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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 12:42

Affirmation déconcertante, alors que la guerre fait rage aux portes de l'Europe. Cependant... Bertrand Badie avait pensé ce tournant en 2019, alors que de Bagdad à Santiago, partout les mouvements sociaux bousculaient les relations internationales. Le social, à son sens, venait de conquérir cette scène chère à nos éditorialistes «patentés» comme à tout le personnel politique, toujours en quête d'étouffer la clameur des peuples sous le poids d'analyses étourdissantes... Partout il est vrai, et plus encore depuis, la misère, la pauvreté, les inégalités, la souffrance sociale imposaient une nouvelle lecture du monde contemporain et de ses enjeux. Partout les sociétés s'exprimaient directement sur cette scène internationale accaparées par les élites bien pensantes, qui avaient décrété depuis la Paix de Westphalie (1648), que la conception moderne des états ne pouvaient qu'être tributaire du jugement géopolitique, non des dynamiques sociales. Et toujours, seuls les marqueurs westphaliens avaient droit de cité : les frontières, les constructions politiques, la finance internationale, le marché... Repères commodes privant les peuples de leur autonomie.

De la Conférence de Westphalie, qui avait duré trente ans, avait émergé une structure nouvelle : celle de l'état, chargé d'exercer sa souveraineté sur tous les acteurs non étatiques de la société. Avec l'état avait aussi surgi l'idée d'intérêt national, seule rationalité acceptable, aux définitions et redéfinitions toujours plus arbitraires, vidant de son sens siècle après siècle l'idée de souveraineté nationale, pour clairement articuler l'intérêt national à sa seule raison d'être : l'intérêt des classes privilégiées.

Pour conserver la suprématie du politicien sur la société, les états n'ont cessé dès lors de réfuter et refuser cette sortie du système westphalien, tandis que le XXème siècle vivait la longue agonie de ce modèle à travers les innombrables mobilisations sociales qui tentaient d'en secouer le joug. Mais nos élites n'ont rien compris à cette évolution et ont agi à contresens, déployant par exemple la bannière fétide de la religion du marché comme ultime rationalisation de leur folie, religion qui n'est que la poursuite du modèle westphalien sous sa forme la plus immonde et la plus immorale.

Depuis 2008, tous les continents ont été traversés par les crises sociales. Depuis trois quinquennats en France, les mouvements sociaux se sont inscrits dans la durée. Partout le monde craque et partout les souffrances sont les mêmes, les enjeux sont les mêmes, les coupables sont les mêmes : ces Princes installés dans leur pompe et leur ordre politique devenu rageux et dangereux.

Partout les états, contre la menace économique, contre la menace politique, contre la menace sanitaire, contre la menace climatique, qu'ils soient prétendument démocratiques ou des dictatures, n'ont su apporter que des réponses militaires à ces menaces, alors que leur traitement ne peut être que social.

Comment réveiller la responsabilité sociale des états ? Il n'y a d'autres solutions, nous le savons désormais, que dans les mouvements sociaux.

 

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Bertrand Badie, Inter-socialités, Le Monde n'est plus géopolitique, CNRS éditions, octobre 2020, 228 pages, 20 euros, ean : 9782271134806.

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