Violence – « Il n’y a pas d’espoir dans le silence des autres.» (J.-F. Deniau)
12 Octobre 2009 Publié dans #entretiens-portraits
Majestueux mais en retard, Deniau s’était avancé vers la table des conférenciers en poussant d’un geste élégant sa canne. J’ai oublié le nom des autres participants. Il capta d’un coup toute l’attention. «Je me suis fait viré de la politique …». Il était donc libre d’user du ton qu’il voulait. Sa parole s’éleva alors sans détour, avec une rare vigueur et sans chercher à masquer ce qu’il ignorait. Malgré son expérience des maquis par exemple, il ne savait toujours pas comment parler de la guerre.
- J’ai été dans le groupe d’aviation de Jules Roy, de Saint-ex. Jules Roy a raconté la violence, la peur. Il a été haï ensuite. Nous avons tous connu la peur, mais c’était un tabou dont personne ne parlait.
- Pourquoi l’Espoir ?
- Personnellement, je n’ai jamais eu le sentiment que je pouvais écrire un roman sur la guerre.
Son honnêteté intellectuelle embarrassa l’auditoire, tout de même fasciné par la violence et la dramatique de la guerre. Lui, s’était engagé pour l’Erythrée. Rimbaud tout proche.
- Un commandant m’a dit qu’il fallait parler de leur guerre, parce qu’elle n’intéressait plus personne. C’était trop long : 23 ans…
Tandis que les autres écrivains ressemblaient à de grands gosses en quête de sens, Jean-François Deniau ramenait à l’essentiel : il n’y a au fond que des histoires de courage et de peur à rapporter face à la violence. Et puis, …
- Il faut prendre parti : il n’y a pas d’espoir dans le silence des autres… La violence, c’est d’abord l’évidement de la parole, le congé de soi en attendant de tuer l’autre…
- Pourquoi la chair est-elle toujours au bout de son compte ?
Deniau pris le temps de me répondre, me dévisageant avec malice.
- Je ne sais pas.
- Cela a-t-il quelque chose à voir avec l’Incarnation ?
Il prit un temps plus long encore, tandis que le public s’impatientait. Puis il lâcha sobrement que le corps n’était pas une chair en effet, ou quelque chose comme ça. Pas encore. Que c’était un Mystère. Pas une énigme. Que cela avait quelque chose à voir, oui. Mais il ne savait trop où. Que le corps n’avait pas de chair et qu’on ne savait trop d’où elle finissait par lui venir. J’ai songé au chiasme tactile de Husserl, pour ne pas avoir à songer aux mystères de l’Incarnation. La chair se sentant sentir. Et Deniau s’en est allé en jetant un dernier coup d’œil par dessus son épaule, pour me voir quitter la salle à mon tour. –joël jégouzo--.
Tadjoura. Le Cercle des douze Mois, de Jean-François Deniau, LGF/Livre de Poche, janvier 2001, 284p., 5 euros, EAN : 9782253149798.
Newsletter
Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.
Pages
Catégories
- 512 Politique
- 488 en lisant - en relisant
- 294 essais
- 128 poésie
- 77 IDENTITé(S)
- 67 LITTERATURE
- 66 entretiens-portraits
- 53 DE L'IMAGE
- 52 essai
- 36 Amour - Amitié
- 16 théâtre
- 2 danse