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La Dimension du sens que nous sommes

THEME AFRICAIN, ENTRETIEN AVEC LE PEINTRE YVES CAIROLI (4/6)

25 Mars 2011 , Rédigé par texte critique Publié dans #entretiens-portraits

ame_perdue.JPGjJ : Sur ce graphisme, oui, cet entremêlement de modernité et d’art brut, je trouve cela très réussi en effet, très juste. Vous parlez de "bestiaire", à propos de notre humanité. Quel drôle de mot, non ? Dénonce-t-on au demeurant un tourment ? Je vois bien la distanciation à laquelle vous procédez, ironique sans être narquoise, malicieuse, qui nous enchante par son humanité même si j’ose dire. C’est-à-dire, et je vais utiliser volontairement un vocabulaire agaçant pour le dire, plus miséricordieuse que désabusée (d’où la question sur le bestiaire humain). Mais vous avez inventé une drôle de distance pour l’exprimer !

Yves Cairoli : Je ne trouve pas que le terme "Bestiaire" soit un drôle de mot. Ne sommes-nous pas de drôle de bêtes? Des animaux bien compliqués et bien difficiles à cerner et à analyser. Ce que je dénonce ou essaie d'illustrer, ce sont les travers des hommes: avidité, violence, soif de pouvoir, barbarie...Et les conséquences de ces travers que sont la souffrance, le deuil etc. ... Je me suis peut-être mal exprimé: je ne dénonce nullement le tourment mais essaie de le souligner. Je ne me pose pas en moraliste mais en témoin. Je ne juge pas, je n'absous pas non plus, je fais un constat.

 Il est vrai que la distanciation est ironique , quelque fois humoristique, mais je ne crois pas qu'elle soit miséricordieuse ( même s'il doit me rester quelques restes d'éducation judéo-chrétienne !!!! rires). Peut être que cette distanciation en apprend-elle autant sur moi que sur le sujet traité ? Ironique et humaniste me conviennent très bien.

 

jJ : Je voudrais revenir tout de même sur cette question. Muriel Océane Misako Gobet disait de ces représentations qu’elles étaient "touchantes", ce à quoi Fabienne Abbet-Vidal enchérissait avec un "poignant" que je trouve tout à fait juste. Poignant, cet assemblage de formes humaines bricolées, ficelles, tiges, bois et cartons dirait-on parfois, bouts de choses quelconques, des trucs enchevêtrés pour faire tenir tout ça : l’Humain. Non pas triomphant dès lors, mais tout de même, dans l’ingéniosité d’un bricolage hasardeux finissant par trouver une voie, une manière d’exister malgré tout, contre tout, de surgir. Poignant. Qu’en pensez-vous vous-même ?

Yves Cairoli : Concernant les adjectifs "poignant" et "touchantes", je ne sais que répondre à cette réaction devant les toiles. Elle me fait plaisir car j’ai l’impression que je réussis à faire passer une émotion à travers les thèmes représentés. Il s’établit quelquefois entre le personnage représenté et le spectateur des liens mystérieux, comme une espèce de complicité, d’empathie. Le peintre n’est que le médium de cette rencontre inespérée.

Il est vrai que ces masques ou créatures reflètent assez bien, je trouve, ce qu’est l’être humain en général : une créature constituée de bric et de broc qui s’est construite au fil du temps, une créature rafistolée au gré des blessures, des cicatrices, des lectures, des rencontres, des événements vécus, des traumatismes, et qui, malgré tout cela, avance. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de l’humain, sa formation / déformation composite. Ce qui nous rend différent les uns des autres, c’est bien ce bricolage aléatoire, hasardeux comme vous l’écrivez, qui fait ce que nous sommes. Peut-être est-ce un point de vue personnel, mais l’homme est tout sauf triomphant. La belle façade qu’il arbore cache bien souvent des échafaudages brinquebalants qui maintiennent le tout. Ce qui m’intéresse chez l’homme, ce sont les stratégies qu’il met en place pour essayer d’exister aux yeux des autres et la façon dont il se construit au fil du temps qui passe.

 



Yves Cairoli, né en 1960. Autodidacte. Ne connais pas la date exacte à laquelle il a commencé à dessiner. Avant de savoir lire et d’écrire probablement ! A été progressivement illustrateur dans une revue de citizen-band , ouvrier sidérurgiste, puis certifié de Lettres Modernes. A commencé la peinture à l’âge de 22 ans. A participé à de nombreuses expositions collectives et personnelles en France et en Belgique… Principales expositions : Galerie Schèmes à Lille, Galerie Art Place à Lille, Galerie d’Halluin à Cassel, Galerie Begard à Douai,Galerie Natascha, à Knokke le Zoute, etc. …

http://www.artmajeur.com/yvescairoli

image : âme perdue : acrylique sur toile /60x60/2008

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