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La Dimension du sens que nous sommes

HOMMAGE A TADEUSZ KANTOR : QUE LE THEATRE NE DEVIENNE PAS LE LIEU DE SON PROPRE MUSEE.

8 Décembre 2009 Publié dans #en lisant - en relisant

Tadeusz Kantor est mort le 8 décembre 1990.
Metteur en scène (polonais), plasticien, peintre, scénographe, écrivain, Kantor inaugurait d’une génération d’artistes peu communs, engagés sur tous les fronts de l’expression artistique.
Une génération profondément "politique", refusant de dévoyer l’art en mots d’ordre nécessiteux, sans pour autant le compromettre dans des postures esthétisantes.


L’ami de toujours, Jan Kott, rendu célèbre par son Shakespeare, notre contemporain
, lui rend dans ce petit essai l’hommage qu’il mérite. Volontiers intime, l’écriture de Kott ne cesse de tourner autour de ces visions dont Kantor l’a nourrie. Jusqu’à reproduire dans sa structure même la scansion d’un Kaddish, psalmodie rituelle juive à l’adresse des morts.

Car justement, l’image la plus juste de ce théâtre, Kott la voit dans la Danse des Morts de la Renaissance : parce que la mort y efface elle-même ses traces. Ce à quoi, de répétitions en représentations, s’employait Kantor. Toujours présent sur la scène, pressant d’un claquement sec de ses doigts ses comédiens, il se faisait lui-même le Passeur de son propre spectacle. Qu’on en finisse !, semblait-il proférer, que le spectacle soit et disparaisse.
Un jour, Kott comprit à son tour le sens profond de ce geste, et il quitta la salle.
Tourbillon des corps, personnages encombrés de paquets, ballet grotesque où les objets des anciennes pièces ressurgissent et où, songeur, se dresse Kantor au beau milieu de son théâtre de revenants, comme si ce théâtre devait l’engloutir lui aussi. L’œuvre de Kantor s’énonçait comme une mémoire qui aurait ressemblé à un ahurissant cimetière. Un œuvre du XXe siècle, faite pour recouvrir la visibilité du souvenir. Comment le jouer dès lors qu’il n’est plus ? Que sa chaise reste vide, propose Kott : "Le théâtre ne doit pas devenir le lieu de son propre musée." Tout comme il ne peut renoncer à mettre en scène "le drame de l’homme débarrassé du hasard et de ses illusions", que ce théâtre de Kantor mettait si parfaitement en jeu.
joël jégouzo--.


Kaddish. Pages sur Tadeusz Kantor, Jan Kott, (Kadysz. Strony o Tadeuszu Kantorze), trad. Laurence Dyère, préface Gaëla Le Grand, éd. Le Passeur, 1er trimestre 2000, 94p., 2907913700, épuisé.

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