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La Dimension du sens que nous sommes

Et je mangeais ma peur, Marc Verhaverbeke – 2/3 : « Dans »

1 Juillet 2025 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #poésie

J'ai voulu lire le texte un peu autrement qu'on ne le ferait, en partant de « réalités verbales » statistiques... C'est la raison de ce « nuage » des mots clefs, les occurrences les plus frappantes de son texte. Comme on peut le voir, c'est le mot « Dans » qui revient le plus souvent. Et c'est écrasant quand on lui accole toutes les prépositions de « localisation ».


 

 

 

DANS...

Apparemment banal, il semble ici d’une importance capitale. Qu’il soit le plus utilisé dans Et je mangeais ma peur n’est pas anodin : il constitue à mon sens une clef philosophique de l’œuvre.

 

«  Dans » : je l'ai lu d'abord comme une préposition de l’immanence. Il n’indique pas simplement une localisation : il signe une plongée, un engagement, une traversée. « Dans », ce n'est pas être à côté, au bord ou face à, mais être en quelque chose, immergé, pris, exposé. Dans le texte, on trouve les expressions : « dans la forêt vieille », « dans le sable », « dans la chambre », « dans le miroir », « dans la mer », « dans le texte », « dans le silence »…Chaque fois, ces expression signent une expérience vécue de l’intérieur, jamais distante, jamais théorique. Le sujet n’observe pas : il est affecté.
« Dans » est aussi le lieu d’un corps-monde. Être « dans », c’est être exposé au monde par le corps, non comme un sujet face à un objet, mais comme existence située, incorporée, incarnée, dans le sable, dans le lit de la mère, dans la nudité, dans la langue. Philosophiquement, cela rejoint Merleau-Ponty : le monde n’est pas devant moi, je suis dans le monde, et mon corps en est le nœud.
Mais « Dans » est aussi la syntaxe d’un exil intérieur. Le poème dit souvent l’enfermement, dans la maison, dans la chambre, dans l’atelier, dans le puits, dans le texte… Ce « dans » devient prison, crypte, coquille. On est « dans la peur », « dans la mémoire », « dans la sciure du vivant » : une intériorité habitée par le deuil, la honte, l’héritage. Il y a ici comme une ontologie du dedans : tout est enfermé, lové, perdu en soi-même, et l’écriture cherche à y forer les couches. Pour en sortir ?
Car « Dans » est enfin mouvement vers l’autre. Il n’est pas seulement repli : il pointe aussi un chemin vers l’autre : « dans ta chevelure », « dans la tempête », « dans la parole », « dans la mer »… Dictant comme une philosophie de la relation : écrire, c’est aller dans l’autre, dans le monde, dans la douleur pour y trouver — parfois — un chant, une musique, une lumière.

 

Ce « Dans », finalement, construit un équilibre toujours fragile entre le dehors et le dedans, entre soi et le monde, entre silence et langage. Il désigne une épreuve de l’immanence, mais aussi une volonté d’habiter pleinement l’expérience : celle du corps, de la mémoire, du deuil, de la parole. Et l'extraordinaire, c'est qu'on a ici un mot philosophique discret, presque chétif, mais central. Qui ne désigne plus une position, mais une condition d’existence, que ce texte explore avec une intensité rare.

 

 

 

 

 

 

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Et je mangeais ma peur, Marc Verhaverbeke éditions de notoriété publique, juin 2025, 12 euros, ean : 9782919275083.

contact éditeur : denotorietepublique@aol.com

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