L’ennemi intérieur : les Gilets Jaunes, ou la production d’un discours étatique haineux à l’encontre de millions de citoyens français.
L’état Macron est arrivé à un point de rupture. Des dizaines de français mutilés, des milliers blessés, d’autres milliers déférés devant une justice d’exception… Et le fichage des blessés par ses hôpitaux… Jamais aucun gouvernement occidental ne se sera montré aussi arbitrairement brutal envers sa population. Une brutalité renforcée par la violence inouïe de sa propagande : on se souvient du mensonge d’état concernant la prétendue attaque de la Pitié Salpêtrière, débusqué par les réseaux sociaux mais que la presse de propagande s’est empressée d’oublier alors que la quasi-totalité des médias avaient relayé l’intox sans jamais rien vérifier… Que racontait cette curée, sinon qu’elle désignait les Gilets Jaunes comme ennemi intérieur !
L’ennemi intérieur… rappelez-vous la thèse de Mathieu Rigouste, soutenue en 2008 à Paris 8, publiée depuis aux éditions de la Découverte. L’ennemi intérieur, l’invention d’une cinquième colonne bouturée sur le corps de la société française pour la détruire de l’intérieur… Mathieu Rigouste avait parfaitement démonté les mécanismes de la fabrique politico-militaire de cette figure, et montré combien elle structurait le champ médiatico-intellectuel français. Par la suite, Mathieu Rigouste avait poursuivi sa pensée en s’intéressant aux soubassements intellectuels de cette production de discours haineux, pour découvrir combien ils étaient ancrés dans la fabrique des idées politiques en France. Des discours liés en fait étroitement à ceux dédiés à la «production du contrôle» des citoyens, mais sans parvenir à en dresser une image claire. Les imaginaires de la menace qu’ils débusquaient avaient trop partie liée avec la question du seul encadrement des populations étrangères sur le territoire français. Parce qu’au fond, les populations vécues comme «étrangères» à la nation choisie du point de vue des dirigeants français, comprenaient aussi les ouvriers, les employés, les «petites gens» voire les classes moyennes dont les révoltes régulières agaçaient. Or ce à quoi on assiste aujourd’hui, c’est au surgissement en pleine lumière de ce discours haineux à l’égard du Peuple français, auquel s’applique désormais la catégorie d’ennemi intérieur. Le Peuple est l’ennemi. Il l’a toujours été dans la tradition politique française. Il l’a toujours été dans l’esprit de nos prétendues élites. Il l’a toujours été dans la tête de nos chers intellectuels. Rigouste avait en outre construit la sociologie des réseaux qui légitimaient la nécessité d’un contrôle «musclé» des populations étrangères : essentiellement cette «institution médiatico-sécuritaire» que l’on voit à l’œuvre aujourd’hui, avec ces médias peu scrupuleux et si prompts à manier l’art de la désinformation, sinon du mensonge. Ces médias qui condamnent, méprisent, stigmatisent… La matrice de la 5ème République, Rigouste la voyait dans cette Guerre d’Algérie si longtemps tue. Guerre coloniale, au cours de laquelle le mépris des classes populaires s’est affiché de la plus sordide façon. Et c’est bien au cours de cette guerre en effet, que s’est affirmé le répertoire des techniques militaires du contrôle sécuritaire. Plus près de nous, Rigouste a étudié comment l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale s’était chargé d’encourager cette pensée sécuritaire, toujours mâtinée d’une forte suspicion à l’égard des classes populaires, sous couvert de promouvoir un esprit de défense nationale. L’IHEDN a en particulier thématisé l’action psychologique, qui connut un essor sans précédent lors de la Guerre d’Algérie. La même que dans le combat mené par le Ministère de la Propagande Intérieure contre les Gilets Jaunes. Les mêmes méthodes de désinformation, d’intox et d’amalgames. Le plus intéressant, c’était de découvrir à travers l’étude de Rigouste qui se pressait aux conférences de l’IHEDN : hauts fonctionnaires militaires bien sûr, mais aussi dirigeants d’entreprise, patrons de presse et d’instituts de sondage, journalistes, industriels, universitaires, préfets, magistrats… Au fond tous ce corps social aux manettes de la répression des Gilets Jaunes !
Vivre les Gilets Jaunes comme une menace, en répondant à leurs revendications par un répertoire de techniques militaires inventées au cours de la Guerre d’Algérie, comme l’administration de la terreur autorisant la police a réactualiser les techniques de la bataille d’Alger pour nasser, tabasser indistinctement, rafler, gazer… Vivre cette contestation sociale légitime comme illégale en déployant quasiment le vocabulaire hérité de nos guerres coloniales pour l’écraser sous le poids de Lois d’exceptions généralisées, voilà qui ne laisse pas d’inquiéter sur le niveau de décomposition de l’état français. Après le fichage des blessés, après les restrictions du droit de manifester, après les sévices infligées à des milliers de manifestants séquestrés à ciel ouvert sous une pluie d’armes chimiques, on voit s’installer durablement dans le camp intellectuel français cette pensée haineuse, on voit la presse relayer cette haine avec dévotion, les chiens lâchés, la violence policière sans retenue, quelle éthique est donc à l’œuvre, là, sinon celle d’une mort promise de la démocratie française ?
Photo n°1 : Zakaria Abdelkafi / AFP
Photo n° 2 : Nantes, le 2 février 2019, Loïc Venance, AFP.
Rappelons que le LBD est officiellement vendu par la Suisse à la France comme "arme de guerre", en conformité avec les règles du Droit International.