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La Dimension du sens que nous sommes

Eros, ce sens nouveau où s’expose l’humain…

15 Janvier 2013 , Rédigé par texte critique Publié dans #IDENTITé(S)

bourgeois-le-couple.jpgEros, nécessairement immoraliste dans l’ambiguïté qui le fonde, où le désir se fait badinage et fiction…

Eros ou la dépravation de l’ordre social, refusant le butin de l’Amour pour les lauriers du guerrier, inaugurant sans cesse ce sens nouveau où s’expose l’humain.

Il faut, nous dit le philosophe, souffler sur les cendres du désir pour que la flamme de l’Amour, tendrement, apparaisse enfin à l’homme. C’est compter sans la rapine, si prompte à saillir, comme une obligation de l’homme à sa substance animale…

Bien sûr cet arrière-goût de poussière dès lors, la conscience, dans la jouissance, de notre fin inéluctable –mais cette finitude n’est-elle pas notre seul pouvoir ? Ce loisir qu’Eros nomme liberté…

Quant à l’Autre, saisi comme un objet, n’est-ce pas une grande vertu déjà qu’il sache être fait pour mon désir, sans compter le plaisir qu’il sait y prendre et celui où je suis à mon tour son objet ?

Les Peuples du monde se conjuguent autrement, assène non sans raison le philosophe. Tout comme autrui à soi. Mais le quant-à-soi d’Eros, qui ne connaît rien qui aille au delà de l’être, ne peut être dans cet horizon qu’une feinte conjuration. Certes, il fuit, il fuit la créature immense à n’être vrillé que dans son désir toujours recommencé dès lors qu’il s’est retiré du regard de l’autre.

Que sommes-nous ? Que devons-nous être ?

Une modulation nouvelle du quant-à-soi, affirme Lévinas. Où retenir sa fougue serait plus humain et rendrait même possible l’Univers, ce tout du monde qui ne pourrait se dire que dans le langage de la piété. Vraiment ?

Où subsiste le tout d’un être ?

Où gît la signification nouvelle de ce Que sommes-nous ?   

La paix comme fond de l’être, énonce encore Lévinas, visée de toute ontologie, plutôt que le chaos dont Eros est issu et qu’il pointe pour horizon.

La paix ou la guerre alors, pensées comme une querelle originelle, le qui sommes-nous ? gisant au vent de sa marelle. Que vaut cette querelle ? Que vaut celui qui se retient sur les bords du baiser ? Ne vaudrait-il pas mieux cet excès de l’Eros qui ne porte pas le monde sur son dos ? Ne vaudrait-il pas mieux le monde, ouvert à l’ouvert, indécidable, plutôt que soigneusement clos sur lui-même ?

On nous commande la joie, arpentée d’un plaisir raisonnable. L’acte personnel rattaché toujours à l’attention portée par un être à un autre. Mais d’où fonder l’ouverture à autrui, si elle ne devait qu’être aliénée par un dehors à soi ?

On oppose le corps à la chair. Mais quoi de cette chair (σάρξ) des écrits johanniques qui fonda la différence entre nos deux corps, celui qui en nous s’éprouve et celui qui éprouve le monde alentour ?  

N’avez-vous donc pas oublié que ce corps qui s’éprouve, celui précisément de la chair joahnique, était d’abord un corps ouvert à la jouissance de soi, placé soudainement dans l’orbite d’Eros ?

C’est Eros qui élucide la chair dont nous sommes faits, sans pour autant résoudre l’énigme du rapport de cette chair à son corps.

L'Incarnation, au sens chrétien, a ainsi ouvert en grand les voies d’une ambiguïté sans pareille, trouvant son fondement dans la proposition hallucinante de Jean : "Et le Verbe s’est fait chair", c’est-à-dire désir, un corps livré à l’Eros, un corps qui se fait chair, la seule révélation… Ce sens nouveau où s’expose l’humain, non genré, où prendre le risque d’inventer un désir qu’aucun corps dans la nature ne savait abriter.

 

Image : Couple, 1966, Louise Bourgeois, Fabric, 43.2 x 88.9 x 101.6 cm / 17 x 35 x 40 in Vitrine: 152 x 112 x 97 cm / 17 x 35 x 40.

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