Victime 2117, Jussi Adler Olsen, livre lu par Julien Châtelet
28 Février 2020 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant
Une réfugiée. Juste cela. Qui ne lui vaut d’être connue que sous cette appellation : «victime 2117». Ils sont des milliers à venir mourir en Méditerranée. Elle, elle est la deux-cent-dix-septième victime. «Victime». On l’a oublié. Non : en fait l’Europe s’en moque. Détourne les yeux quand sur nos plages viennent s’échouer leurs corps. A moins qu’il ne s’agisse d’un enfant. Et encore : au bout de quelques semaines, la conscience européenne s’en délave après s’en être repue. A Lampedusa, les biologistes marins ont vu surgir en masse des poissons carnivores, inconnus jusque-là dans la région. Tant de noyés qu’ils s’en gavent. Un festin. 2117 donc. Ce n’est pas un nom. Assad, du Département V de Copenhague, se refuse à subsumer le corps retrouvé sous ce nombre. C’est qu’il reconnaît dans cette tragédie celle qui aurait pu être la sienne. Bousculé, choqué, blessé, il ne peut s’en contenter. Ni se taire plus longtemps. Victime 2117 est sa réplique. Comme on le dit d’après un séisme. Pas vraiment une réponse : la contrainte de dévoiler son histoire. Cette enquête, c’est la sienne. Elle lui est entièrement dédiée. Le personnage y gagne en profondeur. En inquiétude. Intrigant le récit, lui-même sans cesse basculant d’une histoire l’autre, dispersé tout en dérives de l’enquête, explosée en mille récits minuscules, à l’image de ces vies minuscules repêchées en Méditerranée, réduites à l’anatomie d’un séjour post-mortem dans les eaux saumâtres de notre Histoire commune, fétide désormais. Notre contexte : terrorisme et sacrifice des migrants, sinon leur commerce, une «politique» dont nul n’a voulu encore empoigner la sobriété : tuer, être tué. Sinon Julien Châtelet, dans cette lecture qu’il nous offre, creusant avec talent les pleins et les déliés du récit, contenant, exhibant, scandant sa charge émotionnelle, éprouvant l’auditeur sur le rebord d’un monde qu’on ne voudrait pas reconnaître pour nôtre.
Huitième volume des Enquêtes du département V, celle-ci ne déroge pas aux recettes de sa réussite, doublée de celle des films qui en ont assuré l’audience. On lui a certes adressé bien des reproches : l’oubli du grand nord, l’émoussement de personnages trop affectés pour n’être pas à présent suspects d’affectation. On lui a même reproché de prolonger au-delà du raisonnable une atmosphère sombrant peu à peu dans son convenu. Ecoutez cet opus. Le livre lu par Julien Châtelet offre une couleur inédite au roman, l’arrache à cette torpeur que la sérialité pourrait construire. Le célèbre, le transcende, tout comme les films, portés par des interprétations particulièrement réussies, qui nous commandent l’impatience d’attendre la prochaine livraison.
Victime 2117, Jussi Adler Olsen, livre lu par Julien Châtelet, traduit par Caroline Berg, Audiolib, 12 février 2020, 25.90 euros, 2 CD MP3, durée totale d’écoute : 14h45, ean : 9791035402068.
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