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5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 13:11
NuitDebout : Cette dimension du sens que nous sommes

«L’Histoire, c’est la dimension du sens que nous sommes», disait le grand historien Marc Bloch, avant d’être fusillé par les nazis. La dimension du sens que nous voulons être. De cette volonté qui se dessine, aujourd’hui, dans ces NuitDebout qui fleurissent partout en France et dont nul ne sait encore sur quoi elles déboucheront. Ce que d’aucuns lui reprochent. Brouillonnes, certes, elles le sont –justement-, et cependant extraordinairement organisées. Brouillonnes parce que gourmandes de cette parole retrouvée, confisquée depuis tant et tant de décennies ! Et cependant organisées dans une perspective infiniment pertinente : celle de la Convergence des luttes. D’une convergence que l’on voit chaque jour se dessiner un peu mieux et dont il ne faudrait pas anticiper trop tôt la logique du reste. Etudiants, lycéens, hier les agriculteurs bio, des cheminots, les personnels de santé… Tout ce monde venu parler, débattre. Bourillon ? Vraiment ? Ces prises de parole qui oscillent entre la réflexion et le témoignage, avec ou sans recul, sur la vie, sur nos vies, sur leurs vies…

Il fallait commencer par là en fait, pour donner un jour des chances à ce sens commun d’émerger. Là, dans ce qui fonde ce rapport tout à la fois individuel et collectif au sens. Et chercher à comprendre, sereinement, lentement, comment ce sens s’inscrit dans le présent de nos vies individuelles, tout comme dans celui de notre histoire commune. S’y inscrit ou s’y absente. Et marteler que depuis trente ans au moins, seul le refus du sens était perceptible dans le champ clos de la Nation française (défunte).

Il fallait commencer là : nous avions voté socialiste, les socialistes nous avaient trahis. Le changement français, en fait, c’était Valls : une marche à tombeau ouvert à la rencontre de l’extrême droite.

Il fallait commençait là, depuis ces colères qui se faisaient jour, que chacun raconte Place de la République, sans façon, sans détour, chacun témoignant des révoltes fragiles, inattendues, qui commencent d’éclater. Il fallait raconter, d’abord, que des insurgés étaient morts par exemple, tués par le pouvoir socialiste (Rémi Fraisse). Ou que partout nos échecs politiques, sociaux, nous faisaient mal. Il fallait commencer très exactement là, non pour redire, mais dire enfin que nous avions assez de voir partout s’étaler le mépris de cette fausse gauche. Et qu’il était grand temps d’en finir avec elle. Grand temps de la laisser, seule, s’échouer, avec sa fausse morale républicaine, la même qui naguère jeta les français dans les bras de Pétain. Il était grand temps de nous mettre à l’écoute du monde, qui bruissait de ces colères qui nous retenaient au chevet les uns des autres, grand temps de nous mettre à l’écoute de ces soulèvements dont on sentait monter la houle immense. Et qui partout cherchaient leur sens. Un vide béant s’était ouvert sous nos pas, qui nous avait fait voter Hollande pour nous sauver de Sarkozy. Ou demain Juppé de Le Pen. C’est dire le dégoût qui a fini par être le nôtre. Nous avions touché le fond. Désormais ce qui est en jeu, c’est de savoir ce qui justifie nos vies. Quelque chose qui est de l’ordre du regard que l’enfant pose sur le monde. N’importe quel enfant du reste, saurait ouvrir les yeux sur la nullité éthique de la société néolibérale. Il nous restait à construire ce regard d’un premier matin. Comme il nous revient à présent de construire notre soulèvement. Ethique. Car ce qu’il faut construire, c’est une autre idée de la vie ensemble. Où habiter chacun pleinement sa vie, ses relations à l’autre plutôt que de devenir l’entrepreneur désespéré d’une vie pour soi. Il n’y a au fond peut-être pas de société à détruire, comme l’affirmait le Comité invisible : il n’y a que nous et l’ensemble des liens par lesquels nous tenons à ce «nous» qui mérite que nous agissions. Un grouillement de mondes. C’est cela, la Commune de la Place de la République. C’est cela, cette dimension du sens que nous sommes, où actualiser un certain niveau de partage qu’il faut inscrire dans un espace déterminé pour ajouter au territoire la profondeur de l’humain.

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commentaires

J
Merci Françoise, ta colère est forte !
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F
Eh oui, il faut tout réinventer et reprendre en main notre destin. Merci de cet article avec le brin de poésie que j'apprécie tant chez toi. Partagé sur Françoise la Colère ^^
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