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La Dimension du sens que nous sommes

Un état commun entre le Jourdain et la mer, Eric Hazan, Eyal Sivan

19 Novembre 2013 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

sivan.jpgFrançois Hollande a donc lui aussi rallié la cause mille fois entendue de deux états pour la Palestine… La cause de la partition, donc, celle dont on nous rebat les oreilles depuis des siècles (c’est une métaphore aujourd’hui, bientôt une réalité) et qui, sous couvert de négociations en cours, justifie le maintien d’une situation littéralement invivable. Eric Hazan et Eyal Sivan militent, eux, pour un état commun. Pour le partage plutôt que la partition. A première vue, il y a de quoi surprendre. L’idée de partition est tellement ancienne, tellement ancrée dans les esprits, pensez : elle remonte à l’année 1937 et au rapport de la commission Peel. Après les révoltes arabes, on pensait que les deux peuples ne pourraient d’aucune façon s’entendre jamais. Mais ces deux états promis dès 1937 n’existent toujours pas. Pourquoi ? Parce que, expliquent Hazan et Sivan, il ne s’agit que d’un «discours de guerre drapé dans une rhétorique de paix». Personne n’en veut. A commencer par les Occidentaux. Qui veulent au contraire perpétrer ce provisoire qui laisse les coudées franches à Israël. Et Hazan et Sivan d’énumérer les raisons de cette volonté, à commencer, en effet et quoiqu’en dise François Hollande, par celle qui consiste à rendre l’annexion des territoires acceptable, à l’usure, tout en gardant l’image d’une nation, Israël, contrainte de se défendre contre une bande de terroristes que le balai diplomatique ne parviendrait pas à soumettre. Ce qui légitime le caractère militaire de l’état d’Israël et les discriminations qui, à l’intérieur de cet état, affectent ses populations arabes. Les litiges quant à eux, qui autorisent des négociations sans fin, ne font qu’entretenir la machine bien huilée du balai diplomatique et couvrent l’état de guerre sans fin qui s’est installé en Palestine. Côté palestinien, Hazan et Sivan observent que cette situation d’un provisoire éternel a généré une bourgeoisie d’affaire corrompue qui ne tient guère à voire ses prérogatives dénoncées, et un statut de VIP internationaux pour les officiels de l’Autorité, qui a fini par suspendre toute démocratie en Palestine. Enfin, la persistance des négociations sauve les apparences pour le reste du monde. On est dans le temps de la négociation. Qu’importe si on y est depuis 70 ans… Israël poursuit sa colonisation, créant de nouveaux litiges qui nécessitent de nouveaux rounds de négociation. L’histoire est sans fin.

Un vrai état palestinien n’est donc plus possible. 1/3 seulement des palestiniens l’habiteraient : les autres sont en exil. En outre les colonies ont littéralement disloquées le territoire palestinien, peuplés de 500 000 colons désormais. Enfin, la circulation des populations et des marchandises dépend exclusivement du bon vouloir israélien. Mais un état juif n’est pas possible non plus, affirment Hazan et Sivan. D’abord parce que du point de vue du droit international, il pose de sérieux problèmes : quid des nationalités non juives au sein de cet état ? Qu’est-ce qu’un état laïc qui distingue nationalité et appartenance religieuse en donnant la priorité à cette appartenance ? 20% de la population israélienne est arabe, mais relève de 4 statuts différents… Dont nombre d’entre eux excluent les arabes, citoyens hébreux, de l’Administration Publique… Quid du renforcement du caractère juif de l’état israélien ? Interdisant par exemple que les populations arabes commémorent leurs propres tragédies. A bien y réfléchir, nos auteurs finissent par conclure qu’au fond, l’état de guerre permanent est le vrai garant de la cohésion nationale. Et qu’une sortie de cet état serait en fin de compte périlleuse pour la société juive d’Israël. Reste la solution d’un état commun. Ni juif, ni musulman. Un vrai laboratoire pour la démocratie mondiale ! Qui balaierait l’argument ethnographique trop souvent déployé, la fin de la souveraineté étatique juive ne signifiant pas la fin de la présence juive dans cette région. Un état commun est possible, nous disent Hazan et Sivan, d’autant que la partition reste source de violence. Mais cela demande de la part de la diplomatie mondiale une maturité politique qu’elle n’a pas.

 

 

Un état commun entre le Jourdain et la mer, Eric Hazan, Eyal Sivan, La Fabrique éditions, coll. La Fabrique, 24 mars 2012, 67 pages, 14 euros, ISBN-13: 978-2358720335.

 

 

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