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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 14:00

location.jpg(A propos du soit-disant échec du multiculturalisme en Allemagne…)

 

 Dans l'entretien accordé à Jonathan Rutherford autour de son concept de "Third Space", Homi Bhabha actualisait avec force la distinction capitale entre le concept de diversité et celui de différence culturelle, en soulignant que la notion de diversité avait pour principal effet de contenir la différence culturelle réelle à l’intérieur d’un horizon hégémonique subsumant l’autre sous les traits du même.

Le multiculturalisme, tel que pratiqué dans les discours des autorités allemandes, n’y échappa pas, recyclant de pseudos différences culturelles à la manière d'un musée exotisant l'autre, dont on ne veut accepter l'altérité que dans la distance de l’exotique, pour le ré-enfermer dans l’horizon identitaire par le biais d'un acte "civilisateur" hypocrite :

The sign of the "cultured" or the "civilised" attitude is the ability to appreciate cultures in a kind of musée imaginaire, as though one should be able to collect and appreciate them. Western connoisseurship is the capacity to understand and locate cultures in a universal time-frame that acknowledges their various historical and social contexts only eventually to transcend them and render them transparent.

A l’opposé de cette conception d'une culture littéralement  muséographique, la notion de différence culturelle, elle, prétend articuler des lieux de production et non de reproduction, où la culture pourrait enfin se construire en différences, "in the spirit of alterity or otherness". Et Bhabha de souligner qu’aucune culture, alors même que le musée voudrait nous le donner à penser, n’est « full unto itself", non pas seulement parce qu’elle est toujours bordée d’autres cultures qui malmènent son autorité, mais parce que, plus fondamentalement, dans ses conditions de possibilités même, il n’existe pas de moment séminal qui en constituerait les origines. Toute culture est toujours, déjà, le résultat d’un processus complexe d’hybridation démentant l’idée d’origines organiques.

C’est la raison de la formation chez Homi Bhabha du complexe de «tiers espace», qu’il substitue à la notion d’identité culturelle plénitudinaire, nous obligeant à repenser nos catégories culturelles dans l’horizon d’une problématique nouvelle, celle de la traduction, où les questions de culture se voient heureusement déplacées vers d’autres espaces intellectuels, celui de l’hybride en particulier : "[...] for me, the importance of hybridity is not to be able to trace two original moments from which the third emerges, rather hybridity to me is the 'third space' which enables new positions to emerge".

Il est donc vain, comme le pratiquent les musées, de vouloir isoler les cultures les unes des autres, tout comme il est vain, dans d’autres domaines, de vouloir isoler les genres entre eux, comme de séparer le masculin du féminin, le pur de l’impur, le propre de l’impropre. La logique de la vie sociale est celle de l’hybride. Isoler une communauté en tentant de la réduire à quelques traits spécifiques est de la sorte non seulement vain, artificiel, mais coupable, trahissant à tout le moins la volonté de confiner territorialement les cultures pour mieux exclure celles dont l’influence pourrait être jugée néfaste. Territorialiser les cultures ne trahit en fait rien d’autre qu’une volonté d’exclusion. Assigner, ainsi que la manie muséale de l’étiquetage le révèle, ouvrant moins à la reconnaissance de traits de caractères culturels spécifiques, qu’à la tentation de s’accrocher becs et ongles à l’affirmation forcenée, commodes et suspectes, des identités.—joël jégouzo--.

 

Homi K. Bhabha. The Location of Culture. London/New York: Routledge, 1994.

Homi K. Bhabha. "The Third Space" in Jonathan Rutherford (ed). Identity. Londres: Hayward Gallery, 1990.

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 13:08

noir.jpgP-, sur la montagne, sa vie, ses gestes las.

Quelques mots nous sont venus ensuite.

 Nous parlions par exemple de cette frayeur animale devant le poids que la réalité sait prendre, parfois.

 

 

 P-, je l’avais trouvé vieilli, terriblement.

Comme nous marchions un jour

silencieusement

l’un à côté de l’autre : son souffle.

Ô son souffle.

 

 

 P- souffrant dans le noir qui s’abat.

Je le vois pleurer et doucement il s’affaisse.

Mais il n’en parle pas, se rappelle des histoires anciennes.

 

 P-. Je peux m’en approcher, m’en éloigner.

Et lui-même se laisser aller à ces écarts terribles.

Il y a quelque chose d’irrémédiablement compromis entre nos gestes.

Il y a quelque chose qui rend de l’un à l’autre tout passage impossible.

 

P- endormi.

Son corps frissonnant.

 J’aurais aimé le charger sur mes épaules, obliger la lumière à se ruer sous ses paupières, oublier cette défaite des yeux, des mains, l’erreur de confondre la nuit et l’éternelle nuit tandis que je le voyais marcher vers des heures infiniment plus brèves.

 

P- détourne le regard quand la nuit descend.

«Je ne rêve plus, me confie-t-il. Toutes les matières se heurtent à présent trop durement dans ma tête.»

 

Où donc fuit la lumière ?

 

 Puis un jour il s’en va, seul, tendre la main à Chaaron, entonner tout bas un chant que je ne connais pas.

 

 Devant la tombe le goupillon passait de main en main.

Le goupillon humide, rongé de tant de moiteur au creux des mains.

P- s’enfonçait de tout son long sous la terre.

 

Je me rappelle la gravité du maître de cérémonie, vêtu de gris, les yeux gris accrochés à sa montre, alignant les familles, mon père mort, invisible sous la terre.

 

Passer tout près, le croire, et puis un peu plus loin refermer la mémoire : on passe toujours si loin parmi ses gestes d’homme.

 

Non : commander aux choses, ne pas les laisser nous enfermer dans leur petit rire moqueur.

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 09:53

noirbis.jpgAlors qu’aujourd’hui je ne peux fuir l’exigence que ton souvenir m’impose, muré de nos continuelles débâcles, si les dieux n’ont d’autre fonction que de rendre visible la différence entre le chien et l’homme, quel sacrifice rendra justice à mon humanité de ne s’être point encore entredévorée ? Où donc m’as-tu donné rendez-vous, Marilou ? Ta chimère à la nage traverse mon regard. N’est-ce que cela désormais, m’entretenir avec toi ? Rien d’autre que ce récit où nous rejoindre, l’un et l’autre soudés par la magie du verbe en ce destin unique où le texte s’écrit. Rien, ton vide comme une place manquante, dans ce moment où ton image pourrait surgir. Mais non, rien, vraiment ! Ton être disposé ailleurs et moi qui œuvre à sa résurrection. Jamais plus rien : le Colosse, cette pierre funèbre de la Grèce antique, double rituel de ton corps disparu, marquant désormais sa masse manquante. –joël jégouzo--.

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 11:28

hardy-two.jpg«Il est une étendue où commence la dignité ; plus loin, un étendue où commence la grandeur ; plus loin, une étendue où commence la solennité ; plus loin, une étendue où commence la crainte ; plus loin, une étendue où commence l’épouvante.

Celle-là approche faiblement l’étendue de l’univers stellaire. Aussi, n’ai-je pas raison de dire que ces esprits qui exercent leur imagination pour s’ensevelir dans les profondeurs de cet univers bandent leurs facultés uniquement pour acquérir une horreur nouvelle ?»

 

Two on a Tower - A la lumière des étoiles, Thomas Hardy, Nouvelles éditions Oswald, 1981, épuisée,

Ou : Flammarion, GF, 1986, EAN : 9782080704474.

 

 

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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 13:05

alouetteDe quel monde sont les enfants, ce peuple sans autobiographie possible et dont il ne reste, dans les récits que les adultes en font, que de biens précaires étendues de temps ? Souvenirs trafiqués, grimaces dérobées à nos prétendues enfances, si devenir adulte est la pire façon de mourir, elle en est aussi la plus incontournable.

La plus avertie et néanmoins la plus soustraite. Le franc sourire des personnages qui peuplent l’autobiographie fictive d’Hubert Haddad ne laisse pas que d’en décrire le mouvement. Et quand ils ne meurent pas, ils s’évadent en quelque fugace évanescence dont nous ne saurons rien. Quel étrange récit nous délivre-t-il ainsi, traversé d’images somptueuses, comme ces bouches d’enfants froissées comme des coquelicots quand les fièvres les mangent. Né orphelin, sans origine donc, comme pour mieux couper tout lien qui pourrait le retenir encore au monde des adultes, l’auteur de cette autobiographie suspendue dans le temps éphémère de sa rédaction, n’a pas attendu la fin du livre pour disparaître et nous fausser compagnie, abandonnant ainsi au seil d’une dernière page égarée, une autobiographie sans fin ni origines… Versé dans l’autre monde, s’effaçant lui-même, il ne pouvait consentir à vendre son âme pour nous offrir l’image d’une vie pleine, commencée ici, achevée là. Avec le temps, tout part  en lambeaux et c’est sans doute mieux ainsi, lui-même devançant sa guenille, désertant nos trop scrupuleuses vies à l’âge où l’innocence n’est plus permise.joël jégouzo--.

 

Le chevalier Alouette, Hubert Haddad, éd. Fayard, coll. Alter ego, janvier 2001, 150p., 13 euros, EAN : 9782213608204.

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 23:00

mAGRIS-JPG.jpgDe Venise à Trieste, Trieste surtout, si pleine des rumeurs estompées de l’ancienne Europe Centrale dont on se plaît à regretter le poids, Claudio Magris arpenta ces espaces frontaliers où l’identité vacille, devient incertaine, éparse, entre l’idiotie du réel et le patient bavardage des joueurs de cartes au jour qui traîne.

Son écriture, lente, ciselée, chemine elle-même sur des chemins de crête, entre l’essai et le récit, l’autobiographie et la poésie, allant du pas désenchanté mais sûr du marcheur qui sait faire en sorte que chacun de ses pas soit déjà tout le chemin à parcourir. Peut-être est-ce parce qu’un écho ne cesse de l’entraîner vers l’obscurité «où meurent les métaphores» : ces pages, magnifiques, qui sont autant de Piétas que l’auteur a sculptées avant de s’en aller, venant juste de s’y recueillir lui-même, comme au chevet de la femme qu’il aima, disparue depuis peu.joël jégouzo--.

 

Microcosmes, de Claudio Magris, Gallimard, coll. Arpenteur, nov. 1998, 272 pages, 22 euros, EAN : 978-2070750337.

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 14:48

societe-pure.jpg

Historien des sciences, c’est un déficit de pensée qu’André Pichot avait comblé avec la publication de son ouvrage : La société pure, de Darwin à Hitler.

Question embarrassante que celle de l’eugénisme… Et particulièrement intéressante à étudier au moment où partout dans le monde se fait jour une nouvelle poussée raciste passablement inquiétante. Car jusque là, médias et historiens pensaient l’avoir verrouillée à l’intérieur de l’idéologie nazie et s’en être débarrassée avec la sortie du nazisme de nos horizons politiques. Or, ce qui transparaît de cette étude serrée, c’est que si l’eugénisme a été très largement laissé dans l’ombre au sortir de la guerre, c’est parce qu’il offrait une image gênante des sociétés de la première moitié du 20è siècle dans les relations pour le moins troubles qu’elles avaient entretenues avec les idéologies racialistes, dont le nazisme. En effet : les premières lois eugénistes par exemple, datent en réalité de 1907. Et elles étaient… américaines. En Suède, elles restèrent en vigueur jusque dans les années 1970… Le Directeur de l'UNESCO, Julian Husley, humaniste social-démocrate, attestait encore, en 1946, de leur bien-fondé. Quant à la Fondation Rockefeller, elle joua un rôle crucial dans son implantation en Europe, en particulier par le financement de laboratoires d’études sur l’eugénisme en Allemagne, dès les années 1920. L’eugénisme était ainsi le lieu commun de la culture scientifique de l’époque, bien avant sa reformulation barbare par Hitler, pressé d’accélérer la purification de la race qui était en marche sous le couvert des études génétiques, en doublant l’eugénisme positif (la génétique) par un eugénisme qualifié de "négatif" car procédant à l’élimination immédiate des agents décrétés "pathogènes" pour la société, sans toucher à ce qui fondait génétiquement leur pathologie : les races inférieures pour Hitler, les malades mentaux et tous les prétendus déviances sexuelles à ses yeux, l’homosexualité en tout premier lieu, dont certains médecins cherchaient déjà les causes dans une aberration génétique quelconque. "Déjà", parce qu’au plus haut sommet de l’Etat français, il y a peu, d’aucuns prétendaient toujours voir dans l’homosexualité une maladie…

Si par ailleurs on a voulu faire de Gobineau le père de cette idéologie, c’est en réalité du côté de Darwin qu’on en trouve les fondements. On lui doit entre autres l’interprétation des problèmes sociaux en termes biologiques. Mais bien sûr, son prestige est aujourd’hui intact. Ce ne sont ainsi pas les horreurs nazies qui ont fait disparaître l’eugénisme, mais les progrès de la médecine, qui nous a offert de surcroît un changement de lexique, l’eugénisme "positif" du siècle passé ayant trouvé à s’inscrire dans le cadre de la recherche génétique sous d’autres qualifications. Mais cette dernière, très à la mode désormais, ne campe-t-elle pas sur les mêmes questionnements ? Comme d’empêcher par exemple la naissance d’individus malades. Ouvrant du coup la nécessité de reposer à nouveaux frais la question de savoir de quoi l’on parle exactement en génétique, tout comme celle de mieux évaluer comment ce réinvestissement a pu, ou non, préparer le terrain culturel à un racisme considéré aujourd’hui comme "acceptable", et qui semble bien ne pas troubler grand monde. Reste ainsi à étudier la recomposition de ce racisme contemporain dans la lignée des études génétiques post-eugénistes, pour en comprendre les articulations, rien moins que redoutables…--joël jégouzo--

 

La société pure, de Darwin à Hitler, André Pichot, Flammarion, coll. Sciences, octobre 2001, EAN : 978-2080800312.

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 23:00

couvRace.jpg53% des blancs américains pensent que les Afro-américains sont moins intelligents que les blancs (enquête de l’université de Chicago).

62% pensent qu’ils sont plus enclin à préférer vivre des aides sociales.

Les travaux de la Commission du XXIème siècle sur la situation des afro-américains révèlent que ce sont ces derniers qui, aux States, ont l’espérance de vie la plus faible.

A qualification égale, leur taux de chômage est deux fois supérieur à celui des blancs. Lorsqu’ils sortent des universités, à diplôme égal, leur taux de chômage est trois fois supérieur à celui des blancs.

1 noir sur 4, âgé de 20 à 29 ans est derrière les barreaux.

A même crime, les condamnations sont plus lourdes pour les noirs que les blancs.

Depuis 1960, le taux de suicide chez les jeunes noirs a été multiplié par 2.

Les Noirs américains meurent prématurément des 12 maladies les plus répandues et pour lesquelles il existe un traitement efficace aux Etats-Unis.

Studs Terkel est mort. Son ancienne station de radio, à Chicago, fut, le jour de sa mort, saturée d’appels de reconnaissance et de témoignages d’affection.

Studs avait commencé à travailler dans les années 30, comme acteur. Mais Mc Carthy l’avait fait sortir du circuit. Entré à la radio, ses brillantes chroniques en firent l’un des animateurs radio les plus célèbres des Etats-Unis.

 

Le livre publié par les éditions Amsterdam est en fait un recueil d’entretiens et de notes de Studs, consignant jour après jour les témoignages sur le racisme ordinaire des américains. Avec patience, Studs collecta des centaines, des milliers de témoignages et pas moins d’entretiens, de rencontres, de réflexions sur la question, observant inlassablement monter la gangrène du racisme aux Etats-Unis, jusqu’à découvrir, au tournant de notre siècle, que toute l’Amérique était devenue raciste.

 L’ensemble est spectaculaire. Une bombe. Un brûlot révélant que si dans les années 60 une espérance avait pu légitimement se lever au sein de la population noire américaine, si l'on avait pu croire un temps que le racisme pouvait être vaincu, force était de reconnaître que depuis, les choses avaient bien changé. Et c’est ainsi toute l’évolution de la question raciale que cet ouvrage donne à saisir, des années 50 à nos jours.

Un document exceptionnel, encore une fois, et non pas une étude scientifique froide, indifférente au sort des gens, hautaine. Ici, la chair, non une chaire édifié pour la glorification de soi. La chair à vif dans les parcours que Studs reconstruits, en particulier de ces familles qu’il a suivi sur près de 40 ans ! Des familles qui ont fini par basculer dans une totale misère.

Misère qu’il consigne sans fard et dont il scrute avec intelligence les fondements et les étapes. Celle, tout d’abord, de la disparition de l’emploi dans les quartiers noirs, clés de toutes les difficultés qu’ils devaient ensuite affronter. Celle ensuite du bouclage des noirs dans le périmètre de l’aide sociale, renforçant leur exclusion, élargie du coup brutalement aux familles dans leur entier. Celle encore de l’embourgeoisement de l’école, non de l’instruction : la confiscation des moyens scolaires par les classes aisées, à la faveur des rénovations urbaines. Celle, enfin, dernière étape en cours, de l’exclusion linguistique : dans certains quartiers on ne parle plus l’américain standard, mais une langue du ghetto, à l’usage de son seul espace !

Et Studs d’observer encore comment ces étapes purent si facilement se déployer : par la trahison politique des couches moyennes riches, désertant l’Histoire et courant se réfugier dans une identité résidentielle conquise à la faveur de la rénovation urbaine et du boom de l’immobilier.

Et c’est enfin une réflexion d’une exceptionnelle pertinence qu’il nous livre, à décortiquer les problèmes sémantiques posés aux Etats-Unis au sujet de la dénomination des noirs américains, très improprement qualifié en dernier recours d’afro-américains, rappelant avec justesse que derrière nos catégories lexicales se dressent de vrais seuils idéologiques.joël jégouzo--.

 

Race. Histoire orales d’une obsession américaine, Studs Terkel, traduit de l’américain par Myriam Dennehy, Christophe Jacquet et Maxime Cervulle, éd. Amsterdam, octobre 2010, 560 pages, 23 euros, EAN : 978-2354800802.

Touch and Go : A Memoir, Studs Terkel, The New Press, illustrated edition, janvier 2008, 288 pages, 19 euros, EAN : 978-1595580436.

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 23:00

couvRace.jpg53% des blancs américains pensent que les Afro-américains sont moins intelligents que les blancs (enquête de l’université de Chicago).

62% pensent qu’ils sont plus enclin à préférer vivre des aides sociales.

Les travaux de la Commission du XXIème siècle sur la situation des afro-américains révèlent que ce sont ces derniers qui, aux States, ont l’espérance de vie la plus faible.

A qualification égale, leur taux de chômage est deux fois supérieur à celui des blancs. Lorsqu’ils sortent des universités, à diplôme égal, leur taux de chômage est trois fois supérieur à celui des blancs.

1 noir sur 4, âgé de 20 à 29 ans est derrière les barreaux.

A même crime, les condamnations sont plus lourdes pour les noirs que les blancs.

Depuis 1960, le taux de suicide chez les jeunes noirs a été multiplié par 2.

Les Noirs américains meurent prématurément des 12 maladies les plus répandues et pour lesquelles il existe un traitement efficace aux Etats-Unis.

Studs Terkel est mort. Son ancienne station de radio, à Chicago, fut, le jour de sa mort, saturée d’appels de reconnaissance et de témoignages d’affection.

Studs avait commencé à travailler dans les années 30, comme acteur. Mais Mc Carthy l’avait fait sortir du circuit. Entré à la radio, ses brillantes chroniques en firent l’un des animateurs radio les plus célèbres des Etats-Unis.

 

Le livre publié par les éditions Amsterdam est en fait un recueil d’entretiens et de notes de Studs, consignant jour après jour les témoignages sur le racisme ordinaire des américains. Avec patience, Studs collecta des centaines, des milliers de témoignages et pas moins d’entretiens, de rencontres, de réflexions sur la question, observant inlassablement monter la gangrène du racisme aux Etats-Unis, jusqu’à découvrir, au tournant de notre siècle, que toute l’Amérique était devenue raciste.

 L’ensemble est spectaculaire. Une bombe. Un brûlot révélant que si dans les années 60 une espérance avait pu légitimement se lever au sein de la population noire américaine, si l'on avait pu croire un temps que le racisme pouvait être vaincu, force était de reconnaître que depuis, les choses avaient bien changé. Et c’est ainsi toute l’évolution de la question raciale que cet ouvrage donne à saisir, des années 50 à nos jours.

Un document exceptionnel, encore une fois, et non pas une étude scientifique froide, indifférente au sort des gens, hautaine. Ici, la chair, non une chaire édifié pour la glorification de soi. La chair à vif dans les parcours que Studs reconstruits, en particulier de ces familles qu’il a suivi sur près de 40 ans ! Des familles qui ont fini par basculer dans une totale misère.

Misère qu’il consigne sans fard et dont il scrute avec intelligence les fondements et les étapes. Celle, tout d’abord, de la disparition de l’emploi dans les quartiers noirs, clés de toutes les difficultés qu’ils devaient ensuite affronter. Celle ensuite du bouclage des noirs dans le périmètre de l’aide sociale, renforçant leur exclusion, élargie du coup brutalement aux familles dans leur entier. Celle encore de l’embourgeoisement de l’école, non de l’instruction : la confiscation des moyens scolaires par les classes aisées, à la faveur des rénovations urbaines. Celle, enfin, dernière étape en cours, de l’exclusion linguistique : dans certains quartiers on ne parle plus l’américain standard, mais une langue du ghetto, à l’usage de son seul espace !

Et Studs d’observer encore comment ces étapes purent si facilement se déployer : par la trahison politique des couches moyennes riches, désertant l’Histoire et courant se réfugier dans une identité résidentielle conquise à la faveur de la rénovation urbaine et du boom de l’immobilier.

Et c’est enfin une réflexion d’une exceptionnelle pertinence qu’il nous livre, à décortiquer les problèmes sémantiques posés aux Etats-Unis au sujet de la dénomination des noirs américains, très improprement qualifié en dernier recours d’afro-américains, rappelant avec justesse que derrière nos catégories lexicales se dressent de vrais seuils idéologiques.joël jégouzo--.

 

Race. Histoire orales d’une obsession américaine, Studs Terkel, traduit de l’américain par Myriam Dennehy, Christophe Jacquet et Maxime Cervulle, éd. Amsterdam, octobre 2010, 560 pages, 23 euros, EAN : 978-2354800802.

Touch and Go : A Memoir, Studs Terkel, The New Press, illustrated edition, janvier 2008, 288 pages, 19 euros, EAN : 978-1595580436.

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 20:46

grenelle.jpgTrois ans après le discours lyrique de Nicolas Sarkozy (25 octobre 2007), le Réseau Action Climat a fait le point sur le dossier "climat-énergie". Ses conclusions sont on ne peut plus claires : "Le moins que l’on puisse dire c’est que le New deal écologique promis par le Président de la République n’a pas eu lieu", observe laconiquement Olivier Louchard, Directeur du RAC-France (22 octobre 2010). Aucune mesure structurante n’a été prise. Mieux : la taxe carbone a été enterrée sans gloire, nouvel exemple de l’hypocrisie d’un gouvernement plus soucieux de son carnaval grandguignolesque que du service de l’Etat. La situation paraît même plus compromise qu’elle ne l’était avant la prise en main de ce dossier par la jactance présidentielle, comme c’est le cas des transports, où la consternation est désormais la règle. Aucun financement n’est en place, le vélo semble n’avoir pas encore été inventé aux yeux du gouvernement et les investissements routiers repartent de plus belle, au mépris du bon sens le plus élémentaire.

 Sur le chapitre de l’énergie, ce n’est pas mieux semble-t-il. Des objectifs avaient bien été fixés - 23 % d’énergies renouvelables en 2020, - 38% de consommation d’énergie pour le bâtiment existant-, mais aucun dispositif de contrôle n’a été prévu. Bref, les bras devraient nous en tomber cette fois encore, si nous n’étions déjà habitués aux foirades élyséennes. Rageons simplement que, comme à l’accoutumée, les intelligences qui se sont levées ici et là n’aient pu trouver une écoute responsable du côté de Pouvoirs Publics très peu au fait du Bien Commun. --joël jégouzo-

Téléchargez le Bilan détaillé par le Réseau Action Climat :  http://www.rac-f.org/IMG/pdf/3_ans_-_Note_detaillee.pdf

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