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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 05:00

rroms-en-bidon-ville.jpgDepuis des décennies, l’immigration des roumains en France est restée stable, tout autant que celle des Rroms roumains, qui s'est maintenue à 10% de la population roumaine migrante (chiffres du Minsitère de l'Intérieur). La seule chose qui ait changé, c'est leur visibilité et la pression raciste orchestrée par le gouvernement en place à leur encontre, modifiant sensiblement leurs conditions de séjour en territoire français et les modes même d'organisation de ce séjour...

L’essai signé par Martin Oliviera, publié dans le cadre des conférences débats de l’association Emmaüs données à l’école normale supérieure est intéressant à décrypter de ce point de vue.

Analysant tout d'abord la structure sociale des rroms migrants, Martin Oliviera montre qu'elle est comparable à celle des populations rurales des autres régions d'émigration. Des migrations de parentèles ou d'individus isolés, mais dans tous les cas, de groupes très divers que l'on ne peut subsumer aussi commodément qu'on le fait en France sous l'appellation commune de Rroms. Il n'existe en fait aucune homogénéité de ces communautés rroms migrantes, issues de migrations locales restreintes, que l’on ne peut comprendre que dans le cadre des mobilités village-ville. Une migration en tout point comparable aux migrations de ce type : non un déplacement sans retour, mais au contraire avec espoir de retour, ce qui est le cas de toutes les migrations économiques qui prennent sens dans le cadre de stratégies individuelles ou familiales.

Les villes cibles de ces migrations, elles, semblent clairement établies dans les régions parisienne et lyonnaise, et pour cause : les expériences accumulées par les précédents migrants les désignent comme des régions d'accueil intéressantes, du point de vue des opportunités d'emplois qu'elles offrent, tout autant que de la sécurité des personnes.

Mais avec la montée en puissance des discours et des actes de violence raciste à l'égard de ces populations, depuis 2006, on assiste au redéploiment de cette émigration, qui a fini par identifier les foyers racistes à risque, ainsi que les zones où le zèle policier est le plus fort.

Ces redéploiements désordonnés, désespérés, sont la vraie nouveauté des migrations des roumains en France. Des populations qui ne cessent pourtant de nourrir d'autre objectif que celui de leur insertion sociale ! Car ces familles veulent s’intégrer, trouver des moyens économiques légaux de vivre, à commencer par le logement.

Or cette volonté de stabilité est perpétuellement contrariée par une juridiction restrictive de leur liberté de déplacement (au mépris des lois européennes), tout comme de leur accès au marché français de l'emploi ou aux droits sociaux, la France ayant réussi à faire inscrire dans le Traité européen une clause dite de «régime transitoire», autorisant cette discrimination.

L'impossibilité d'accéder à des ressources légales a ainsi compliqué sérieusement cette immigration légale, la transformant en véritable souricière pour les Rroms. On le voit par exemple dans leur mobilité actuelle, bien différente encore une fois de ce qu'elle était avant l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy : les populations Rroms ne cessent de fuir à l'intérieur de périmètres très circonscrits, n'excédant pas, la plupart du temps, 10km, ce qui, on l'avouera, est l'expression d'un bien étrange «nomadisme»... On a vu mieux, non, en guise de nomadisme !

Tournant désespérément dans ces périmètres qui sont pour eux des périmètres d'intégration, la mobilité forcée de ces groupes les fait apparaître ainsi plus nombreux qu’ils ne sont en réalité. Premier constat : ce nomadisme contraint par les circonstances politiques ne traduit en réalité qu’une adaptation à un environnement hostile, non un idéal de vie ! Et quant aux fameuses caravanes, elles ne sont qu'un type d'habitat à moindre coût choisi par une populaiton contrainte de rester toujours en mouvement, un habitat qui, en retour, l'expose à une plus grande précarité face à ses droits (comment se domicilier dans ces conditions, comment inscrire ses enfants à la crèche, à l'école, comment bénéficier de l'aide médicale, etc., quand on ne peut justifier d'un domicile ?).

Face aux dangers qui les accablent et à cette précarité nouvelle qui les enferme, les Rroms ont également dû se regrouper en parentèles élargies, un mode de vie qui leur était étranger en Roumanie ! On contraint ainsi une population à inventer un mode de vie qui n'est pas traditionnellement le sien... Pour dire les choses clairement, la France raciste leur a inventé un mode de vie lié au problème permanent d'expulsion des terrains, fomentant des installations toujours plus précaires, qui prennent de fait la forme de campements, achevant ainsi de réaliser les fantasmes du pouvoir politique français...

 

 

Roms en (bidon)ville : une conférence-débat de l'Association Emmaüs et de Normale Sup', Martin Oliviera, éditions rue d'Ulm, oct. 2011, 5 euros, 84 pages, ean : 978-2728804665.

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21 février 2012 2 21 /02 /février /2012 05:00

Voilà près d’un siècle que la réception de Weber campe sur l’interprétation de Lehmann, affirmant que sa thèse se voit rarement confirmée par l’analyse des historiens.
Quelle thèse ? Celle d’une conjonction entre protestantisme et capitalisme. Voilà près d’un siècle que la vulgate, y compris dans les milieux universitaires, prête à Weber l’idée que les exclus des grandes charges publiques, cherchent à s’investir dans les sphères marginales des métiers de l’argent. Or rien n’est plus éloigné de Weber que ce type d’assertion ! Le seul objet d’étude que ce dernier s’était fixé n’était autre que celui de la rationalité à l’œuvre dans l’esprit du capitalisme, portée par des hommes de foi très peu marginaux ! Ce que Weber postulait en définitive, n’était rien moins que l’examen d’un principe tiers : la spécificité de la ratio occidentale. Les termes qu’il mettait ainsi en relation, n’étaient pas vraiment protestantisme et capitalisme, mais ce qui, dans l’un et l’autre, relevait de cette nouvelle rationalité. Moins donc ce qui dans la religion protestante l’inaugurait que ce qui avait permis à la religion protestante d’émerger elle-même. Une petite différence, certes, mais qui n’est pas sans importance : on ne peut réduire le capitalisme à de prétendues origines protestantes. Sans doute cette réduction vient-elle, par-delà les malentendus inauguraux de sa réception, de ce que le texte de référence, en France en particulier, est resté celui de 1905, alors qu’il fut largement réécrit dans sa version de 1920. C’est cette version qu’offre Champs-Flammarion.
Mieux qu’une traduction inédite, l’accès enfin donné à la compréhension savante de Weber.
—joël jégouzo--.

L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber, traduction inédite et présentation par Isabelle Kalinowski, Flammarion, coll. Champs, janvier 2000, 396p., 5 euros, EAN : 978-2080814241.

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 05:02

habitants-des-bidonvilles.jpgDans les années 60 commença la grande résorption des bidonvilles en France, plus particulièrement ceux de la région parisienne, qui restèrent visibles jusqu’au milieu des années 70.

En 2002, ils étaient de retour.

En 2005, un nouveau plan fut conçu pour les éradiquer. Vous lisez bien : les détruire, et non prendre à bras le corps le problème du logement, dont on sait tous ce qu’il est devenu avec la spéculation immobilière : 1/3 des SDF sont des salariés pauvres.

Détruire les bidonvilles donc, par des opérations de police, sans reloger leurs habitants : la logique dans laquelle s’est inscrite ce plan relevait de la seule gestion des indésirables.

Le gouvernement Sarkozy en profita pour stigmatiser au passage une population, celle des Rroms, accusés de venir "camper" aux portes de Paris, en vue d’assiéger la capitale sans doute…

Cette focalisation raciste sur une prétendue question Rrom permit, par l’ethnicisation de la pauvreté, d’éviter à avoir à interroger les causes structurelles de l’augmentation de la précarité en France, ni moins encore l’apparition de formes nouvelles d’exclusion sociale (chômage de masse vertigineux, salariat pauvre, précarité galopante, etc.), qui précipitaient des populations entières dans cet habitat de la grande misère.

On communiqua alors sur les "campements illicites".

On gomma l’ancien vocabulaire de la misère. Le mot de bidonville fut effacé des communications officielles. La presse porta de ce point de vue un secours très utile au gouvernement. Peu nombreux furent les journalistes à enquêter sur la situation des travailleurs pauvres contraints de vivre dans des abris de carton.

On entonna donc massivement le couplet des "gens du voyage", des "nomades" poussant l’insécurité aux portes de nos belles villes, saisies il est vrai par la grâce d’une gentrification accélérée, qui s’accommodait mal de la présence des pauvres dans leurs rues…

La logique publique ne déploya ainsi que le seul instrument de la répression aveugle. Il fallait punir les pauvres, les chasser toujours plus loin, les disperser. Et instrumentaliser cette pauvreté dont on savait qu’elle était récurrente désormais, pour organiser la chasse aux Rroms, objet d’une communication politique intensive.

Mais surtout pas accompagner la grande misère. Les habitants de ces bidonvilles n’étaient évidemment pas tous Rroms, il s’en fallait de beaucoup. Et quand ils étaient Rroms, il s’agissait en outre moins d’une immigration illégale que parfaitement légale : les 10 000 Rroms roumains recensés par le Ministère de l’Intérieur avaient le droit, depuis janvier 2007, de fouler notre sol à la recherche d’un travail. Rappelons que cette immigration était en fait légale depuis les années 2002, et que les contraintes formulées à son sujet étaient de longue date draconiennes : chaque migrant devait être en mesure d’exhiber 500 euros en liquide et un billet retour, souvent confisqués par des douaniers peu scrupuleux –une plainte est à l’étude au niveau européen concernant ce racket… Le taux d’émigration des Rroms en France était, lui, de tout ce temps, resté inchangé. Il n’y avait eu aucun déferlement, malgré la montée en puissance de la misère en Europe.

 

 

Image : des habitants des bidonvilles photographiés par Le Parisien…

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 11:28

morte.jpgUne France forte… L’assignation vaut son pesant de cacahuètes.

Une France forte, celle qui existe déjà, celle qui gagne : celle de Nicolas Sarkozy, Président de la République avec ses +172% d’augmentation en 2008, quand pendant ce temps, 5 millions de français se contentaient de vivre du SMIC.

Une France forte, celle qui gagne, celle de Jean-Paul Agon, PDG de l’Oréal avec ses 10,7 M€ de revenus annuels. Celle des 32 million d’euros remboursés à Liliane Bettencourt par le fisc en 2010, mais non pas celle des 1000 chômeurs supplémentaires par jour depuis que Nicolas est Président.

La France forte, celle qui gagne, celle des 75 milliards de cadeaux fiscaux aux plus favorisés.

La France forte, oui, mais de ses 36% d’augmentation du chômage des cadres entre 2008 et 2010.

De ses 27% d’augmentation du chômage des ouvriers au cours de la même période.
De ses 28% d’augmentation du chômage des employés au cours de la même période.

De ses 36% d’augmentation du chômage chez les plus de 50 ans au cours de la même période.

De ses 13,5% de pauvres.

De ses 20% d’augmentation du nombre de pauvres depuis 2002.

De ses 14 années de smic supplémentaires encaissées par les 0,001% de français les plus riches entre 2004 et 2008…

La France forte d’une amoralité sordide masquant à peine que sous le cadavre de la France d’en bas repose une plage, une vraie, où les nantis se dorent la pilule.

Et demain, la France plus forte encore… L’horreur est donc à venir. Notre seul avenir commun, semble-t-il, tant cette France est forte de sa surdité étatique.

Superbe pied de nez au demeurant, d’une France d’en bas ruinée par une certaine idée néo-libérale de la Nation française ! "Ruinée" : cela dit assez que la France d’en haut voudrait imposer un cheminement pseudo éthique à l’opinion, en demandant aux plus désespérés de garder une conduite exemplaire ! Enorme mystification : car l’option morale est en fait une option politique au sein de laquelle l’intolérance est devenue la norme. Une norme institutionnalisée par l’Etat lui-même !

Une France forte… Payons-nous de mots à défaut d’euros…

Mais comment ne pas reconnaître le caractère imaginaire des objets qui nous sont proposés pour "faire France", par un président au bout de son propre rouleau ?

Voyez-le évoquer cette fiction sordide : il faut obliger les chômeurs à se former… Quand le même homme n’a cessé de détruire le marché de l’emploi.

La France, mais de quel enracinement national nous parle-t-il donc, à ne cesser de convoquer une pseudo réalité sociale tronquée.

Quelle fiction sa France ! Voyez comme il produit cette fiction, goûtez la merveilleuse manipulation d’une vraie crise dont les conséquences ne portent que sur l’immense majorité du Peuple de France. Que dire de ces bouffées énonciatives, sinon qu’elles jouent pitoyablement de l’effet de réel mais que dans le même temps, elles ne font que bâtir une fiction qui n’articule qu’un récit hypocrite.

La France forte. Mais pas les français. Voyez combien ce discours nous écarte, nous aliène, nous déplace sous une fallacieuse contingence géographique au demeurant très floue, aux contours incertains, repliée à l’intérieur de frontières qui sont tout, sauf naturelles… Voyez combien ce discours s’avère n’être qu’une vaste conspiration contre toute espèce de vie sociale. Car lorsque le discours public ne sert qu’à proférer avec un tel aplomb des arguments aussi spécieux ou à rendre honorables des idées ignobles, dont celle qui tend à faire des chômeurs les coupables de leur situation sociale, ce qu’il y a au bout, c’est bel et bien la mort collective.

Le populisme noir donc, pour ultime vérité d’un Peuple fossoyé. Une pathologie sociale terrifiante pour bilan, où le monde des citoyens de la France d’en bas a lentement pourri. La France d’aujourd’hui ? Une foule tragique, forclose dans ses gestes de désespérés. Un vrai crime pour exclus, que ce roman noir de la société française contemporaine. Un vrai crime d’Etat.

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 09:25

grece.jpgFaut-il sombrer dans une sorte de pessimisme anthropologique et déclarer que l’homme est mauvais et s’en contenter ? Faut-il finir par croire que nous autres, européens, ne sommes au fond que les héritiers du fascisme et du national-socialisme ? Et nous décourager de les voir tous les deux relever partout en Europe leur tête immonde ? A commencer par l’Autriche, et au grand jour encore, déblayant l’horizon sinistre d’un monde usé jusqu’à la corde. Silence radio du reste sur l’Autriche partout en Europe, un silence qui signe un aveu d’impuissance, sinon d’acceptation… Autriche, Allemagne, France, le tiercé néo-fasciste de tête, où les mouvements d’extrême droite peuvent nourrir l’espoir d’un revival féroce, tant les relais de ces Etats leur sont favorables.

L’Europe raciste se conjugue à merveille sous les ors de la République…

greece12.jpgEt pas loin du tiercé de tête, la Norvège, les Pays-Bas embusqués (aux élections de 2009, l’extrême droite atteignait 17% des suffrages). Et le Danemark encore, la Hongrie et tous ces pays dans lesquels les gouvernements ont passé des accords avec les partis d’extrême droite, ou confié des portefeuilles ministériels à des racistes patentés, sinon à d’authentiques fascistes, comme en Italie. Pas l’ombre d’un franc-tireur dans cette ronde étatique, ni la Belgique ni la Suisse, la liste est longue, des reniements. Et partout, des populations livrées à la violence économique. Comme en Grèce, qui revit aujourd’hui l’affreux cauchemar des colonels, sous les traits de néo-colonels de la Finance cette fois…

glezos2.jpgPartout des populations offertes aux coups de sociétés malades. Partout des populations livrées à la maltraitance économique, à l’exercice légal de la violence économique. On a légiféré cette fois en Grèce sur l’adoption d’un salaire minimum culminant à moins de 600 euros par mois ! Sans considération pour la misère réelle dans laquelle ce salaire allait plonger des millions de grecs ! Alors que la misère tue ! Mais voilà une violence dont on peut être sûr que le Droit européen ne l’inscrira pas au registre des crimes punissables. Tous les militants des droits de l’Homme feraient bien de se méfier du reste : les prochaines élections ne leur permettront peut-être pas de ne pas finir dans des stades, et cela bien avant que le capitalisme ne nous régale de sa fête sauvage et ne finisse en apocalypse…

Il y a un cadavre dans le placard de l’Union Européenne : celui des Peuples d’Europe…Il n'y a qu'à voir la manière dont on traite les grandes figures de la Résistance contre le nazisme, en Grèce par exemple, où Manolis Glezos, l'homme qui osa arracher, en 1941, le drapeau hitlérien qui flottait sur l’Acropole, fut frappé lundi par la police lors des émeutes d’Athènes, parce qu'il dénonçait avec vigueur les menaces qui pèsent sur l’Europe sous la domination des marchés financiers.

 

Images : Manolis Glezos frappé par la police...

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 05:21

affiche-pauvres-morts-ou-vifs.jpgLe Tableau de la pauvreté en France déjà alarmant en 2009, n'a cessé d'empirer selon l’INSEE, en 2011. De l’aveu de l’institution, la situation s’est "considérablement aggravée". Jugement que partage le président du Secours populaire français, Julien Laupêtre. Une étude récente publiée par l'Institut de la statistique révèle même que 13,5% de la population de France métropolitaine est désormais considérée comme pauvre. Avec un peu de distance, 2009 n’aura constituée que la première année où les conséquences de la crise économique se seront pleinement fait ressentir. Or pour le Secours populaire français, la situation n'a cessé depuis de s'aggraver. Pour Julien Laupêtre,  "les pauvres deviennent de plus en plus pauvres mais il y a aussi des personnes qui ne s'attendaient pas à ce qui leur arrive : cadres, petits commerçants, petits artisans". "Ce phénomène, j'insiste beaucoup là-dessus, grandit", affirme-t-il. Il y a aussi "de plus en plus de travailleurs pauvres" (rappelons que 30% des SDF sont des travailleurs salariés), et la "misère" progresse dans les rangs des "jeunes", qui n'ont jamais été aussi nombreux à se tourner vers les organismes de secours identifiables. Constat partagé par le Secours Catholique : le pire est à venir. Selon lui, l’année 2012 montrera une progression encore plus importante de la pauvreté. "Ce sont certes, une fois de plus, la conséquence de la crise mais plus particulièrement celle de la progression du chômage et de la sortie du système d'indemnisation par Pôle emploi d’un grand nombre de Français en fin de droit", a commenté l’euro-député Robert Rochefort, et l’échec du président Nicolas Sarkozy, non seulement incapable de faire reculer la pauvreté comme il l’avait promis en 2007, mais qui n’a depuis cessé de jeter des masses toujours plus grandes de français dans la pauvreté. Si bien que la cohésion sociale est désormais mise à mal. Mais ce même président nous promet, s’il est de nouveau élu, d’en finir définitivement avec cette cohésion : référendum sur l’indemnisation des chômeurs, rendus responsables de leur situation, chasse aux étrangers… La pauvreté avait pourtant baissé en France des années 1970 au milieu des années 1990. Elle s’est installée depuis à un niveau élevé, jusqu’au début des années 2000. Puis elle est repartie à la hausse pour connaître un niveau sans précédent depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Depuis 2002, le nombre de personnes pauvres au seuil de 50 % a augmenté de 20 %. Voyez les chiffres de l’INSEE. Le mouvement de hausse y est très net et de l’aveu même de l’institution, cela constitue un tournant historique en France depuis les années 1960. Tandis que les 0,001% les plus riches en France ont gagné l’équivalent de 14 années de Smic supplémentaire entre 2004 et 2008… 

 

 

http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/FPORSOC11A_Sommaire.pdf 

Observatoire des inégalités : http://www.inegalites.fr/spip.php?article270 

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 05:04

the-wire-20080104024433106-000.jpgOn se rappelle Stringer Bell, maître d’œuvre de la seconde utopie de la série, développée en miroir de celle du major Calvin. Stringer Bell voulait sortir de la logique de guerre des gangs, réformer le commerce de la drogue. On le surprend sur les bancs de la fac, à suivre des cours d’économie et tenter de déchiffrer à la lumière des théories fraîchement acquises la crise structurelle qui frappe le marché de la drogue à Baltimore. On se rappelle sa volonté de faire coopérer les gangs, et celle de reconvertir son argent dans l’immobilier, Stringer Bell réalisant qu’il gagnerait cent fois plus d’argent dans ce commerce licite. Réinvestir dans le béton. Sous le couvert du financement des politiciens, sans qui rien ne peut se faire… On se rappelle ces belles analyses sur la fonction de fabrique d’identité des Corners. Mais Omar vient le flinguer. Omar le mercenaire, quelque figure de la vieille Amérique que Stringer Bell prend en pleine poire. Tout comme le programme de Calvin prend en pleine figure le retour du réalisme politique. Comme une fatalité. Mais qui aurait un nom, celui du cynisme des institutions qui sait toujours faire front à la grandeur des individus.

The Wire, cette série préférée de Harvard, au point que l’illustre université lui a consacré un séminaire. Une série portant aussi sur la tragédie structurelle du réformisme politique. Non : sur la tragédie que les institutions de la société néo-libérale font peser sur ses possibilités de réforme, au terme de laquelle on comprend que la nécessité institutionnelle ne peut être combattue que par une nécessité collective aussi puissante. Au terme de laquelle on comprend que les institutions ne peuvent être combattues par la seule volonté des agents qu’elles produisent, que seule une rupture collective peut autoriser un vrai changement, que seul un sujet collectif peut générer ce vrai changement, que ce genre de société ne peut se transformer de l’intérieur, qu’elle finit toujours par se reproduire et reproduire ses formes de domination.

the_wire_kenard.jpgOn peut bien, certes, exhiber les luttes nécessaires et les collectifs qui les tissent. On peut bien imaginer, esquisser d’autres formes de vie, voire arracher des territoires entiers (au niveau local, la démocratie directe est toujours possible) à l’oppression sociale qui nous enferme, on peut explorer d ‘autres modes de ré-appropriation collectives, toute radicalisation éthique de la praxis politique demeure sans issue : la liberté ne peut se déployer que dans l’espace commun. L’homme refusé, face à l’ampleur de la tâche qu’il entreprend, ne peut qu’abdiquer à la longue ou voir son œuvre détruite, tant que son entreprise de déchiffrement ne parvient pas à viser la possibilité d’une histoire collective. Il risque même de sortir de la vision politique du monde pour improviser une sorte de messianisme vain. L’indécidabilité de la promesse historique ne doit jamais suspendre l’action collective.

La saison 4 s’ouvrait sur la comédie électorale et la vacuité du monde politique. Tandis que le programme de gentrification se poursuivait dans le centre-ville. On votait, mais on votait pour que rien ne change. Le même revenait toujours. Chaque nouveau personnel politique se montrait incapable de produire du neuf : on échangeait les rôles, plutôt qu’on en changeait le monde, la vie, la société, conjuguant de la sorte les destins au futur antérieur.

Jusqu’au dernier cercle de l’enfer démocratique, incarné par la conspiration politico-médiatique. A la toute fin de la série, les médias venaient boucler le dernier cercle de l’enfer néo-libéral et célébrer la disparition de la société, la nôtre, où il ne restait qu’à survivre.

Une fracture. Celle qu’inaugura le discours néo-libéral, refusant au politique sa fonction structurante, inaugurant une politique séditieuse, alors que la politique est une lutte pour rendre le monde humain, non le déshumaniser en jetant les uns contre les autres.

Le marché ne peut devenir l’opérateur de l’ordre social. Qu’il s’agisse du marché de la drogue ou de celui des opportunismes politiciens. Faisons donc en sorte que le vote qui nous attend ne soit pas celui qui viendra refermer sur nous la tragédie du réformisme politique. --joël jégouzo--.

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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 05:08

gentrification21.jpgL’étude d’Eric Maurin et Dominique Goux sur les nouvelles classes moyennes révèle un embarras idéologique des classes moyennes, coincées entre désir d’élévation et peur de la chute sociale, auquel il faudrait vraiment s’intéresser de près et surtout, auquel il faudrait avoir le courage d’opposer un discours politique clair. Pour mémoire, la stratégie de promotion de ces classes repose essentiellement sur deux composantes : scolaire et territoriale, au prix d’une crispation sans précédent de ces deux secteurs de la vie sociale.

Au niveau de leur stratégie scolaire par exemple, il n’a jamais été aussi pénalisant d’échouer à leurs yeux –on imagine le discours que cela peut produire, en particulier en ce qui concerne l’hypocrisie de la méritocratie à la française. L’école est ainsi devenue, sous l’impulsion de ces classes angoissées, le lieu d’une concurrence généralisée, farouche, depuis la maternelle jusqu’au supérieur : à savoir jamais, dans l’histoire de l’école républicaine, sur une période de scolarisation aussi longue ! Les études compulsées dans l’essai en question révèlent ainsi que chaque année les familles de ces classes dépensent en soutien scolaire privé plus que l’Etat n’a jamais dépensé pour les ZEP ! Et dans cette course effrénée, ces familles ont fait voler en éclat les règles républicaines. Car il ne s’agit plus de faire en sorte que leurs enfants aient le bac : il faut qu’ils intègrent la meilleure filière, dans le meilleur lycée possible, celui qui proposera le plus de chance d’accéder aux mentions, mais aussi celui qui offrira les meilleurs réseaux sociaux ! Car il ne s’agit plus ensuite d’intégrer le supérieur, mais de rejoindre l’institution la plus sélective. De fait, ce que montrent ces études, c’est que les classes moyennes ont tourné le dos à l’école républicaine, se montrant désormais hostiles à la démocratisation de l’enseignement. Dans les actes, non dans les discours évidemment, où se fait encore entendre le lointain écho de leur dévotion à l’école de la République qui leur a permis, naguère, d’accéder via le diplôme aux classes supérieures… Quelle ironie pour ces classes qui ont massivement investi le secteur public, seul outil de leur promotion sociale…

Si l’échec scolaire survient dans leur parcours, il est donc sans appel : leur fragilité, le manque de ressources, ne permettent pas d’y faire face. Il n’existe dès lors qu’une stratégie de substitution : la résidence.

La stratégie d’exode des classes moyennes pour leur promotion sociale a ainsi eu pour effet pervers de consolider les inégalités sociales, par l’intermédiaire de la spéculation immobilière qu’elles ont accompagnée. L’identité résidentielle, étudiées ici à travers des données inédites, montre que le quartier de résidence est devenu l’une des dimensions les plus importantes du statut social des classes moyennes, un enjeu fondamental qui légitime tous les sacrifices, encourageant largement cette spéculation immobilière et la gentrification du cœur des villes, ou sa boboïsation à la française (conduisant au passage à la privatisation de fait -sociologique- des écoles publiques des beaux quartiers)… Et point n’est besoin de s’appuyer sur des études qualitatives pour le prouver : la sociologie urbaine exhibe à l’envi ces distances territoriales que les classes moyennes ont voulu établir avec les classes populaires par exemple, voire au sein des classes moyennes elles-mêmes, entre classes moyennes pauvres, moyennes et riches, selon une ségrégation inédite, chacun cherchant à exclure de son voisinage les familles les moins opérantes pour sa promotion sociale…

Le flou du discours politico-moral des classes moyennes est énorme, on le voit, touchant une population qui a connu depuis 1980 de fortes ruptures de carrières et qui tremble à l’idée d’un déclassement toujours possible, terreur opérant à une sorte de rupture de son imaginaire en touchant au plus profond : l’estime de soi. Rupture de son imaginaire, oui, au sens où l’efficacité politique, désormais, relève du providentiel sous couvert de promotion individuelle, l’empêchant par exemple de réaliser que, statistiquement, les emplois auxquels elle peut prétendre ne cessent en réalité de s’éloigner de ceux du sommet de la hiérarchie sociale. Le leurre, on le voit, est puissant, puissante cette pensée magique de transformation sociale qui lui fait prendre pour éthique ce qui ne relève que des techniques de l’opportunisme le plus plat, et lui fait prendre la liberté pour sa propre valeur. Et là où la solidarité était jadis une norme éthique de la société bourgeoise elle-même, ces couches sociales explorent des pseudos morales qui font des hommes des atomes sociaux. Que restera-t-il à l’agent historique quand l’histoire aura cassé toutes ses possibilités ? L’un de ces moments creux de l’Histoire où la société ne sera plus qu’une foule Tragique qui somnole… --joël jégouzo--.

 

  

Les Nouvelles Classes moyennes, Eric Maurin, Dominique Goux, Coédition Seuil-La République des idées, janvier 2012, 128 pages, 11.5 €, ean : 9782021071474.

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 09:12

classes-moyennes.jpgBien qu’évaluée à un peu plus de 30 % de la population, elles sont devenues le centre de gravité de la société française. Par comparaison, la classe populaire représenterait plus de 50% de la population, et la classe riche environ 10%. Mais la classe riche, on le sait, vote dans son immense majorité Sarkozy, tandis que la classe populaire, abandonnée par la Gauche de Pouvoir, ne vote plus, ou vote aux extrêmes –ce qui signifie évidemment qu’une frange de cette classe vote Sarkozy et qu’une autre vote Hollande, mais que ces deux votes ne sont pas idéologiquement majoritaires dans son camp, le vote frontiste et l’abstention pesant d’un poids plus lourd.

La montée en puissance des inégalités salariales, des inégalités de revenus, des inégalités fiscales, patrimoniales, spectaculaire depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, le développement ahurissant du précariat, de la pauvreté salariale, de la précarité sociale, tous devenus l’état permanent de la société française, la sécession des riches occupés à compter ailleurs leurs dividendes, l’invisibilité sociale et politique d’une masse toujours plus importante de citoyens, ont ainsi fait des classes moyennes le vrai enjeu de la société "politique" française.

Des classes dont la configuration autant numérique que politique échappe encore aux analyses, bien que toutes reconnaissent qu’elles occupent désormais une position de centralité sociale et d’arbitre politique, position qu’elles doivent assurément à la disparition politique des classes populaires, tout autant qu’à leur disparition statistique, de longtemps désirée idéologiquement par les deux grands Partis de Pouvoir.

Des classes un peu fourre-tout donc, essentiellement coincées entre leur désir d’élévation et leur peur de la chute, jouant les intermédiaires entre naguère le Peuple de France et cette noblesse politico-médiatique qui n’a cessé de trahir, autant le pays réel que le pays légal.

Un bloc médian hétéroclite, que l’INSEE peine à définir dans la hiérarchie des revenus, au point d’en conclure qu’il importe finalement peu de le classer par cet item, qu’il vaut mieux remplacer par une analyse qualitative, pourvu qu’on ne perde pas de vue que l’aspect dominant de ces classes, c’est qu’elles se sont constituées en point de passage obligé vers la promotion sociale, ou le déclassement.

Mais politiquement, des classes qui votent : elles veulent prendre en main leur destin. Qui votent cependant autant Sarkozy (c’est pour l’heure surtout le fait de la classe moyenne riche, qui a bénéficié de tous les cadeaux et avantages fiscaux du président des riches, dont le dernier en date, la TVA sociale, n’est pas pour lui déplaire puisque ne faisant pas peser sur ses revenus l’inconfort d’une solidarité imposée), que François Hollande (c’est surtout le fait de ses fractions pauvres et moyennes qui, ni prolétariat, ni bourgeoisie, apparaissent comme les vraies couches sociales nouvelles).

Donc des classes pour l’heure introuvables politiquement, glissant de l’un à l’autre bord au gré des opportunités qu’on leur offre de rallier enfin leur rêve d’ascension sociale. On le voit : un farouche acteur de la compétition sociale et l’arbitre politique des élections de 2012 (rien n’est gagné en somme).

Composées de groupes sociaux divers, elles disposent bien souvent de ressources réelles, symboliques ou financières, mais incertaines, fragiles : elles n’ont pas la sécurité des classes supérieures.

Leurs stratégies de promotion sont essentiellement de deux ordres : territoriale et scolaire. L’école et le lieu de résidence sont plus que jamais leurs outils de promotion. L’école, tout simplement parce que ne disposant pas au départ d’un réseau assez fort pour organiser son élévation sociale, seul le diplôme peut leur permettre d’accéder aux classes supérieures. Le lieu de résidence, parce qu’elles ont très vite compris qu’il était stigmatisant, dans cette France qui a laissé de vrais ghettos s’installer (conclusions d’un rapport de députés remis l’an passé à l’Assemblée Nationale), de vivre dans des quartiers populaires, et que mieux valait changer de quartier pour changer sa vie plutôt que de vouloir changer la vie avant…

Réalisme politique et social oblige, ces classes moyennes, qui naguère ont massivement investi le secteur public (que Sarkozy s’en préoccupe, lui qui n’a cessé d’affaiblir cet outil de promotion sociale qu’était le secteur public) elles se tiennent à distance des classes les plus modestes et s’accommodent sans guère d’états d’âme d’une société injuste. Sans guère signifiant qu’elles convoquent tout de même encore volontiers quelques beaux discours humanitaires pour se disculper de si peu de solidarité sociale. Ayant presque totalement déserté tout discours de Justice sociale, elles posent ainsi un vrai problème politique à la Gauche, car leur philosophie sociale est au fond tragique : pour elles, le progrès ne relève pas de la lutte des classes (elles en laissent l’appétence aux classes supérieures qui ont compris que cet enjeu existait bien toujours), ni des solidarités sociales, mais de la promotion individuelle, qu’elles ajustent par leur identité résidentielle qui leur tient lieu désormais d’idéologie. Rien n’est joué pour 2012 donc…--joël jégouzo--.

 

Les Nouvelles Classes moyennes, Eric Maurin, Dominique Goux, Coédition Seuil-La République des idées, janvier 2012, 128 pages, 11.5 €, ean : 9782021071474.

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 06:03

uburoi.jpgFaire et défaire le roi, tels auront été les battements de l’invention démocratique à la française. Faire et défaire le roi. Car nous savions que la politique était empreinte de malhonnêteté. De duplicité. Que cette duplicité lui était consubstantielle. Nous savions que le Pouvoir était de l’ordre de l’enfant-roi devenu un faux adulte. Voyez Nicolas, écoutez-le, regardez-le : enfant-roi accroché à ses désirs, qui ne se rend même plus compte que seule sa toute puissance momentanée (disposer du pouvoir) permet de le conserver comme être du désir. Petite machine précaire. Limitée. Dont la trahison est le vrai moteur, dont la trahison est l’inconscient même.

Faire et défaire le Roi. Pour rompre avec la duplicité de la philosophie politique telle que nous l’avons héritée de Hobbes, où l’unité se faisait sous le couvert de l’illusion et de la nécessité.

Mais il est temps, peut-être, de passer à une autre adresse. D’en finir avec cet assujettissement aux discours de domination au sein desquels, dans le pacte qui nous était proposé, la hauteur était la bassesse. Bassesse du renoncement. Comme de parvenir à nous faire accepter l’idée que pour donner de la profondeur morale à la machinerie politique, il fallait commencer par déposer beaucoup et se désister au profit d’un tiers tout-puissant ! Celle de parvenir à nous faire accepter l’idée de la main invisible façonnant le Marché. Celle de parvenir à nous faire croire que ce modèle produisait de l’être commun.

Il faut préférer l’illusion lyrique de la révolte au réalisme politique du renoncement.

Et de la même façon, cesser de croire que le savoir peut occuper la position du Maître dans les démocraties modernes.

Le lieu de la souveraineté ne peut être occupé. Le Prince n’est pas le Pouvoir. Le Marché n’est pas le Pouvoir. Le lieu de la volonté générale doit toujours resté vacant. De cette vacance du Peuple, hoï polloï que l’on ne peut envisager que comme un lieu d’errance et non identitairement clos.

Il faut donc cesser de croire aux vertus apaisantes du théâtre politique, voire même à cette catharsis selon laquelle la démocratie serait une conjuration symbolique du totalitarisme –qui ne fait que nous livrer à la tyrannie de l’enfant-roi. --joël jégouzo--.

 

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