RENCONTRER CEES NOOTEBOOM
2 Octobre 2009 Publié dans #entretiens-portraits
Trois français dans la salle pour découvrir cet auteur qu’outre son pays, l’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne portent à juste titre aux nues.
Poète, essayiste, grand reporter, cet écrivain capable de superviser dans cinq langues la traduction de son œuvre, s’exprime dans un français des plus purs. Vêtu sobrement, en chemise blanche, col ouvert, il parle délicatement, en accordant une attention extraordinaire à son public. Quelle que soit la question, il y répond avec une cordialité exquise qui engendre du coup une surprenante intimité entre les participants de la rencontre – une poignée tout juste.
« Le déclic du livre ?»
Après une pose, Cees Nooteboom embraye sur une anecdote : « Une télévision m’a demandé de parler de mon livre en trente secondes. Je l’ai fait en vingt-trois secondes. Et puis après, plus rien. Nous n’avons plus parlé de rien. C’est avec des choses pareilles qu’on se rend un peu compte du monde dans lequel nous vivons. Non, il n’y a pas eu de déclic. J’avais en fait l’idée d’écrire sur l’Espagne du XIIe siècle et j’ai écrit un livre sur l’Allemagne contemporaine… J’ai vécu à Berlin au moment de la chute du mur. J’allais aussi en Espagne chaque année. J’observais le terrorisme dans l’anonymat du sacrifice des victimes.
- Pourquoi le thème du deuil ?
- Rétrospectivement, on peut tout expliquer. Mais je ne suis pas un écrivain à projet : je m’aventure dans l’écriture. J’écris pour penser. J’ai placé cet homme à Berlin, une ville chargée d’Histoire.
- Mais beaucoup de choses y ont disparues déjà, non ?
- L’Histoire disparaît tout le temps à côté de nous. Je voulais méditer sur notre rapport à cette disparition tragique de l’Histoire.
Puis Cees Nooteboom se lève, se dirige vers le buffet : « Venez, nous serons mieux », et poursuit de l’un à l’autre, tendant une coupe, un canapé, souriant et serein, « C’est peu de chose un livre ». Juste de quoi bouleverser l’un ou l’autre. Bientôt une main sur mon mp3 : «Vivons cela entre nous». La soirée se poursuit alors en toute simplicité, à bavarder de soi, de littérature, de Cotzee, de Sebald, avec une affection sans égale de la part de cet auteur au sommet de sa gloire. –joël jégouzo--.
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