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La Dimension du sens que nous sommes

Un monde minuscule hanté par d’infimes tragédies individuelles…

21 Septembre 2009 Publié dans #en lisant - en relisant

C’est l’histoire de Charles B. qui resta enfermé chez lui pendant plus de 27 ans. Et puis il est mort. Voilà, c’est tout.
Ou presque. Après sa mort on a découvert des milliers de coupures de journaux épinglés sur tous les murs de sa modeste maison. Ne demandez pas pourquoi. Même l’auteur n’en sait rien.
Des milliers de coupures de faits divers.
Et encore : à peine des histoires. De celles des gens de peu. Des petites gens : vous et moi si ça se trouve. Un monde minuscule hanté par d’infimes  tragédies individuelles.
Non, c’est pas le mot. Une sorte de tombeau pour 500 000 inconnus. Au bas mot. Des histoires navrantes. Comme celle de cet homme qui périt étouffé dans un conteneur à vêtements.
Voyez le peu ! Pourquoi toutes ces coupures? On n’en sait rien. Et puis cet homme qui s’enferme sans raison…
Le village en a parlé pendant des lustres. Gloses à n’en plus finir. Pour les femmes, c’était rapport aux sentiments. Pour les hommes, c’était un beau cinglé. En gros. Quelles raisons voulez-vous donner à un enfermement volontaire de 27 ans ? Et puis tout le monde a oublié. Jusqu’au jour où la presse régionale en a parlé. Du coup Charles B. est devenu un héros local. Et puis le soufflé est de nouveau retombé. Jusqu’au jour où un éditorialiste en vogue en a fait un héros des temps modernes. Télés, personnalités, le grand bazar médiatique déboula dans le village. Mais Charles B. faisait le sourd cloîtré dans sa maison. Branle-bas, reporters, télés du monde entier, CNN et des meilleures. Même le président de la République est venu sonner à sa porte. En vain. Charles B. répondait aux abonnés absents. Et puis il est mort. Un vrai mythe de la «France d’en bas». Buté, aphasique, renfermé – c’est le cas de le dire. Rien à en tirer. Les journalistes sont repartis. Charles B. aussi, comme dit son frère : « et nul ne sait où il est allé ». Et puis c’est tout.
Dans une langue presque apathique, mais qui nous vaut l’une des plus belles énumérations grotesques depuis Rabelais, Marcus Malte nous livre une histoire non seulement bouffonne, mais d’une intelligence saisissante - et peut-être cryptique…
--joël jégouzo--.


Mon frère est parti ce matin, De Marcus malte, Ed. Zulma, coll. Quatre-Bis, janv. 2003, 62p., 8 euros, ISBN     978-2-843042399
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