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La Dimension du sens que nous sommes

Walter Benjamin : le Droit est par essence une violence qui ne garantit que le Pouvoir.

25 Mars 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #Politique, #essai, #essais

Max Weber avait tenté de légitimer la violence policière : dans un état de droit, seul l’état peut en disposer. Et avec lui, juristes et constitutionnalistes s’étaient précipités dans la brèche : les concepts de Droit et de Justice encadraient la violence d’état et la légitimaient. Une violence étatique qui appartenaient aux moyens, nous assuraient-ils, et non aux fins : pour restaurer un ordre menacé par exemple et donc en vue de fins «justes»... Benjamin reprit à nouveaux frais cette réflexion. La violence étatique est-elle morale, même en tant que moyen ? Est-elle légitime ?  Est-elle juste ? Approfondissant ses analyses, c’est dans la Terreur de 1793 qu’il trouva les racines d’une telle légitimation de la violence d’état, et dans les théories du Droit naturel, bâtissant une sorte de darwinisme mal digéré, qui ne voyait dans la violence qu’un critère de sélection naturel. Mais dans le Droit positif, le nôtre théoriquement, nulle part les philosophes ne sont parvenus à en justifier l’usage. La violence n’est que le résultat d’un développement historique. C’est cela que Walter Benjamin analyse. Quelle est la légitimité de l’usage de la violence étatique ? Cette violence peut-elle garantir le Droit ? La Justice ? Sa réponse est sans ambiguïté : non. Non, parce que le Droit lui-même n’a que faire de la Justice. Que sont les Lois ?  Prenant l’exemple du droit de grève, Benjamin nous aide à comprendre qu’il n’est que le résultat d’un rapport de force, une violence accordée aux salariés pour se soustraire à la violence patronale. Par la suite, les puissants virent bien l’intérêt d’un tel droit : éviter une violence plus terrible, celle de la révolte prolétarienne. Ne pas le reconnaître, c’est interdire tout espace de protestation et risquer bien pire : le renversement de l’ordre juridique. Car qu’est-ce que l’ordre juridique, sinon là encore le résultat d’un compromis. Ou d’une défaite. Ou d’une victoire si l’on veut. Le Droit n’est que cela, rien d’universel, il ne fait que sanctionner un état en suspension dans le vide, ce moment où la «paix» sociale a imposé un nouveau Droit. Dans notre situation historique, et cela crève les yeux désormais, la vraie fin du Droit français est la protection des puissants. Il faut le répéter et l’entendre : la paix sociale n’est que la reconnaissance d’un nouveau droit, d’un compromis. C’est la raison pour laquelle il ne peut y avoir de paix sociale en France : Macron est allé trop loin. La violence de rapine mise en place par Macron dévoile son but ultime : la protection des puissants. Une violence de rapine qui en appelle à la violence de la guerre contre la «violence» des Gilets Jaunes qui est, elle, fondatrice d’un nouveau droit. Et c’est parce qu’elle porte en germe les termes d’un Droit nouveau, démocratique, qu’elle constitue une menace essentielle. La soumission exigée des citoyens par la classe politico-médiatique n’a pour seule but que la conservation du Droit ancien, profondément inégalitaire et sans aucun fondement moral. Théoriquement, le droit positif, qui devrait être le nôtre, se devait de favoriser l’intérêt de l’humanité en chaque individu (Kant). Inutile de gloser : du combat pour la planète à celui d’une vie plus juste, il crève les yeux que le Droit français a pour seule origine la violence. Il y a quelque chose de pourri au royaume de France. C’est cette pourriture que les Gilets Jaunes ont débusquée. Mais pas simplement levée : les Gilets Jaunes n’anticipent pas un bouleversement futur : ils le réalisent ! Et c’est en cela qu’ils sont encore plus dangereux. L’économie néolibérale est dévoilée avec eux et partout elle révèle son visage de bête sauvage, folle de rage parce qu’on voudrait lui tourner le dos. La violence du Droit français a introduit dans nos vies une violence sans fin, instituant, pour le dire avec Benjamin, «comme Droit une fin qui, sous le nom de Pouvoir, n’est ni universelle, ni indépendante, ni délivrée de la violence mais lui demeure intimement et nécessairement liée ». La Justice française, mise à nue, n’a plus qu’une obsession : garantir le Pouvoir en place et uniquement ce Pouvoir. Non la Justice. Mettant à nue la vérité d’un énorme mensonge que Georges Sorel avait en son temps révélé : « Le Droit est le privilège des puissants. Sa tâche est de détruire toute menace, toute opposition ». Notre devoir est donc bien celle que dessine la conclusion de Benjamin : «c’est en dépassant le Pouvoir de l’état qu’on édifie un nouvel âge historique».

Pour une critique de la violence, Walter Benjamin, édition Allia, traduit de l’allemand par Antonin Wiser, mars 2019, 64 pages, 6,50 euros, ean : 9791030410532.

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