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La Dimension du sens que nous sommes

L’art de mentir –Mark Twain

21 Mai 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais

mentir.jpgJe mentirai. Non pas un conditionnel, mais la certitude d’y succomber. Avec tout juste l’espoir, hypocrite, qu’un conditionnel viendra m’en absoudre. Je mentirais si… Sourde culpabilité en face des effrois d’exister, que le bon goût s’avisa un jour de recueillir en affirmant la suprématie du menteur dans la quête de la vérité : seul le menteur connaît la Vérité. Mentir serait ainsi le seul verbe que nous puissions conjuguer au futur. Avec mourir sans doute. Mark Twain ne s‘en offusque pas, bien au contraire : il déplore que l’on sache si mal mentir désormais, que cet art du mensonge ait subi une pareille décadence. On ment mal de nos jours. Voyez le regrettable Nicolas. Combien il en a prostitué l’art. Mais ce serait mentir que d’affirmer que son essai m’en convainc pleinement, ou que l’art du mentir soit son vrai objet. Twain passe beaucoup trop de temps à cajoler sa conscience pour en lever la beauté. Certes, il y a bien ici ou là quelque dédain affirmé à l’endroit de ces petits arrangements que nous passons avec nos vies, mesquins, quand le mensonge ne peut atteindre son point de perfection que dans une culture soigneuse. Il y a bien le mépris de réaliser que de cet art courtois, les hommes ont fait une routine étriquée. Mais Twain disserte beaucoup trop sur les mérites du mensonge face aux vérités fâcheuses, pour établir une quelconque règle de jugement de goût sur l’art de mentir lui-même. Tout juste retiendrons-nous qu’à tout prendre, dans nos sociétés brutales, le mensonge éhonté vaut mieux que le mensonge honteux. Mais que l’on mente par calcul plutôt qu’élévation, voilà qui ne surprendra guère… Et l’on sent bien qu’au fond, ce n’est pas le mensonge qui le préoccupe, mais la conscience, cette odieuse invention, à ses yeux, dont il aimerait tant se débarrasser… Oui, c’est bien la conscience, le vrai objet de sa réflexion. Cette conscience vulgaire qui ne sait se défaire de sa prévention à l’égard du mensonge. C’est donc in fine à l’art de tromper la conscience qu’il nous introduit, plutôt qu’à l’art de mentir. L’art de tailler en pièce sa conscience, de s’en défaire, plutôt que du bien mentir. Un mensonge d’éditeur que ce titre, en somme…

  

 

 

L’art de mentir, de Mark Twain, traduit par François de Gail, L’Herne éditeur, coll. Carnets, avril 2012, 56 pages, ean : 9782851972415.

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