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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 05:41

pessoa-a-table.jpg

 

 

 

 

Tous les soirs mes amis, morts,

Viennent s’asseoir à ma table.

 

Je leur sers du vin

Ils me servent du Temps passé

Je leur dis mon amour et mon chagrin

De les voir, de moi, si éloignés

 

 

Si raisonnables

Alors qu’ils étaient

Feu de joie étonnement

Cris de rage et de révolte

A pleines poignées.

 

Ils me sourient

De leurs bouches sons de velours

Revire voltent tournoient ivres

Se posent sur un manège

Cheval baleine la vie est pleine.

 

Délicieuses flammes aimantées

Leurs pensées

Viennent à ma rencontre.

 

Poignards de soie

D’authentiques Orients

Me déchirent la raison.

 

Que du désir

Que des luttes

Que des Éphémères

Zanzibars

Tristes et Utopiques

 

"Mar", mer amère

Insupportable distance

"Rio", fleuve fuyant

Mémoire serpent

 

Dans tous mes rêves

Les étoiles volaient haut

Alors que la réalité

Les dénonçaient

A raz des porcheries

 

Je m’en vais bientôt

Une pensée perdue

 

Entre-temps,

Tous les soirs mes amis, morts,

Viennent s’asseoir à ma table.

 

MFM.

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9 juin 2011 4 09 /06 /juin /2011 08:30

glaneuse.jpg

KAMEL LAGHOUAT,

LA GLANEUSE

(Ils veulent diminuer le nombre des morts pour faire grimper celui des vivants…)

 

"Encombrée de ballots elle avançait vêtue de noir les étoiles du matin annihilées.

Elle avançait sur la place du marché, un lourd sac au bout de chaque bras rempli de sa récolte, des choux, des pommes, les légumes que les marchands jetaient à terre.

La foule des pauvres, peuple en souffrance, fugitif,

Nos voix pour le soutenir, béquille tandis que des ombres agonisent contre les murs des parkings.

Elle avançait les épaules fléchies le soleil de juin nu comme un tombeau.

Cris rauques, huées, on déblayait la place, déjà les machines poussaient les fruits que les pauvres disputaient aux chiens.

Elle veillait à son bien, quatre gros sacs.

Je la voyais, un sac l’autre, les éléments épars d’une violente cruauté,

A côté d’elle nos ruines, la misère, quelle affaire.

Elle s’est couchée plus loin, lasse.

Nous avons dû mourir ensemble déjà.

Nos corps doivent êtres là-bas.

Son voile couvre la colline

Son voile couvre le pays.

Je vous écris depuis sa mort bordée d’épaves,

naufragée vacante où la question sociale est devenue celle de l’utopie ou de la mort, les uns se couchent les autres sont morts déjà,

baiser aux fronts des mères calleuses."

 

A la fin, la démocratie était seulement le moyen pour les politiques de laisser crever les gens sans faire de vagues. La convention UMP vient de valider les aménagements au dispositif imaginé par l'ancien Haut Commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch -qui n’a pas osé s’y opposer au delà de quelques propos reflétant son amertume. Faisant fi de l’engagement du Président de la République, décidément devenu plus que jamais celui des riches, l’UMP projette de contraindre les bénéficiaires du RSA aux travaux forcés, 5 heures hebdomadaires –sur les marchés, sans rire, commentait l’un d’entre eux- en échange de leur maintien en survie… Le poème de Kamel Laghouat, 19 ans, évoque au fond mieux qu’aucun commentaire la situation dont on parle. --jJ--

 

 

Image : Denis Bourges, qui présenta pour les 20 ans de Tendance Floue une série intitulée "Border life", dont les images résument son regard sur le cloisonnement et la frontière. Ici, une glaneuse au marché Aligre, à Paris, en 2010.

 

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5 juin 2011 7 05 /06 /juin /2011 10:09

burroughs2“Take a page of text and trace a medial line vertically and horizontally.

You now have four blocks of text : 1, 2, 3 and 4.

Now cut along the lines and put block 4 alongside block 1, block 3 alongside block 2.

Read the rearranged page.” (The Third Mind p.14)

 

 

 

Truth is here when all words are rubbed out, même s’il n’y a pas de mot à craindre quand on les sort du temps.

Il me semble que tu l’avais vu, à Paris, dans les années 90, riant de se draper encore si bien en lui. J'attendrai ici. Nous voyagerons dans le temps, mais pas trop : je reviens moi-même d’un voyage de mille ans. Qu’on siffle un verre. Ce qu’il reste d’être. Un nouvel imaginaire peut-être.

 

 

 

William S. Burroughs and Brion Gysin, The Third Mind (1965), Crayon, gelatin silver prints, letterpress, offset lithography, and typescript on graph paper. Los Angeles County Museum of Art.

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 05:06

ane.jpgl’âne impassible

inerte les yeux éteints,

le sang au front de l’animal

 

 

Les mains ne concèdent rien

Frappent,

là-bas

 

 

 

tout le monde sait,

les ânes

dans cet étroit du monde le ciel chargé de cendres

un moment élevé

 

aujourd’hui l’ombre est d’un autre le monde tourne sa voile

sous l’air soufré des guerres

halète

halète des bouts de tissus colorés

au milieu des aires

tenaces du royaume promis

 

 

 

Kamel Laghouat, né en 1992, franco-algérien.

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 06:23

munch_TheScream.jpg

 

Si,

Aujourd’hui,

En ce moment même,

MAINTENANT,

Juste au moment où vous me lisez,

Si

Je devenais un Dieu bon

Puissant et efficace,

JE FINIRAIS

Avec l'humiliation

De la pauvreté,

La bouche ouverte

D’étonnement

A l’injustice subie,

Le cri rauque et animal

De celui

A qui la torture

Déchire la chair,

JE FINIRAIS

Avec le désespoir

De la solitude,

Et je ferais

S’asseoir à ma table

Mes morts à moi.

Demain je n’écrirai

Plus aucun poème,

Car aujourd’hui même

Je me suis entièrement

Recouvert

D’un insolent désir

De vouloir écrire

Mon plus beau poème

DEMAIN.

 

Merci Monsieur Rudyard Kipling

 

Mario Freire de Meneses, poète franco-portugais.

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19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 06:26

pongenotes.gif"Parler les choses", dit Ponge, et non parler des choses.

Le soleil à l’aube où puiser son courage, celui qu’il faut par exemple, pour se décider à parler.

Le parti pris des mots, compte tenu de la clôture du langage, dans l’illusion de dire les choses, ajoutant à leur monde muet le raccommodage du nôtre, ravaudé au fondement du mot, cette chose aussi incongrue qu’incertaine,

N’exprime

ni quelque vérité ni quelque souffrance, travaillant simplement la langue son matériau, comme dans cette sorte de peu mallarméen -que Mallarmé finit par disperser au-dessus de nos têtes (ce n’était donc que cela, la création littéraire, un pur jeu formel ?).

A quoi relier le langage ?

Ou bien chercher, à l’intérieur du même, dans ses recouvrements bêlants, une épaisseur,

creuser jusqu’à la matière sensible, analogue à cet inaccessible des choses ?

N’y aurai-il que du tragique à prendre le parti des mots ?

Ou de la jouissance -ce qui revient au même.

ponge-visuel.jpgRetournez les mots encore, défigurez le beau langage conseillait Ponge.

D’un coup de style plutôt que de dé. Refusez la fermeté péremptoire des cénotaphes.

Le parti pris des choses. Qu’un galet remonte le Déluge -(Paulhan s’en agaçait, prétendait que Ponge confondait (il le dira), poésie et méditation).

Méditer alors.

L’appel des choses dans leur secret mot d’ordre, loin du ravissement citadin, comme si les mots pouvaient avoir partie liée avec la nature. Le brin d‘herbe, le coquelicot, que risquer à le dire ? S’arracher à la rumination langagière ambiante ?

Au Chambon-sur-Lignon, Ponge situait le lieu où les choses étaient, croyant toucher à l’illumination rimbaldienne en caressant le rhum des fougères, les fougères, enracinées dans son regard.

Ni ceci ni cela pourtant, la conscience épousant quelqu’ultime raison, mieux, les occultant toutes dans le sensible de l’émotion. (Moins panthéiste qu’on a voulu le croire cependant, l’ami Ponge, plus chrétien qu’il ne l’a avoué dans ce renversement des arrogances, quand il plonge, remonte la chaîne, refait tout le chemin de l’évolution vers la cellule, en réserve de l’humain).

Les façons du regard alors. Ponge dit l’œil, supplication "aux muettes instances que les choses font qu’on les parle pour elles-mêmes, en dehors de leur signification".

Ne resterait qu’à se lancer, décrire la sympathie universelle, comme il l’écrit en 1953, cette "motion que procure le mutisme des choses qui nous entourent". Franciscain, Ponge. S'épinglant au premier brin d’herbe venu, pour découvrir qu’il n’y a rien à entendre : la feuille ne dit que l’arbre.

ponge-folio.jpgParler les choses... Et jouir de l’énoncé.

Parler les choses, non pas décrire leurs qualités –cela, c’est l’affaire des botanistes. Mais contempler leur reflet en nous. Peut-être même pas : prier, se reposer en elles, accomplir cette sorte de retour vers la douceur immanente des choses, que Ponge appelle raisons de vivre.

En 1947, Ponge donne une conférence : "tentative orale", au cours de laquelle il fomente une forêt dont les "troncs gémissent, (… les) branches brament". Elle rend un son, cette forêt. Alors Ponge de se rappeler Malherbe, qui savait muer la raison en réson. La résonance. Dans quel vide de pensée la faire tenir ? L’arbre en alexandrin de Ponge nous en dit-il quelque chose ? Que la forêt ne soit plus une métaphore ! Le sens se donne et se retire, dans sa copieuse foliation.

Son De natura rerum, au fond, bruissait peut-être encore de trop de l’infime manège du verbe des salons. L’évasion en fin de compte, plutôt que la contemplation. Ponge y réussit pourtant : le poème comme phénomène, exclu de la Cité. --joël jégouzo--.

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17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 05:53

pessoa-copie-1.jpgLife lived us, not we life. We, as bees sip,

Looked, talked and had. Trees grow as we did last,

We loved the gods but as we see a ship.

Never aware of being aware, we passed.

 

Points Seuil édite en un seul volume les poèmes anglais de Pessoa. Loin du tapage littéraire, conscient de son talent, Pessoa écrivit tout au long de sa vie des poèmes sublimes. Des poèmes qui ne visaient en rien une quelconque idéalisation du monde et ne cherchaient pas à faire accéder le réel au sublime littéraire, mais cherchaient plutôt à se nouer à cette extraordinaire compacité du monde, loin de ce goût de mort et d’inutilité que la gloire littéraire procure. Une comparution en quelque sorte, dans un style élisabéthain qui prend parfois des accents shakespeariens, réconciliant la compréhension et la vie, même s’ils semblent écrits comme pour offrir à la vie une issue, peut-être métaphysique. Le geste le plus simple, ouvrant à la plus grande des réalités : écrire… --joël jégouzo--.

 

(la vie nous a vécus et nous la vie.

Comme des abeilles buvant à petits coups

Nous avons regardé, parlé, possédé.

Les arbres poussent tandis que bous durons

Nous aimions les dieux, mais comme on regarde un navire.

Jamais conscients d’être conscients, nous avons passé.)

(Epitaphes – inscriptions, Lisbonne, 1920).

 

 

Poèmes Anglais, Fernando Pessoa, traduit du portugais par George Thinès, éd. Points bi-lingues, avril 2011, 242 pages, 7,50 euros, ean : 978-2-7578-2323-1

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 11:53
lucas.jpg(…) Leur monde est une boule ronde, lisse, purpure, aux bords innés, inabord, d’abord il est inabordable, pas de fissure où se fourrer, pas de voie pour y pénétrer, et puis, et puis, il se méfie de nous, tic tic, il est métaphysique, tic, le grand tout métaphysique. (…)   
Héros-Limite, de Ghérasim Luca, éd. Librairie José Corti, 1985, 86 pages, isbn : 2-7143-0130-4.
Première édition : 1953, éd. Le Soleil noir.
Image : Gherasim Luca lisant héros-limite
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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 13:47
pessoa1.jpgLe sang des Borges de Moncorvo et des Acevedo (ou Azevedo) peut sans géographie m’aider à te comprendre, Pessoa.
 
Il ne t’a rien coûté de renoncer aux écoles et à leurs dogmes, aux vaniteuses figures de la rhétorique et à l’opiniâtre tâche de représenter un pays, une classe ou une époque. Sans doute n’as-tu jamais songé à ta place dans l’histoire de la littérature. J’ai la certitude que ces hommages sonores t’étonnent, qu’ils t’étonnent mais qu’ils te vont droit au cœur. Tu es aujourd’hui le poète du Portugal. Quelqu’un inévitablement prononcera le nom de Camoès. Les dates chères à toute célébration ne manqueront pas. Tu écrivais pour toi, non pour la gloire. Ensemble nous allons partager tes vers ; laisse-moi être ton ami.
 
Genève, le 2 janvier 1985.
 
 
(Traduit de l’espagnol par Anne Morvan)
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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 06:44

james.jpgAix-en-Provence. Les beaux gestes brusques de ces éclats de langue berbère, un dimanche matin, sous les feuillages des platanes d’une place quelconque. Mélancolie d'une langue lasse et un peu solitaire de ne pouvoir se dire en arabe. La mosquée rue des Gondraux, minuscule et comme inventée de bric et de broc, à l’image, précisément, de cette langue immigrée que James Sacré tente et nous donne à voir plus qu’à entendre. Car ces gens dont il croit pouvoir parler, il ne les parle pas mais les montre, dans une langue simple, maladroitement exprimée (mais si justement parlée). Il nous les donne à voir dans une image qui paraît resurgir du vieil imaginaire provençal : un dimanche matin sous les platanes, place de la mairie. Mais de quel être-ensemble qui n’existe pas et dont on ne veut pas qu’il fasse souche ici et qui pourtant fait souche, s’épanouirait-elle ? La voici typiquement immobilisée dans ses heures de marché, un peuple assis au coin des rues, dans la pauvreté d’un express consommé avec beaucoup d’attention.

Dans L’autre figuier, les reprises anaphoriques se multiplient, comme d’une langue qui ne parviendrait pas à se déployer. Le poème paraît creuser et ravauder à chaque mot sa façon, puis il se voit retravailler et son nouvel état n’est pas moins passager. "Un vieux figuier de barbarie / Comme tout éventré. / Le paysage (ou le fond de papier) / En presque pas de couleur."

James Sacré écrit comme à côté d’écrire, en quelque endroit du désarroi des mots, comme en déshérence de soi et construit ses poèmes en ne montrant que cela : le presque rien de leur construction. --joël jégouzo--.

 

James Sacré, Écrire à côté, Éditions Tarabuste, 2000, America solitudes, André Dimanche, 2011, Mouvementé de mots et de couleurs, éd. Le Temps qu'il fait.

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