UNE CURIEUSE ENVIE D’INDOCHINE : L’EXOTISME CONTEMPORAIN AU MEPRIS DE L’HISTOIRE…
17 Mars 2010 , Rédigé par texte critique Publié dans #en lisant - en relisant
"Une envie d’Indochine sous le second Empire", sous-titre avec une très grande justesse cet ouvrage publié chez Arléa.
En fait la réédition d’un très ancien récit de voyage, celui de Henri Mouhot, publié en 1863 dans la revue Le Tour du Monde.
Naturaliste, savant autodidacte, grand voyageur, Henri Mouhot parcourut l’Asie du Sud-est à la faveur d’une bourse que lui octroya la Royal Geographical Society de Londres.
L’ouvrage, bien évidemment, est empreint de tous les préjugés de l’époque : c’est à travers le prisme de sa propre culture que notre explorateur appréhende les sociétés et les peuples qu’il découvre, avec une "franchise" telle qu’il en est devenu un classique des études orientalistes.
Un document donc, impossible à lire sans ce recul. Hélas, la préface destinée à nous le présenter, elle, manque cruellement de ce recul. On en tombe des nues même, à lire sous une plume aussi peu informée desdites études orientalistes une apologétique tentant de nous faire passer l’ouvrage pour autre chose que ce qu’il est. L’expression de "la vérité toute nue" s’extasie le préfacier, presque salutaire dans la France d’aujourd’hui, à cause de cette franchise que Mouhot aurait osé, à ne pas négliger "les humains parmi les espèces vivantes qu’il se propos(a) d’observer"… On reste pantois de découvrir que ce préfacier n’a pas cru judicieux de relever dans le récit de notre savant les préjugés pointant sans rire "la paresse" congénitale des autochtones, ou faisant du Siam un "nid de voleurs et d’assassins"…
Certes, Mouhot n’hésita pas à dénoncer les systèmes corrompus d’une administration coloniale naissante, ses gouverneurs stipendiés et les régimes d’esclavage qu’ils mettaient en place. Mais sous sa plume, cela relevait de notre responsabilité, pas de celle des "sauvages" qu’il rencontrait. Car Mouhot voyait les peuples à travers les yeux des évangélisateurs chrétiens et, partisan de la politique de la canonnière, il pensait lui aussi, partageant en cela les préjugés de son époque, que la colonisation, réformée par les soins de politiques avisés, serait un vecteur de développement économique et social. Qu’in fine, notre préfacier en appelle à la "la curiosité avide de l’enfant" pour savourer ce récit de voyage comme un récit d’aventure, on se dit pour le coup que l’éditeur aurait pu tenter une meilleure envie d’Indochine en l’encadrant d’un appareil critique autrement solide. L’ouvrage, historique, méritait en tout cas un meilleur traitement…--joël jégouzo--.
Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos : Et autres parties centrales de l'Indochine, 1858-1861, de Henri Mouhot, préface de Patrick Salès, éd. Arlé, coll. Essai, février 2010, 302 pages, 20 euros, ISBN-13: 978-2869598843.
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