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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 12:17

etre-francais.jpgPatrick Weil publie un petit livre dans lequel, après mille autres, il régurgite les quatre piliers habituels de la nationalité française. Rien qu’on ne sache déjà :

  

1) L’égalité des Droits devant la Loi. Beau principe certes, auquel il faut tenir, mais insuffisant pour comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons et pour nous apporter des réponses circonstanciées. Prenons l’exemple des sous-citoyens que sont aujourd’hui les français des banlieues défavorisées, d’origines étrangères. Avec le sociologue Ahmed Boubeker, affirmons alors avec force que tant que la France refusera de regarder en face la dimension ethnique des inégalités sociales, elle ne pourra penser sérieusement son devenir et réfléchir dans toute son étendue cette question de l’égalité des droits devant la Loi. Le principe est bon, assurément et sans contradiction avec ce qui vient d’être dit précédemment. Mais l’exhiber sans en creuser les contenus ne sert à rien.

 

2) La langue française comme outil d’émancipation. Patrick Weil tient sur ce sujet des propos qui auraient beaucoup amusé les victimes de la Terreur, qui rendit obligatoire la langue française, quand il affirme par exemple que la France a traité "maternellement" les patois… Dans les années 1970, existait encore en France une mémoire rurale qui se rappelait les temps de son humiliation dans les écoles de la République au sujet de sa langue… Et sur cette même question, il y aurait plutôt urgence à réfléchir à la manière dont s’est opérée cette unité linguistique de la France !



3) La mémoire de la Révolution comme acte fondateur. Inquiétant… (j’y reviendrai).



4) La Laïcité enfin, tarte à la crème des politiques en panne de réflexion.



Certes, les assauts récents du gouvernement français contre ces quatre piliers feraient presque passer l’ouvrage pour révolutionnaire. A l’évidence, l’urgence en face de laquelle nous place l’état sarkozien intime de s’en remettre d’abord à l’exigence de souveraineté de l’individu, l’explicite de 89, impliquant le droit pour chacun de s’opposer aux abus de pouvoirs de l’État. La remise en question, de nos jours, du concept de société, traduit une régression sans précédent. Mais cette remise en cause est le fait des classes supérieures ! Des classes plus dominantes que jamais, qui achèvent leur sale boulot en affichant comme seule légitime leur culture, au sein de laquelle la figure du Peuple est devenue invisible. Que le siècle d’avant la Révolution, en outre, soit plus approprié pour rendre compte des rapports sociaux d’aujourd’hui ne trouble semble-t-il personne. Au point que cette fameuse mémoire de la Révolution devrait constituer encore et toujours notre horizon indépassable ! Or, depuis 1789, l’Etat n’est plus identique à la société et ne peut en conséquence la représenter. En référer ici à l’esprit de 1789 ne nous aidera en rien à comprendre comment fonctionne notre société contemporaine. Tentons plutôt d’en mesurer les conséquences : parce qu’il ne lui est plus identique, tout le problème depuis aura été celui de la limitation de son pouvoir. C’est en divisant ce pouvoir entre gouvernement et opposition qu’on a fini par le limiter convenablement. La vérité d’un état démocratique réside là : dans la nécessité d’un sommet contingent, labile. Cette déstabilisation fondatrice de la puissance suprême est l’essence même du caractère démocratique de nos sociétés, qui inclut dans le pouvoir politique la particularité de valeurs nécessairement opposées. De sorte que ce qui est fondamental, en politique, c’est la fonction d’opposition. Fonction que la Gauche de Pouvoir n’a pas joué, rappelons-lui, nous plongeant dans le cauchemar qui est le nôtre aujourd’hui, et risque encore de l’être bien après 2012, si la leçon n’est pas comprise.joël jégouzo--.



Etre français , Les quatre piliers de la nationalité, de Patrick Weil, éditions de l’Aube, janvier 2011, coll. Aube Poche, 40 pages, 5 euros, ean : 978-2-815901970.

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