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La Dimension du sens que nous sommes

Ainsi l'Animal et nous, Kaoutar Harchi

11 Décembre 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #essai, #essais, #Politique

Un chien mord un enfant. Un chien lâché plutôt sur un enfant, dressé pour agresser. Un chien policier, tenu l'instant d'avant en laisse par un adulte, jeté crocs en avant pour déchirer les chairs d'un enfant que cet adulte, un policier, ne regardait plus que comme une espèce d'animal qu'il fallait mutiler. « Vous êtes des chiens »... Qui ? Là, l'enfant avili s'appelait Mustapha. C'est ce nom qui lui valut d'être traité comme un «animal»... L'essai de Kaoutar Harchi commence comme ça, sur un souvenir d'enfance, intime, inscrit dans sa mémoire et qui n'en est jamais sorti. Inscrit dans sa chair. La morsure de Mustapha par un chien policier. Pour rien. Le simple plaisir de voir un enfant se tordre sous la terreur.

Qu'avons-nous fait des chiens ? Qu'avons-nous fait des animaux, pour qu'ils deviennent pareillement enragés ? Pour Kaoutar Harchi, l'histoire de nos rapports avec les animaux, c'est d'abord l'histoire d'un rapt : nous les avons capturés, enlevés, enfermés, exilés, coupés de leurs milieux avant de les exhiber pour qu'ils deviennent, y compris peut-être les chats domestiques de nos maisons, de simples animations. Une histoire au fond coloniale, cette domestication, une histoire de domination pour étaler aux yeux du monde notre maîtrise du monde. Une histoire de frontières. Physiques, culturelles, morales, politiques : entre eux et nous, entre culture et nature, qui verrait la balance pencher du côté de la culture évidemment. Jusqu'à ce qu'elle se détraque cette balance et que périsse la nature que nous avons précipitée dans une disgrâce fantasmée et que, par un fabuleux retour de balancier, périssant, elle nous apprenne qu'elle était notre tout.

Kaoutar Harchi déroule alors les critères qui ont légitimé cette séparation. Et ce qu'il en est advenu : l'animalisation des animaux, qu'elle étudie à travers les siècles pour en conclure qu'au fond, l'animalisation est la question qui structure le monde occidental, sa philosophie la plus intime : animaliser l'autre, quel qu'il soit, pour mieux le détruire.

Et toujours ce chien en mémoire, dressé par l'homme pour séparer les hommes des «sous-hommes»... Du christianisme au fascisme, il y a là une constante ahurissante. L'humanisme chrétien ? Il fut d'abord un esclavagisme. Il fut d'abord un antihumanisme. Et donc un antiféminisme, renvoyant sans cesse la femme à une biologie hallucinée la privant de son statut d'individu.

Au passage, Kaoutar Harchi nous livre des pages puissantes sur la prise de conscience de femmes telle Louise Michel, défendant très tôt la cause animale dans laquelle elle voyait sourdre les mêmes arguments que dans la légitimation de la domination des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres. Si bien que «les animaux ont ouvert le chemin du féminisme», observe-t-elle, soulignant la proximité de ces luttes.

Des luttes contre un Adversaire, pour reprendre la terminologie chrétienne, qui porte un nom : le capitalisme, un mode de structuration de la société derrière lequel s'est toujours dressé un projet au fond, de nature esclavagiste : l'abattoir est le berceau du capitalisme industriel. L'ordre capitaliste est un ordre fondamentalement zoosocial. N'oublions jamais les mots de Franz Fanon : «le langage du colon est toujours un langage zoologique».

 

 

Kaoutar Harchi, Ainsi l'Animal et nous, Actes Sud, septembre 2024, 22,50 euros, 320 pages, ean : 9782330193748.

 

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