SKYNET : Les marchés financiers contre la société


Jusque-là, les marchés étaient neutres et enregistraient en effet la bonne ou la mauvaise santé des entreprises. Mais aujourd’hui, ils sont devenus d’immenses jeux d’adresse, où les titres boursiers changent de propriétaires toutes les 25 secondes ( !) en moyenne, pour générer des profits complètement déconnectés de l’économie réelle. Il ne s’agit plus de distribuer du capital aux entreprises, mais de le faire tourner artificiellement pour empocher au passage, en empilant les centimes d’euros dans une rotation portant sur des volumes effarants (22 milliards de cotations par jour au New York Stock Exchange), des dividendes conséquents. On le voit : le but de ces marchés financiers n’est pas du tout de guider l’évolution des économies, mais de jouer sur les failles du marché, voire de les provoquer artificiellement pour empocher un maximum d’argent. Comment cela ? Un exemple entre autre de ces pratiques soigneusement analysées dans l’essai, déployées par des algorithmes qui se livrent une concurrence forcenée au sein de ces marchés pour faire baisser de quelques dixième de centimes une action, l’acheter et la revendre dans des temps ne dépassant pas quelques secondes, après avoir pesé sur son cours à la hausse, bien évidemment… Toutes ces pratiques tournent autour des mêmes principes, autant celle du layering (empilements d’ordres), du spoofing (émission d’ordres trompeurs), des flash orders que toutes celles qui relèvent du bourrage d’ordres, consistant à submerger le marché d’ordres aussitôt annulés, pour que les algorithmes concurrents se ruent dessus pour les analyser, leur faisant perdre quelques secondes précieuses pendant lesquelles l’acteur du bourrage en profite pour procéder en toute tranquillité (relative) à une vraie opération… Le gagnant de la course, au jour le jour, est celui qui possède l’algorithme le plus puissant et le plus rapide. Pour le reste, il ne s’agit que d’un vulgaire jeu de stratégie, où il faut savoir avancé masqué et feinter l’adversaire pour empocher de substantiels bénéfices… Voilà le type de jeu auquel se livrent désormais ceux que l’on appelle les traders «haute fréquence»… Le but des marchés financiers, on le voit, n’est plus du tout de guider l’évolution de l’économie. La prise de pouvoir des machines sur les opérations financières, ce « soulèvement des machines », est du reste le nom même donné par la Réserve Fédérale américaine pour désigner ce mécanisme dont les plus grands initiateurs de ce jeu ont récemment conclu, en 2012, à Paris, qu’il était devenu infiniment dangereux… Bat Global Market s’en souviendra, dont le titre entré en bourse le 23 mars 2012 fut anéanti en quelques secondes par le travail d’algorithmes malveillants. Mais rien n’y fait. Les traders à haute fréquence s’exercent jour après jour à opérer tout près d’une nouvelle débâcle financière mondiale. Avec en outre un cynisme éhonté : Guérilla fut ainsi le nom donné à un algorithme particulièrement agressif, créé le 3 septembre 2012 par la Banque de Crédit Suisse First Boston, une banque d’investissement. Une guérilla que se livrent les mathématiciens encouragés par les grandes banques mondiales à générer de nouveaux algorithmes destinés à espionner ou annihiler leurs concurrents, jusqu’à l’effondrement inéluctable du marché (« ça va arriver, c’est imparable ») prédit, par les mêmes. Où sont les ennemis de cette Finance-là ? On les cherche encore…
6, Le soulèvement des machines, anonyme, traduit de l’anglais par Ervin Karp, Zones Sensibles Editions, 16 février 2013, 111 pages, 12,06 euros, ISBN-13: 978-2930601069.
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