
La nouvelle droite (socialiste) perd ses prébendes. La vieille droite les récupère. Et deux sénateurs Fn font leur entrée au Sénat. De quoi alimenter l’effraie républicaine et préparer demain le terrain du prétendu vote républicain. C’est lassant… Prochainement sur nos écrans, la Droite récupérera vraisemblablement le pouvoir. Le jeu de bascule y pourvoira, contre la peur du FN et malgré la déferlante abstentionniste. Le PS, lui, comptera les points, ne sachant trop où camper pour récupérer des voix. Son ancien électorat de gauche lui tournera le dos, avant même qu’il ait su convaincre l’électorat de droite de voter Valls. La fin du PS, entamée par François Hollande, son grand liquidateur, interviendra sans doute trop tard : il sera peut-être pris de vitesse par la recomposition made in Sarko, elle-même sur le doute mais s’offrant comme une nécessité pour sauver le camp des postiches républicaines. Valls, un temps, pouvait espérer organiser cette merveilleuse synthèse de l’UMPS. Mais il est sans doute trop tard. Encore que… Peut-être aura-t-il le temps de refiler le mistigri à Sarko. A vrai dire, seul le vieillissement du corps électoral parviendra à sauver nos vieux briscards de la votation… Et maintenir peut-être une dernière fois l’idée mensongère d’une partition gauche / droite. Une course est donc engagée, pour que le FN ne parvienne pas au Pouvoir mais fasse semblant d’y parvenir. Une course engagée par les partis de pouvoir : l’UMP, le PS et le FN. Qui n’est pas exclu de cette stratégie, bien au contraire : il en est la pierre de touche, fondamentalement nécessaire pour le maintien au pouvoir de nos compères de l’UMPS. Qui ne représentent plus rien, ni l’un ni l’autre. Faites le vrai décompte des suffrages exprimés, des nuls, des abstentions, vous le verrez assez ! La fin du PS est entamée. Donc. Son socle électoral se réduit comme une peau de chagrin malgré ses débordements à droite. Certes, il lui reste encore à piocher du côté des couches intellectuelles –en transit vers la droite historique. Du côté des cadres supérieurs aussi. Il lui reste bien sûr ses bobos attachés à leur gauchisme culturel, gauchisme culturel qui l’embarrasse tout de même un peu : un temps, Hollande avait courtisé les musulmans de France, mais si éloignés de nos bobos parisiens qu’il lui a fallu faire un sérieux grand écart pour tenter de les maintenir dans son giron. D’autant que le racisme souterrain des discours de Valls n’a pas non plus contribué à aider… Peut-être restera-t-il tout de même quelques fonctionnaires pour voter PS, ou sa refondation. Et quelques territoires privilégiés, dans tous les sens du terme : Paris… Mais il prend tout de même sérieusement le chemin de la disparition. Valls a beau rivaliser sur le même terrain que celui de Sarko, il lui sera difficile de séduire les abstentionnistes qui vont se compter par millions de nouveau. Ou ces français des territoires « périphériques » comme les nomme très justement le sociologue Christophe Guilluy, exclus de la richesse nationale. Reste à se partager avec l’UMP le gâteau des bénéficiaires de la mondialisation. Les derniers discours de Valls, relayés par le patronat, allaient dans ce sens. Mais il est bien tard tout de même…
Les éditions Gallimard ont réédité en 2010 les textes politiques de Jean Genet. Dont l’éblouissant Quatre heures à Chatila, écrit en octobre 1982, juste au retour de sa visite du camp de Chatila au lendemain des massacres perpétrés par les phalangistes, sous les yeux complaisants de l’armée israélienne. Chatila dont il a parcouru les rues jonchées de cadavres. Jean Genêt déambule parmi les corps suppliciés, raconte. Le silence assourdissant des soldats israéliens qui bouclent Chatila, installés à quelques mètres du camp et qui prétendirent n’avoir rien vu, rien entendu. Jean Genet raconte l’obscénité de la mort qu’il découvre à Chatila, l’infini épuisement des corps abandonnés dans la poussière des rues et qui ne peuvent rien cacher. Et l’armée israélienne, qui avait quelques jours plus tôt prévenu en secret les américains, les italiens, les français. Ces mêmes français qui venaient de se retirer lâchement à la veille des massacres. Quelle décision politique !
«J’enjambai les morts comme on franchit des gouffres». Pendant trois jours et trois nuits les commandos supplétifs avaient œuvré. Trois jours et trois nuits sous les yeux de l’armée israélienne. Qui leur apportait les vivres, l’eau. Et éclairait le camp la nuit pour qu’ils puissent sans risques traquer la population civile. Trois longs jours et trois longues nuits. Et François Mitterrand averti qui laissa se perpétrer le massacre. Combien étaient les phalangistes, s’interroge Jean Genet ? Relevant la topographie des lieux, il note simplement qu’il leur fallait être nombreux pour infliger de tels dégâts. Et qu’au quatrième jour, les chars israéliens étaient entrés dans Chatila, bloquant les survivants, mais laissant filer les assassins. Jean Genet décortique les conditions de possibilité d’une telle horreur. Il note qu’à quarante mètres de l’entrée se trouve l’hôpital Acca, occupé par l’armée israélienne. Et partout ne voit que des corps suppliciés avant d’avoir été abattus. «Qu’est-ce qui n’est pas vain dans ce monde ? C’est à vous que je pose cette question, nous demande-t-il par-delà les âges. Vous voyez que c’est surtout vous qui acceptez les massacres et qui les transformez en massacres irréels. La révolte de chaque homme est nécessaire», conclut-il.
Jean Genet, L’Ennemi déclaré, textes et entretiens choisis 1970-1983, Folio, 7 octobre 2010, 304 pages, 7,40 euros, ISBN-13: 978-2070437863.