une arme de destruction massive destinée à terrassée tout adversaire : on parle face à quelqu’un, non avec… Qu’importe les batailles donc, ou la succession des temps : la guerre est notre lieu, la violence notre état. Et l’art du roman s’y consomme en péripéties obligées. Si bien que ce récit captivant –mais toute bataille ne l’est-elle pas ?-, qui nous donne à voir les batailles du passé comme peu de récits d’historiens savent nous les restituer, s’immobilise à son tour dans cette soupe où gît l’Histoire. Combien de millions de morts encore, devant nous ? Tout continue sans cesse. L’Histoire est une défaite. C’est quoi au vrai, son souffle ? Celui de Grant brûlant les plaines, les villages, les populations… Les hommes finissent toujours vaincus. Alors tous meurent ensemble au sein du même chapitre. Grant, Hannibal, etc. Ils agonisent dans les mêmes pages, héros de fiction ou personnages réels. Pour ne reposer jamais en paix. Laurent Gaudé les a exhumés, lui le romancier, voleur de néant comme le sont les historiens ou les archéologues. Retournant in fine la question pour lui-même : un roman est-il une victoire ? Mais sur quoi ?

Je n’ai pas lu la fin du roman de Laurent Gaudé. Ce dialogue entre deux personnages plombés par leurs trajectoires, à quoi cela touchait-il d’un coup ? A ce «et tout le reste n’est que littérature» d’Antonin Artaud, qui m’a si bien détourné des artifices du littéraire. J’ai abandonné le livre avant sa fin : il y avait plus de force dans ses récits de bataille. On touchait là à quelque chose d’essentiel. Qui n’avait pas besoin d’être cousu à l’intrigue romanesque. Une interrogation qui se suffisait à elle-même. Soumise à l’intrigue, ma lecture retombait en morne finitude. Le roman ne jouissait plus de lui-même, le romanesque l’avait saisi, capturé, violenté. Il aurait mieux valu laisser en plan, dans un geste plus dramatique sans doute, mais où l’auteur aurait pu réintroduire quelque chose du lexique de la vérité, laissant le chemin ouvert, plutôt que de chercher à clore dans la grandiloquence d’un dialogue séminal ce que la littérature doit maintenir : l’ouverture à l’illimité. Car la littérature est le droit à la mort du romanesque, non ce repli éperdu sur ce romanesque -cette sécurité, notre défaite.

 

Ecoutez nos défaites, Laurent Gaudé, éd. Actes Sud, coll. Domaine français, août 2016, 256 pages, 20 euros, ean : 978-2330066499.

 

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14 octobre 2016 5 14 /10 /octobre /2016 07:48

Apparatchikland… L’Algérie ? Un pays bloqué, coulé sous la chape de plomb du quatrième mandat de Bouteflika. Le pays de Monsieur Frère, de la méfia d’état, de la corruption endémique. Celui des oligarques, des chefs terroristes amnistiés et reçus dans les coulisses du pouvoir. Celui d’une police politique omniprésente. Celui du mépris étatique, la mer sous grilles, où les marches pacifiques sont interdites depuis 1992, où règne un état d’urgence sans partage, où le centralisme démocratique contraint les dirigeants à expliquer avec longanimité aux journalistes que leur raison d’être est de défendre la patrie en danger. De quel danger sinon celui que cette bureaucratie qui se fout de tout, inefficace et méchante, fait courir au pays lui-même ?... Un pays donc où jour après jour la logorrhée de la grandeur gaullienne de la patrie déferle sur les ondes jusqu’à plus soif. Où l’on «salit cette belle langue arabe en l’asservissant aux petits désirs de chefs en costards de mafieux des années 20 à Chicago.» Zone grise plutôt que pays de Droit, voire même de Lois tout court, où les militants du mouvement des chômeurs furent il y a peu violemment réprimés et où l’état a fini par rôder une technique de domination très sûre, en réprimant toujours très fort, tout en comptant sur la peur et l’autocensure comme mode de gestion de toute contestation possible. Un pays embaumé en somme, où dans la rue peut parfois surgir une parole libre, pourvu que personne ne l’entende. Un pays sous influence Qatari, chinoise, ni tout à fait réel ni tout à fait imaginaire, où tout peut s’écrire jusqu’au brutal rappel à l’ordre. Un pays immense cependant, «terre qui mime le ciel férocement», à la profondeur historique continue, dont la jeunesse, sentinelle de nos défaites communes, ne semble jamais vaincue, toujours en veille d’une insurrection promise. C’est cette ferveur que l’on retient au final, tout l’inverse du renoncement espéré par des autorités grabataires, dressée en quelques lignes magnifiques par Adlène Meddi évoquant Constantine, «livrée aux voyous d’un régime devenu caricature de lui-même» mais vive comme un feu sous la braise, dans sa superbe déclaration d’amour à la littérature, non comme consolation mais volonté d’une Histoire autre.

 

Jours tranquilles à Alger, Mélanie Matarese et Adlène Meddi, préface de Kamel Daoud, éd. Riveneuve, juin 2016, 204 pages, 15 euros, ean : 9782360133918.

 

 

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11 octobre 2016 2 11 /10 /octobre /2016 09:16
Watership Down, Richard Adams

Un chef d’œuvre. Tout court. Un chef d’œuvre de la littérature passé à peu près inaperçu en France, malgré un succès mondial… Traduit dans toutes les langues connues, enfin retraduit ici par Monsieur Toussaint Louverture, l’une des plus brillantes maisons d’éditions françaises, aux publications toujours marquantes.

Un roman monde. Picaresque. L’immense saga d’une civilisation inconnue. Roman d’éducation, récit hagard d’une terre offerte à l’aventure, d’un univers pionnier contraint de s’inventer sous nos yeux et dont les protagonistes ne cessent d’affronter leurs ombres, l’adversité, l’espérance (oui, l’espérance peut relever aussi de l’affrontement), l’obligation de construire quelque chose comme cette dimension du sens commun que l’Histoire devrait être. Une cosmologie même, avec au commencement l’Exode. Biblique... Au commencement de ce roman, il y a l’exode, imaginez ! Eschyle en exergue, la Grèce et L’inde antiques à la rescousse, la légende de Shraavilshâ en pendant… Et partout, des lapins. Partout. Leur communauté devenue ce récit où prendre pied. Au commencement donc, il y a la nécessité de l’exode dans la garenne pourtant en paix. Où les lapins parlent, mais ne savent compter que jusqu’à quatre. Ce qui n’est pas si mal, quand on y réfléchit bien. Des lapins, dont Hazel et Fyveer, nos héros. Au départ, tout va bien dans le meilleur des mondes –des lapins. Mais pour faire avancer le conte, bien sûr, une catastrophe se profile. Structure classique, direz-vous. On apprend ça au collège. Mais avec quel talent l’auteur nous en régale ! La garenne a été rachetée par des hommes sans scrupules. Parce qu’il y a des hommes dans ce récit. Nous. Cruels, avides, avec leurs machines et leurs convoitises : la terre, que nous nous acharnons à détruire pour en extirper le moindre rendement. Une société immobilière a racheté la garrigue. Mais de cet autre monde que l’auteur réussit à nous rendre étranger, le nôtre, celui des hommes, nous ne saurons pas grand-chose. Ils sont trop loin, trop grands. Trop impénétrables. Nous vivons mieux auprès de Hazel, et de Fyveer, qui sent la catastrophe. Littéralement. A travers les pores de sa peau de lapin. Il sent cette catastrophe qui vient, dont il ne sait rien dire, sinon qu’il faut fuir. Vite. Mais voilà, le Padi-Shâ de leur communauté, leur maître, n’a pas envie d’affoler la garenne. Alors Hazel, Fyveer, Bigwig et quelques autres décident de fuir cette communauté insouciante qui court à son anéantissement. Le récit est en marche. Nous ne les quitterons plus. En partance avec eux pour inventer un autre monde, celui d’une société de lapins égaux et libres, qui saura faire la part des choses, créer des règles de vie justes, «modernes», sans rompre pour autant avec cette foi ancienne des récits des ancêtres où plongent l’émotion de l’identité lapine, celle de cet animal timide et sauvage, «gros comme un chat médiocre», affirmaient les dictionnaires du XIXème siècle. Quel roman ! Il est même traversé par un récit des origines : celui de Krik, qui créa les étoiles en répandant ses crottes à travers le ciel. Krik a fait des chats, du renard et de la belette des mangeurs de lapins. Pour contraindre cette glorieuse et indestructible race à s’exhausser. Hazel donc, et les siens, marchent vers la Terre promise. Moins un lieu qu’un lien. Et même certainement pas un lieu –c’est l’une des grandes leçons de ce roman-, tant ceux qu’ils découvrent au gré de leur pérégrination n’ont de promis que l’opportunisme vain d’avoir échappé chaque fois à une épouvantable catastrophe. Ici une prairie admirable, avec tout le confort rêvé et des hôtes charmants, véritable paradis sur terre recélant une société fasciste qui reçoit ses immigrés pour mieux les vouer à la destruction… L’exode donc, toujours, au fond la seule forme juste de société, qui sache survivre à tous les délires sociétaux. Jusqu’à la colline de Watership down, un lieu ingrat, abandonné de tout et de tous et où il leur faudra livrer une bataille hallucinée. Les cent dernières pages sont incroyables. On retient son souffle, on éprouve leur immense émotion. Et non, ce n’est pas la ferme des animaux, c’est mille fois mieux. Il y a bien certes le dessein symbolique de raconter notre destinée humaine en filigrane, prétexte à de grandes leçons. Mais il y a plus. L’incroyable de ce récit, c’est qu’il ne cesse de se construire depuis le point de vue des lapins tels qu’ils sont «en vrai», timides et peureux, habitant ordinairement dans des trous qu’ils font sous terre. Voir le monde depuis ces clapiers, ces garennes ou ces mangeurs de choux, quelle leçon d’humanité !

Watership Down, Richard Adams, traduit de l’anglais par Pierre Clinquart, éd. Monsieur Toussaint Louverture, oct. 2016, 544 pages, 9791090724273.

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 07:16
Les autodafeurs, T. 3 : Nous sommes tous des Propagateurs !

Le combat, final ? Les Autodafeurs venaient de lancer leur attaque. Nombre de bibliothèques semblaient être parties en fumée. Sur l’île de Redonda, les membres de la Confrérie tramaient une réplique trop vague pour l’emporter. Mais deux nouvelles têtes font leur apparition, qui vont bouleverser le fil de l’histoire : Inès et Rama, le jeune prodige des maths aux douze orteils. Un détail qui n’a pu échapper à Césarine, d’autant qu’elle trouve en lui son alter ego, partageant une même passion pour la logique. Quant à Inès, nous plongerons avec elle dans l’histoire lointaine aux portes de l’Amérique de Christophe Colomb retrouver le Livre que personne ne peut lire

Les Autodafeurs ont donc lancé leurs attaques partout dans le monde. Plus grave encore : la quasi-totalité des gouvernements et des institutions internationales campent sur les positions liberticides des Autodafeurs. Partout l’on suspend les libertés individuelles, au nom de la lutte contre la menace terroriste… Internet est sous tutelle, la disparition des livres fait peu à peu place à des bibliothèques numériques que les états peuvent surveiller à leur aise… L’avenir est bien noir, sinon brun de nouveau… Et de ce sombre avenir nous parviennent des échos tragiques : en quelques décennies, un nouvel ordre mondial s’est mis en place. Totalitaire. Mais une figure de résistance émerge de cet avenir, celle de Noé tentant depuis son naufrage ultérieur de sauver l’humanité, dont toute la tragédie déboule dans le récit grâce à cette arche qu’il leur tend. Elle raconte les guerres, les quelques décennies qui ont suffi à jeter à bas notre civilisation pour l’enfermer dans la plus effroyable des barbaries. Elle décrit un Protocole, celui de Chronos, dévorant l’humanité hagarde. Du dieu Chronos, le roman épouse la logique cannibale, jouant sans cesse du brouillage du temps : on est avant, on est après, les temporalités se chevauchent, l’espace-temps ne cesse de se plier pour nous arracher à la torpeur d’une lecture trop linéaire. Et dans cette confusion qu’il engendre, l’île de redonda où s’est réfugiée la Confrérie devient une sorte d’axe du monde qu’il serait vain de fuir. C’est là que tout se joue, là qu’il faut compter ses forces, tandis que Césarine commet erreur sur erreur. Il se passe quelque chose. Piégés sur l’île, nos héros doivent affronter leurs fantômes et leurs peurs tandis que le monde assiste à sa mise à mort, que seule une puissance supérieure pourra sauver. Une puissance que Césarine va découvrir, ou bien qu’elle recouvre, qui sait, révélant au passage, enfin, les raisons de son aversion du nombre 22. Une puissance que par-delà les siècles tous ont en partage et nous avec, lecteurs, qui sommes devenus leurs fidèles alliés dans ce combat du livre contre l’économie barbare des logiques totalitaires, nous qui sommes devenus, de fait, les Propagateurs que la Confrérie espérait, cet élan intérieur et personnel de chaque un pour le salut de tous.

Les autodafeurs, T. 3 : Nous sommes tous des Propagateurs, Marine Carteron, éditions du Rouergue, collection DoAdo, mai 2015, 368 pages, 14,90 euros, isbn 13 : 9782812608933.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 07:17
Les Autodafeurs, Tome 2 : Ma sœur est une artiste de guerre…

Nous avions laissé la Confrérie en mauvaise posture. Auguste et Césarine venaient de perdre leurs grands-parents dans le combat qu’ils avaient gâché, une grande partie des archives qui leur avaient été confiées avait été détruite et leur maman se retrouvait plongée dans le coma. De leur côté, les Autodafeurs, après avoir mis la main sur la liste des membres de la Confrérie, se préparaient à les éliminer les uns après les autres –et commençaient d’y réussir. Dans la coulisse, ils peaufinaient un effroyable plan de bataille, le projet de lancer sur le monde la «onzième plaie d’Égypte», à savoir la destruction de tous les imprimés circulant à la surface de la terre. Un Fahrenheit en grand, une Nuit de Cristal telle que l’humanité en génère périodiquement dans son aventureux destin. Mais c’était compter sans Césarine, qui se révèle dans ce tome pour l’absolu plaisir du lecteur, et se prépare à livrer la vilaine guerre à laquelle on l’oblige de céder. La lecture assidue de Sun Tzu et la pratique quotidienne des arts martiaux l’ont considérablement aguerrie. Pour l’heure, elle en expérimente la pertinence dans sa préparation du sauvetage de sa mère, plongée en fait dans un coma artificiel.

Le second tome est à l’image du premier quant à l’économie narrative, presque classique dans sa structure, nourrissant une grande unité de lieux où l’action n’y peut éclore que violemment. Une contrainte formelle qui force les personnages à envahir la scène romanesque, plutôt qu’elle n’astreint l’auteur à démultiplier les rebondissements, à l’image de ce qui se pratique dans les mauvais polars. L’histoire vogue ainsi au près d’une gamine qui lentement émerge de son autisme, et d’un adolescent lancée dans la quête fiévreuse de son identité, tenant enfin dans ses mains le livre de bord de son père racontant, année après année, ce qu’il en coûte de vivre dans un monde ahuri, et ses émerveillements gamins. C’est le tome des révélations, celle de Césarine au lecteur et d’Auguste à lui-même, dans le contexte trouble des éclaircissements familiaux. C’est l’opus des basculements, d’une revanche facile sur les Autodafeurs et du comptage des forces en présence. C’est le tome des tensions et des attentes du choc de la bataille finale. Le volume des ruptures : ils quittent le domaine familial réduit en cendres, affrontent l’inconnu, un autre monde, ailleurs. C’est un chapitre presque qui s‘ouvre plutôt qu’un nouvel épisode, entre deux moments d’un temps que l’on ne peut arrêter, celui de la prise de conscience que l’être humain vit entre deux morts : celle de l’enfant qu’il a été et celle à venir, qui semble ne plus vouloir tarder à présent… le volume de la sortie de l’enfance !

Les Autodafeurs, Tome 2 : Ma sœur est une artiste de guerre, Marine Carteron, éditions du Rouergue, coll. DoAdo, 380 pages, 14,90 euros, ISBN-13: 978-2812607172.

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 07:26
Les autodafeurs, Tome 1 : Mon frère est un Gardien, Marine Carteron

Voilà bien longtemps que les Autodafeurs attendent de prendre le pouvoir. Aujourd’hui, la société numérique semble le leur permettre enfin. Mais c’est compter sans les Gardiens du livre, qui n’ont cessé depuis des siècles de protéger ce bien incurable qu’est le livre imprimé. Pour l’heure, les Autodafeurs marquent des points : ils viennent d’exécuter le dernier Gardien connu, le père d’Auguste et de Césarine, dont ses propres enfants ignoraient la mission. Ancien conservateur de la BNF, leur mère ancienne archéologue, ni Gus ni Césarine ne pouvaient se douter de la profondeur de leur engagement : l’une vit égarée dans un monde mathématique, l’autre dans ses histoires d’ado, lecteur MP3 sur les oreilles et i-phone en poche. Mais les voilà contraints, par cette mort inouïe, de retourner vivre à la Commanderie, l’immense propriété de famille, perdue dans un coin obscur de province. Césarine, «ordinateur en socquettes» qui aime les nombres à l’exception des 22 premiers, ne vas cesser de nous épater par ses raisonnements imparables, poussant les logiques molles des adultes dans leurs derniers retranchements. Toute la famille déménageant, ce qu’elle découvre, c’est un papi et une mamie dont le passé d’anciens militants gauchistes refait surface. Qui sont-ils en réalité ? Pour quoi vivent-ils ? Tandis qu’Auguste s’ennuie dans son nouveau collège de bouseux, jusqu’à l’heure du cours de français, où le prof, littéralement, le subjugue. «Qu’est-ce qu’un livre ?», interroge-t-il. Que lit-on d’un livre ? Qu’est-ce que lire au fond, passer le temps ou bien quoi d’autre ? Et comment lire dans ce cas ? Mais surtout, que devient-on quand on lit ? Le roman s’ouvre d’un coup à un questionnement des plus essentiels. «Qui donc –mieux que le livre- est à la fois médecin et nomade, byzantin et hindou, persan et grec, mortel et immortel ?». On le voit, la littérature jeunesse n’a pas froid aux yeux, qui propose aux ados cette puissante méditation sur la vie. Et le plus fort, c’est qu’elle le fait sans se départir de son genre, ne cessant d’ancrer ses personnages dans notre époque, futile et sombre, eux-mêmes portés par des gestes tantôt puérils, tantôt graves, ne perdant pas un seul instant de vue leur poids d’existence, d’une existence faite d’étonnement et de ces engagements auprès du monde et d’autrui dont sont capables les adolescents.

Césarine, au fil des pages, conquièrent une place à part. Autiste, nous la découvrons à travers son journal, pétillant d’intelligence. Elle observe tout, note tout, débusque les contradictions, les secrets, les failles. Et par son observation autiste du monde, elle finit par découvrir qu’il manque des mètres à la Commanderie... Un passage secret, en lien avec cette mission ancestrale dont leur famille s’est chargée et dont Auguste découvrira qu’il en est devenu, à la mort de son père, la pièce maîtresse. Il s’agit de défendre les livres. De mettre à l’abri toute la mémoire livresque des hommes, leur socle d’humanité. Il s’agit de les protéger des Autodafeurs, des gens que le livre exaspère, tant il a inscrit dans son horizon la possibilité de la liberté humaine. Depuis l’aube des temps, les Gardiens ont réussi à sauvegarder ce patrimoine commun. Ils ont conservé précieusement les originaux de tous les livres existants à la surface de la planète. Des originaux que les Autodafeurs voudraient détruire, pour les remplacer par leurs clones numériques, expurgés bien sûr –c’est désormais si facile-, de tout leur contenu révolutionnaire. Leur projet démesuré est de numériser tous les livres écrits par les hommes, sous le contrôle d’une seule société, qui se chargera ensuite de mettre à la disposition des états sa version des ouvrages publiés… ça sent son Google books, amazon, voire ces Lois de contrôle du web que certains gouvernements nous ont concoctées… Car les Autodafeurs travaillent dur à nous faire croire que nous pourrions nous passer de ces originaux auxquels nous n’aurons bientôt plus accès.

La guerre ne fait donc que s’engager, qui voit de nouvelles forces s’engager aux côtés des gardiens du livre : nous, lecteurs, qui sommes au fond les Propagateurs que les gardiens appellent de toutes leurs forces…

Les autodafeurs, Tome 1 : Mon frère est un Gardien, Marine Carteron, Editions du Rouergue, collection DoAdo, 7 mai 2014, 14 euros, ISBN-13: 978-2812606670.

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 06:55
Being, de Kevin Brooks

Qui peut se faire une idée de ce qu’il est, viscéralement ?

Robert Smith a 16 ans. On l’a admis à l’hôpital pour une banale endoscopie. Mais ce que découvrent les médecins lors de l’examen est rien moins que surprenant : des fils électriques, des puces, un bouclier anti-radiation… Le staff hospitalier ouvre le ventre de Robert pour en avoir le cœur net. Et de cœur pour le coup, ils ne trouvent pas trace. Pourtant l’enfant vit. Il trouve même la force de se redresser sur la table d’opération, ventre ouvert, pour obliger les médecins à le recoudre. Qui est-il ? Un robot ? Un cyborg animal ? Robert n’a aucune idée de ce qu’il est, ni d’où il vient. Placé à l’assistance publique dès son plus jeune âge, entouré soudain d’un personnel intrigant, il devine qu’il n’a qu’une issue : prendre la fuite. Une fuite magnifiquement écrite, avec son phrasé caracolant de mots vacillant sur eux-mêmes, au plus près de cette impression d’étrangeté qui quittera plus le lecteur. La fuite de soi-même aussi bien, quand Robert réalise qu’il est sans doute une machine, fonctionnant exactement comme un être humain. Même conscience, mêmes souffrances morales, mêmes sentiments… On songe à La Métamorphose, de Kafka, Robert se relevant de son lit d’hôpital sans que rien ne paraisse anormal. Voilà, il a une carapace à l’intérieur du ventre et des circuits électriques. Il faut désormais composer avec.

Planqué provisoirement dans une chambre d’hôtel, il s’ouvre lui-même la cage thoracique pour vérifier. Un truc métallique palpite dedans. Robert prend peur soudain, peur de ce qu’il a en lui, peur de ce qu’il est, de ce qu’il n’est plus. Le lendemain, sa photo fait la Une des journaux. On l’accuse mensongèrement d’assassinat. Très vite il découvre que des agents du gouvernement le traquent. Fuir, fuir encore, soi-même et le monde, tuer pour protéger sa fuite, pour se donner le temps, peut-être, de comprendre ce que l’on est. Le roman se mue en thriller, en roman d’espionnage dans lequel la dimension de science fiction reste contenue, comme dans Kafka, dans les limites de la vraisemblance narrative.

Robert cavale bientôt avec Eddi, jeune faussaire de génie, qui l’aide à se faire une nouvelle identité. Mais les tueurs engagés à leur poursuite les retrouvent. Cavale. Fuite en Espagne. Malaga, Tejada enfin, un minuscule village reculé aux frontières, presque, du siècle passé. Ils s’installent dans leur nouvelle vie, amoureux. Une vie faite de petits riens, des joies sereines des villageois le dimanche. Robert n’a rien révélé de fondamental sur lui. L’illusion de pouvoir vivre heureux, là, avec Eddi, reste entière, jusqu’au jour où les hommes du gouvernement les retrouvent. Ils veulent Robert vivant. Pas sa compagne. Eddi abattue, Robert parvient à prendre une dernière fois la fuite. Mais c’est, à ses yeux, pour rejoindre Eddi dans son néant. Ne reste que leur état de choses désormais, celui du cadavre d’Eddi et celui de sa propre existence, enveloppe humaine vide de tout sens. Le voici qui s’enfonce donc dans ce vide — de vraies ténèbres —, au terme d’une superbe fable sur l’identité, écrite dans un style parfait.

Being, de Kevin Brooks, éd. du Rouergue, janv. 2008, 350p, traduit de l’anglais par Ariane Bataille, isbn : 978-2-8415-6900-7

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