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La Dimension du sens que nous sommes

VIVE LA CRISE : la fabrique du consentement…

5 Avril 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

vive-la-crise.jpg"Ou l’art de répéter dans les médias qu’il est urgent de réformer (enfin) ce pays de feignants et d’assistés qui vit (vraiment) au-dessus de ses moyens"…

"Vive la crise"… Dans son dernier essai, Sébastien Fontenelle n’y va pas avec le dos de la cuillère. La Crise ? Depuis les années 2000, la presse dominante n’a cessé de nous en rebattre les oreilles, martelant jour après jour le même message à la teneur si indigente, ne cessant de travailler, jour après jour, à "la fabrication du consentement", selon la très pertinente formule de Noam Chomsky. Une mise en condition sans précédent de l’opinion, pour une totale soumission au dogme libéral.

La révision générale des politiques publiques, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la destruction de l’Administration française, de l’école française, des hôpitaux français, de la santé française, des transports français, de l’emploi français, de la Justice française, tout cela au nom de la crise, voilà qui fait beaucoup en effet, beaucoup a avaler et que nous n’aurions jamais avalé sans l’aide de médias stipendiés.

Certes, aucun doute sur le sujet, tout cela auquel ajouter les somptueux cadeaux fiscaux aux plus riches, cadeaux qui ont littéralement ruiné le pays, l’orientation éhontée de la dépense publique au service des mêmes plus riches, la confection de conditions de vie toujours plus précaires et plus difficiles pour les salariés, aucun doute, c’est bien à Nicolas Sarkozy que nous le devons, qui n’aura cessé de voler dans la poche des pauvres pendant cinq longues années.

Cela dit, il nous faut tout de même affronter notre histoire dans toute son étendue, et c’est ce à quoi se livre Fontenelle, décortiquant avec intelligence et un rien d’exaspération, la presse française qui, depuis plus de vingt ans, n’a cessé de marteler ses fumeux mots d’ordre pour nous faire avaler la pilule. De l’emploi du mot "tabou" -entendez par là tout ce qui va contre l’idéologie dominante d’exploitation éhontée des classes populaires-, jusqu’au "modèle social" estampillé pour l’occasion "français" pour mieux en dénoncer l’exception, en passant par "l’assistanat" salarié, tout y passe, d’un vocabulaire que nous n’avons cessé d‘entendre sinon de faire nôtre, au point de n’être plus jamais troublés par ses usages quotidiens pilonnés à longueur de journée par une journaille vendue à la cause néo-libérale.

La novlangue des élites est édifiante, qui a fait du progrès la désignation exactement contraire à son sens originel. Et quant aux "nécessaires réformes", elles ont fini par signer les pires reculs anti-sociaux jamais enregistrés dans l’histoire française. Des procédés langagiers dont on sait trop bien à quelle histoire les imputer. La crise ? Le mot était magique, il est devenu notre pain quotidien. Et c’est là que le bât blesse : une génération de clercs de médias s’est agrippée à ce vocable. Une génération arc-boutée sur ses privilèges, une génération, comme l’écrit si justement Fontenelle, qui s’est transformée en fan club de l’exploitation de l’homme par l’homme, depuis le Figaro, certes, mais jusqu’à Libé. Car à lire de près les articles des années 80 que Fontenelle déterre, un sentiment de nausée nous envahit sur le rôle joué dans cette funeste comédie par des acteurs sociaux issus de l’ex-gauchisme à la française, devenus des patrons de presse comme les autres. "Vive la crise", c’était précisément le titre d’un éditorial de Serge July en 1983, servant avant l’heure la soupe aux grands patrons, Laurent Joffrin en chien-chien jappant à ses côtés la même sérénade indigeste. Il faudra bien alors, tout de même, nous en poser la question si l’on veut un vrai changement. Ce n’est pas le moment, me direz-vous, de le mettre en péril par ces rappels intempestifs d’une époque révolue où la deuxième droite affublée de son nez rose, selon la moqueuse expression de Jean-Pierre Garnier (1986) accourut au service d’une classe politique convaincue que l’avenir de la France c’était l’entreprise, sinon la Finance, et non ces travailleurs qui l’avaient portée au pouvoir. Et cette histoire de l’ancrage du pouvoir médiatique dans le pouvoir politique devra elle aussi être ré-évaluée, si nous ne voulons pas d’un changement en trompe-l’œil. Le score atteint par Mélanchon dans les sondages en témoigne, qu’on aime ou non le personnage. Ce score témoigne d’une exigence plus grande qui se fait jour. Alors le changement ? Les forces sociales y sont prêtes. N’en ratons pas l’opportunité.

 

Vive la crise, Sébastien Fontenelle, édition du seuil, mars 2012, 184 pages, 14,50 euros, isbn : 9782021057713.

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