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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 04:35

 

jacques-envol---copie-copie-1.jpgJ’avais pris goût à rester immobile, couché dans la prairie.

Le jour nous séparait, je m’éveillais à l’aube inquiète où ta vie venait de prendre cette odeur d’herbe coupée pareille à l’eau des lacs où sont les fleurs blanches.

Je contemplais le ciel, qui est une machine de guerre impitoyable, immense sous la moisson qui le soutient, familier, mais ne dessinant que pour lui seul ces coins de rêve que nous peinons à forcer.

Tes songes d’apesanteur me paraissaient étranges, cher frère.

Je voyais nos enfants jouer, et le vent immobile dans tes cheveux.

Est-ce toi qui t’envole au loin, dans ce ciel rempli d’algues ?

(la falaise parle d’un mouvement pareil)

Est-ce toi ou quelque étreinte qui voudrait se prolonger dans ce corps inattendu que la mort t’a truqué ?

Te voilà nu. Ton âme plus claire qu’il ne faudrait, plus limpide que l’eau des mers où nulle chose demeure.

Ô pareille transparence !

Est-ce bien toi cet envol éternel, battement d’ailes où le vent se répand ?

Ne savais-tu donc pas que le ciel était plein de rêves avortés ?

Le jour nous sépare.

Chacun vole le cou tendu de repentir.

A tire-d’aile, ta barque de brume est déjà retournée.

A présent tu flottes autour de toi, la tête à l’envers avec cet air de marin qui se serait jeté dans la mêlée des vagues précoces.

Seuls les anges restent suspendus dans les airs, Jacques. Tu ne le savais donc pas ?

La terre dont plus rien ne te sépare s’enroule des bruits tranquilles de ce grand séjour des êtres refusés.

«L’épaule contre le vent» (Tardieu), vois-tu le sol où l’âpre vide nous étreint ?

Quelque chose commence.

Ton ombre claque comme un linge au vent d’une escale troublée.

Pourtant tout cela ne peut être tout le ciel, Jacques.

Quoi du vent, sa chute légère, ce grand domaine ailé de l’air ?

Tes battements de fonds des âges,

à l’eau, à la terre, à la mer, tu échappes,

Pour rallier le ciel, auvent désemparé, où chaque lentement disperse son temps immobile.

 

 

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