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La Dimension du sens que nous sommes

Ratlines, Stuart Neville

22 Mars 2019 , Rédigé par joël jégouzo Publié dans #en lisant - en relisant

Ratlines : ces filières d’exfiltration des nazis qui traversaient tous les pays d’Europe, enjambaient les mers, offraient à l’Argentine les futurs cadres de ses répressions populaires. Partout au sortir de la guerre, la complaisance a régné, partout dans les «démocraties» occidentales, des bonnes volontés se sont mobilisées pour sauver les braves SS de Hitler. Au vrai pour mettre à l’abri une idéologie qui séduisait bien des politiques. L’Irlande n’y a pas coupé. Et ce sont ses heures sales et sombres que le roman raconte. Ces heures sales où l’IRA elle-même, au prétexte que l’Angleterre était l’ennemie, s’acoquinait avec les dignitaires nazis et qualifiait la guerre de 39-45 d’Emergency.

La baie de Galway. On est en 1963, la guerre est loin, mais sur le sol irlandais, les anciens nazis prospèrent. Un mystérieux commando s’en prend pourtant à ces fuyards pas même honteux. On en tue sur le sol irlandais quand ailleurs, comme en France, on leur fait des ponts d’or... Au point que le jeune Ministre de la Justice, aux dents aussi longues qu’il est lâche, s’en émeut. Il faut que cesse la chasse aux anciens nazis. Les médias ne doivent pas rouvrir cette page immonde de l’histoire du pays. D’autant qu’en 63, Kennedy a promis de passer par l’Irlande ! Combien au juste d’anciens nazis vivent cachés sur le sol irlandais, vaquant tranquillement à leurs affaires ? On n’en fera pas le compte. Trop sensible. Parmi ceux-là, le colonel Otto Skorzeny, celui qui a enlevé Mussolini sur l’ordre de Hitler. Un peu trop voyant, mais qu’il faut protéger… Ryan est chargé d’enquêter. Moins un flic qu’un agent secret : l’enquête ne doit pas faire de vagues. Jeune, peu enthousiaste à l’idée de  devoir protéger de pareilles crapules. Très vite filé par un mystérieux commando tandis qu’il est sur les traces de l’équipe justicière. Ryan remue la boue de cette Histoire. Celle de nationalistes franchement hostiles aux Alliés en 39-45 et qui ont conservé de leur hostilité une idéologie bien suspecte. Tout comme il est sur la piste d’anciens activistes fascistes français proches des nazis, eux aussi immigrés en Irlande. Skorzeny, autrichien passé à la SS, semble mener la danse en Irlande. Rien n’aurait donc changé ? De meurtres en assassinats, Ryan finit par tomber sur le Mossad, qui tente de mettre à jour le circuit financier de cette filière toujours active. Voire… On ne sait pas trop s’ils sont venus pour la bonne cause ou des raisons plus veules : s’emparer d’une sorte de trésor de guerre nazi.  C’est le fric et le Pouvoir qui mènent la danse. Le fric de la filière de financement des émigrés nazis à l’étranger. Ce fric qui circule partout dans le monde sous couvert de banques complaisantes. Stipendiées. C’est le circuit de l’argent, des banques aux églises, des églises aux politiques, des états aux états que l’on suit ici, au mépris des peuples qui ont souffert, des peuples qui souffrent, des peuples dont les sacrifices sont ignorés. Le fric qui est la vraie motivation des exécutions d’anciens nazis, par une bande de voleurs, non de justiciers. L’Europe est sombre, autant qu’elle l’était sous la férule de l’Allemagne nazie, mais badigeonnée au ripolin démocratique. Le sujet est fort, traité selon les conventions du polar toutefois, avec une intrigue qui en dévore pour beaucoup la substance, au point que j’ignore s’il est réussi ou non. On sent comment il se relance, comment l’intrigue, comment tel personnage, telle situation le portent. Comment l’auteur met par exemple dans les pattes de son héros, Ryan, cette midinette qui lui permettra de faire avancer l’action. Tout un art, certainement, mais par trop artificiel à mon sens : la forme au détriment du fond. Mais en même temps, il y a dans cette superficialité de la relance quelque chose de vulgaire qui va bien au traitement du fond : ce n’est qu’une affaire de gros sous au final… Cette morale génocidaire d’une société qui n’a cessé de prendre l’homme pour un moyen, non une fin.

Ratlines, Stuart Neville, Rivages/Noir, traduit de l’anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau, mais 2016, 444 pages, 9 euros, ean : 9782743636661.

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