Afghanistan –récits d’une guerre d’allégeance…
21 Septembre 2011
, Rédigé par texte critique
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#en lisant - en relisant
C’est pour la forme littéraire de la bande dessinée que les éditions FLBLB ont convoqué six auteurs, qui ont tous l’âge des soldats français, à peindre cette guerre résolument égarée. Humour, cynisme, émotion. La guerre en Afghanistan a beau avoir été travestie en opération de police pour ne pas nous effrayer, soixante-neuf soldats français ont payé de leur vie ce servile engagement de leur Etat. Curieux du reste, cette constante de la diplomatie française à déguiser les guerres en opérations de police, depuis la Guerre d’Algérie… Une guerre affreuse, on l’oublierait presque, comme toute guerre quand elle a pour théâtre le monde des civils. Une guerre dont les auteurs nous restituent l’invraisemblance, la dureté, l’insoutenable malgré la distance du récit, comme dans ce passage, poignant, ponctué en cases mornes, où l’on voit tout d’abord deux soldats tirer un missile sur un village. Beau tir. L’objectif, pensent-ils, a été plutôt bien renseigné par l’état-major. Il devrait donc être vide de toute population civile. Mais voilà qu’il en sort de partout brusquement. Ainsi qu’une voiture blanche, signalée aussitôt comme potentiellement ennemie. L’alerte est donnée. La voiture est interceptée. Stoppée, longuement, minutieusement fouillée. Son chauffeur est sommé de s’agenouiller. On le voit stressé, malheureux comme une pierre. Pressé d’en finir, mais nul ne veut prendre le risque de le laisser partir trop tôt. La fouille est consciencieuse mais ne donne rien. Les soldats le laisse partir. Y avait quoi dedans ? -au téléphone la patrouille répond : rien. Des gosses. Brûlés. Il les conduit à l’hôpital. Z’étaient vivants ? Sais pas. J’ai pas vérifié. No comment. L’armée française aura été engagée dans une sale guerre d’allégeance au précédent président américain. Ses effectifs sont encore de 4 000 hommes. Fin 2011, elle devrait quitter le pays. Sans gloire : le succès de l’opération aura été finalement nul. Cette guerre est restée sans issue. Une défaite, donc. Diplomatique, militaire. Une défaite. Qui n’aura servi à rien. On s’en va sans être parvenus à rétablir un semblant de démocratie dans le pays. Ou d’unité. Ou de paix. Le site des Affaires Etrangères parle pourtant toujours d’un enjeu capital de la lutte pour la démocratie et la paix dans cette région. Sur le terrain, les populations n’ont vu que des troupes étrangères d’occupation, dont elles avaient peur. Les gens se sont cachés, les fouilles humiliantes ont achevé de les blesser. Pour le plaisir de l’Oncle Sam. --joël jégouzo--
Afghanistan – récits de guerre, éd. FLBLB, septembre 2011, 208 pages, 15 euros, ean : 978-2-39761-030-9.