La Danse des flamants roses, Yara El Ghadbran
18 Octobre 2024 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant
La mer morte s'est asséchée, imagine l'autrice. A peine une utopie, tant cette mer est menacée par le changement climatique. Asséchée, elle est devenue le refuge des flamants roses, l'une des rares espèces animales à avoir su s'adapter à un territoire aussi hostile, établie déjà sur les hauts plateaux d'Amérique du Sud dans des lacs salés asséchés. La mer moribonde, une maladie dite du sel s'y est propagée, aussi virulente que l'a été le Covid, et qui décide les autorités à confiner toutes les populations qui l'habitent. Bien sûr il faut non seulement enfermer les contaminés, mais aussi soustraire le traitement qui leur est réservé aux regards internationaux : l'armée (laquelle ? On ne se le demande plus...), y fait des incursions violentes, massacrant tout être qu'elle rencontre. Des milliers d'être humains se trouvent ainsi pris au piège, juifs comme palestiniens. Là est l'utopie : que les palestiniens ne soient plus les seuls victimes prises au piège...
L'état a donc verrouillé la vallée et le monde a tourné le dos sur le sort des populations qu'on y a enfermées...
Derrière le mur, côté état hébreu, indifférent au sort des habitants du ghetto, la vie occidentale reprend ses «droits» abjectes. Tandis que de l'autre côté du mur, la vie finit par se maintenir. Déjà la faune et la flore s'adaptent, prolifèrent, tandis que les survivants humains peu à peu y construisent une autre civilisation, perdue désormais.
«Alors on a oublié le monde à notre tour », écrit l'un des personnages du roman. Les survivants bâtissent. Alef, le premier enfant né dans la vallée après l'évaporation de la Mer morte, premier enfant du sel, fils d'une botaniste palestinienne et d'un rabbin israélien, incarne l'espoir d'un monde autre. D'un monde où le vivant serait placé en son centre. Le vivant, élargi au monde des animaux qui sont ici des personnages à part entière telle l'araignée Ankabout. Des personnages non humanisés mais ancrés dans leur propre logique, en marge de la nôtre, forts d'une intelligence qui n'est pas la nôtre et contribue, avec la nôtre, à faire germer ce monde nouveau.
C'est la grande force du roman, son grand rêve aussi, dans lequel l'autrice avoue se réfugier quand de Palestine, dont elle est une enfant, lui vient l'horreur sur laquelle les dirigeants du monde occidental ont choisi de s'asseoir. Elle rêve qu'elle vit parmi les flamants roses, qu'elle accomplit, ne serait-ce qu'en rêve, le mot d'ordre de Jacques Rancière : «Au fond, la rupture ce n'est pas de vaincre l'ennemi, c'est de cesser de vivre dans le monde que cet ennemi a construit ».
Yara El Ghadbran, La Danse des Flamants roses, éditions Mémoire d'encrier, avril 2024, 272 pages, 22 euros, ean : 978289712981.
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