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6 novembre 2023 1 06 /11 /novembre /2023 09:55

Celles de la France bien sûr, depuis le XVème siècle. Et bien évidemment, une histoire «survolée», malgré les mille pages de ce recueil d'essais. Survolée mais non superficielle, entendez que le collectif rassemblé a tenté d'y jeter les bases d'un renouvellement historiographique, en empruntant à Marc Bloch sa méthode, à rebours, pour démarrer par les conséquences de ces colonisations sur notre quotidien d'aujourd'hui.

Les inégalités économiques, le racisme, etc., autant de legs d'une structure qui aura charpenté notre histoire, économique, politique, culturelle et dont la multiplication des approches, historienne, littéraire, ethnologique, sociologique, philosophique, linguistique, etc., permet, seule, de rendre compte.

L'enjeu de cette recherche n'est en effet pas simplement d'en débusquer les traces dans notre aujourd'hui, de la description des restes du port négrier de Bordeaux à ceux de la ville impériale de Cherbourg, en passant par ces stigmates déposés dans notre langue, de «bougnoul» à «kiffer», mais d'en révéler le présent, à travers par exemple le scandale du chlordécone aux Antilles.

Le recueil s'ouvre du reste avec force sur cette mémoire photographique du 17 octobre 1961, exposant le graffiti du quai de Seine : «Ici on tue les algériens»...

Une histoire qui pose ainsi une question simple, toujours d'actualité : comment l'histoire des ponts (celui de Doumer en Indochine par exemple), et des écoles, a-t-elle pu nous absoudre de toutes les atrocités commises ? Travail forcé, massacres, pillage des ressources naturelles, déculturation, le fait colonial n'en finit pas de fracturer notre société.

Cet essai tente donc de saisir le fait colonial sous tous ces angles, ouvrant largement ses pages aux études et récits des colonisés pour nous aider à voir cet objet des deux côtés.

Ouvrage décisif donc, pas seulement parce qu'il comble les manques, sinon les manquements, mais parce qu'il offre enfin la possibilité de réécrire une Histoire de France inscrite dans le monde et dans son vrai parcours.

Rappelons à ce propos que jusqu'au XXème siècle, la colonisation était envisagée comme un fait extérieur, sinon étranger à l'Histoire de France. Aujourd'hui encore, entré tardivement dans les manuels scolaires des lycées comme un épisode et non la structure même de l'Histoire de France depuis quelques cinq siècles, il reste étranger au collège. Or, comment comprendre l'Histoire de France sans appréhender celle de ses colonisations, sans lesquelles la France ne serait pas ce qu'elle est ?

Exclue de nos mémoires, la colonisation par exemple n'apparaît en 1992, dans l'immense travail sur notre histoire culturelle dirigé par Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, que dans une seule contribution, sur 130 ! Et encore, une contribution autour d'un événement parisien circonscrit dans le temps, celui de l'exposition coloniale de Paris en 1931... Comme si cette histoire n'avait pas imprégné totalement l'Histoire de France depuis cinq siècles ! Comme si cette histoire n'avait pas imprégné nos mentalités, notre culture, notre économie, notre politique....

Fort heureusement, l'historiographie de ces dernières années en a fait l'enjeu majeur des avancées des disciplines des sciences sociales, conduisant à rebâtir la démarche historienne autour de cet objet, renouvelant au passage tout le champ disciplinaire des sciences sociales.

 

 

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Colonisations, Notre Histoire, sous la direction de Pierre Singaravélou, éditions du Seuil, septembre 2023, 944 pages, 35 euros, ean : 9782021494150.

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