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La Dimension du sens que nous sommes

Du Bétail, Frédéric Arnoux

9 Janvier 2025 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Bronzo, étourdi, se demande si son heure est venue. Là où il gît, peu de chance de s'en sortir. Et sortir est bien le mot. Mais qu'il crève ou non, personne ne versera de larmes sur sa mort : Bronzo, c'est un tueur à gages. A la solde du gouvernement français. En toile de fond, Khadafi, Sarko, des barbouzes bien françaises rodées au sale business de la start up nation. Khadafi... Sarko... Et Joss, le politique qui a permis la liquidation de Khadafi. Aux manettes donc. Tout est sous contrôle, pense-t-il. Et bien justement pas. A cause de ses « projets ». N'oublions pas que nous sommes une nation de « projets », parce que c'est leur « projet » que nous le soyons... Là, Joss a construit l'idée d'une immense fête nationale pour la Saint-Valentin. Ce sera grandiose, aussi époustouflant que les Jeux Olympiques. Et l'occasion de lancer sur le marché de la drogue sa propre came : de la coke rose. Fun, quand il ne reste plus que ce fun pour occuper la classe politico-médiatique, celle du grand remplacement de l'idée d'humanité par celle de bétail humain. Hélas pour Joss, la concurrence ne l'entend pas ainsi et recrute trois anciens des FARC convertis en tueurs à gages au service de la dope pour contrecarrer son plan de comm'. Et tout ce monde véreux, inquiétant, assassin, va se croiser, se mélanger, se coudoyer fraternellement dans une sorte de grande parade destructrice. Là, dans une France pitoyable, aux abois. Tandis que « le bétail » n'a qu'une idée en tête : s'en sortir indemne. Survivre. Recoudre ce qu'il reste de tissu social pour y loger son peu d'espoir.

 

Le temps du récit est décousu lui aussi. Tout comme sa géographie, ouverte aux quatre vents, de Belle Épine (Créteil) à la Guinée-Bissau. Tout comme son imaginaire, du Stabat Mater à la filmographie de Ken Loach, entre polar et mise en abîme du roman. Car là, comme dans son précédent opus, Frédéric Arnoux interroge aussi la fonction du récit. Dans celui-ci, c'est autour de la violence et de son exhibition narrative qu'il le fait, dans une mise en abîme de la fiction cinématographique dans la fiction romanesque (voir pages 95/96 du roman). Entre snuff et sniffe, la mise en scène de la violence extrême interroge : son spectacle est-il ce qu'il reste de voir, en occident ?

 

Une chimère snuff traverse le roman, quand curieusement des études ont montré qu'il n'existait aucune preuve tangible de l'existence d'un marché réelle du snuff movie : le phénomène reste marginal, mais surmédiatisé. Comme une sorte d'imaginaire accompagnant notre rapport à la réalité. Sexe, drogue, violence extrême, confusion entre réalité et fiction... Sans doute parce que la barbarie a pointé de nouveau partout dans le monde son nouveau visage, héritière d'époques que l'on croyait révolues ? Frédéric Arnoux a tenté d'en écrire moins le roman que la rumeur. De Kadhafi au bétail, des ponts se mettent en place, qu'il nous reste à franchir. Ce sont ces pelures lexicales qu'il parcourt. Éparses. Pour le moment. Condensées dans son roman sous les espèces d'un ailleurs social qui nous est de plus en plus proche. Comme s'il agitait des signaux désespérés, ne sachant trop quoi en faire, sinon un roman. Des signes qui contaminent pourtant notre culture, nos habitus. Et nous rejoignent, là où la figure du trafiquant se lie à celle de l'homme politique, pour bâtir un nouvel acteur social incontournable. Car nous ne sommes plus dans sa construction mythique, mais dans son émergence sociétale : l'homme de pouvoir corrompu. Impuni. Mieux : impunissable. Mieux : infiniment nocif et dont notre société risque de ne pas se relever.

 

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Frédéric Arnoux, Du Bétail, éditions Jou, octobre 2022, 172 pages, 14 euros, ean : 9782492628023.

 

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