Contre les bêtes, Jacques Rabotier
1 Avril 2015 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #poésie
Comment faire disparaître toutes ces bestioles qui encombrent inutilement la surface de la terre ? Certes, on s’en est bien occupé déjà. Mais combien de tigres encore, qui ne servent à rien sinon à l’amusement des enfants le dimanche au zoo ? Les zumains semblaient pourtant fortiches en extermination, des zumains moins zumains par exemple. Un massacre au Rwanda, un autre en Palestine… Tenez, regardez comment on a exterminé les amérindiens. C’était un bon début déjà, non ? Liquidés les Cheyennes, les Cherokees, les Creeks. On en a fait des marques de godasses ou des noms de voiture de luxe, genre 4x4 à dépouiller ce qui nous reste d’air. Pour les indiens, on avait compris qu’il fallait commencer par leurs bêtes : exit les bisons. Plus de bêtes, plus de sous-zumains… De son environnement, «l’omme» a fait son environ. Strict pourtour. Reste à virer les environs et le boulot sera achevé. Qu’est-ce qu’on attend ? Plus de forêts, plus de loups… La civilisation, c’est l’histoire de la transformation du vivant en corvéable, opprimable, égorgeable. L’homme est comme ça : né prédateur, y compris de lui-même. C’est dans sa nature. Qu’il prédate donc en paix. Fuck les faucons ! Et les lucioles, «qui foutent rien », sinon bouffer et se reproduire. Pareil les vers luisants. Comptent trop sur l’Univers Providence ceux-là. Pas des gagnants, incapables qu’ils sont de comprendre que le monde a changé. Faut pas s’étonner s’ils disparaissent ! C’est comme les tigres : feraient mieux de se reconvertir, créer leur propre marché de peau de tigre au lieu de laisser les autres s’en occuper. Ils n’ont qu’à faire comme les zumains : se bouffer entre eux. Mais les bêtes sont bêtes, elles ne pensent pas ces opportunités. Nous, les Fils-de-…, on sait ça. C’est pour ça que le monde nous appartient. A l’abattoir donc, les bêtes ! Y’aurait plus «d’omme» à la longue ? Bah, de toute façon y’en a trop. On sait ça : trop de travailleurs, trop de jeunes, trop de vieux. Il faut tout reprendre à zéro. On l’aura compris, c’est super drôle, et super décapant !
Contre les bêtes, description de l’omme, prologue, de Jacques Rabotier, éd. Harpo &, coll. La Pliade, septembre 2004, 13,50 euros, isbn : 978-2913886407
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