"Protéger tout l’homme et protéger les droits de tous les hommes"… Dans le climat délétère qui est celui de l'Europe aujourd’hui, et dont la France de Manuel Valls ne se démarque pas, sans doute est-il bon de rappeler l’inlassable combat de René Cassin, le père de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), dont la pensée politique était fondée sur la conviction de la primauté de la personne humaine, tant il est vrai qu’il est loin le temps où cette personne humaine se verra revêtue d’un respect absolu. Tant il est vrai qu’il est loin le temps où l’on aura promu l’individu à la dignité de sujet du droit international. Tant il est vrai qu’il est plus loin encore celui de l’avènement de cette morale internationale qu’espérait René Cassin. Mais l’Etat Léviathan, qui ne sait qu’exposer ses citoyens et non les protéger, cet Etat que René Cassin redoutait tant, a de beaux jours devant lui, n’en doutons pas, qui ne sait ni ne veut protéger les individus de ses abus de langage et d’autorité. Loin le temps de l’adoption d’une déclaration universelle des droits de la personne humaine, que René Cassin espérait étayée sur des garanties précises plutôt que de vagues discours proférés à l’occasion du spectacle de l’horreur. Le juriste qu’il était voyait certes dans la puissance étatique le garant naturel de l’Etat de droit, mais il savait trop bien que lorsque le pouvoir renonce à défendre ses ressortissant, tous ses ressortissants, sans exclusive ni priorités, pour instrumentaliser tel ou tel, c’est la souveraineté du peuple dans son ensemble qui s’en trouve abolie. Cassin évoquait la situation des états européens, mais ne voyait pas que l'Europe deviendrait à son tour ce Leviathan qui recèle désormais un degré de périls réels, n’ayant cessé de faire de l’homme un moyen plutôt qu’une fin. Il serait bon que les libéraux et les socialistes de Pouvoir de tout bord le relisent, lui qui était un libéral de leur bord, mais aux yeux duquel la règle républicaine exigeait que le bonheur du peuple, oui, vous avez bien lu : "le bonheur", en tant qu’élément constitutif de la société, soit visé pour faire progresser l’ensemble du corps social de la Nation. A placer pareillement la question du bonheur des hommes dans le champ de l’application politique, au fond, ce que Cassin proposait n’était rien moins que de rompre avec cette logique très au fait en Europe, qui veut que le citoyen ne compte pour rien et qu’on puisse le livrer pareillement à la Domination de la Finance.