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27 mars 2017 1 27 /03 /mars /2017 09:38

Popovic fut l’un des activistes à l’origine du mouvement Otpor («Résistance»), qui fit tomber Milosevic. Depuis, il enseigne l’activisme non violent à l’Université de New-York et parcourt le monde pour enrichir cette expérience qu’il a fini par partager avec tous les mouvements d’émancipation contemporains, en particulier dans les pays arabes. Avec ce livre, il tente de récapituler son expérience et son savoir pour livrer des conseils aux gens ordinaires qui voudraient changer le monde. Comment du reste ? En commençant petit nous dit-il, comme à Belgrade, où tout a commencé par un pochoir qui en une nuit couvrit les murs de la ville. Un simple pochoir d’un poing ganté de noir, en mémoire de ceux brandis par Tommie Smith et John Carlos aux J.O. de Mexico, en 68. Un simple pochoir et le lendemain, la ville s’éveillait autre déjà. Un espoir était levé. Inutile d’affronter la police, nous dit Popovic : elle est trop bien préparée, trop bien armée. Pas la peine de porter sur le devant de la scène un leader charismatique : cette grammaire n’appartient pas aux luttes réellement émancipatrices. L’humour pour clef, le rire comme seule arme, comme pour ce lâcher de dindes dans les rues de Belgrade, qui vit la police se ridiculiser à tenter de les attraper toutes… Les anecdotes sont savoureuses. Popovic nous apprend l’art du canular, celui de formuler des objectifs restreints que l’on peut tenir et non d’engager un combat que l’on sait perdu d'avance, ou de courir à la remorque de belles idées généreuses, mais abstraites. Il faut commencer petit et choisir le bon combat, quand on veut finir grand. Et Popovic de rappeler que Gandhi ne demanda pas d'abord l’indépendance, mais se battit pour le sel. Une cause simple, apolitique en apparence, qui touchait la vie de tout le monde et permit d’impliquer tout le monde, de mobiliser tout le monde. Et c’est bien le sel qui perdit les britanniques. Il faut mener des batailles au plus près de ce qui touche le plus grand nombre. A San Francisco, Milk finit par le comprendre et connut le succès dès lors qu’il s’attacha d’abord à combattre le calvaire quotidien des déjections canines sur les trottoirs. Pour en dérouler ensuite le fil et révéler la vraie cause du mal qui gagnait les citoyens de San Francisco. Mais ce sont les crottes des chiens qui lui permirent de se les rallier. Or la seule force dont nous disposons, c’est notre nombre. Et derrière chaque problème, aussi minime soit-il, chaque obstacle au mieux vivre, c’est tout le fil de la domination néolibérale que l’on peut dérouler. Mais il nous faut d’abord des petites victoires. Bloquer le cours normal des choses. Créer ensuite un réseau, puis une coalition, puis un programme. L’analyse qu’il nous livre du mouvement américain, Occupy Wall Street s’en trouve dès lors très instructive pour nous qui avons vécu un mouvement trop proche d’Occupy. Popovic le décortique, montre déjà à quel point le choix du nom du mouvement était fautif : 99% aurait été plus parlant. Tout comme était vain ce choix de commencer un mouvement qui se devait d’être de masse, par une occupation de place. D’entrée de jeu. Tout comme à Paris, Place de la République : Nuit Debout tout comme Occupy a pris comme nom une tactique, et tout comme Occupy a choisi de commencer par l’occupation d’une place publique, quand par exemple la Place Tahir n’a été occupée qu’au terme de deux années de luttes… Or l’occupation est une arme qui ne peut se montrer payante qu’en fin de course. Elle est la dernière étape de la lutte, non son origine. La dernière ligne droite d’un parcours révolutionnaire…

Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, petit et sans armes, Srdja Popovic, éditions Payot, traduit de l’anglais par Françoise Bouillot, août 2015, 286 pages, 15 euros, ean : 9782228913751

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