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La Dimension du sens que nous sommes

Témoignage : la vie d’un clandestin en France…

9 Mai 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #Politique

sayed.jpgUne histoire vraie. Celle de Mehdi Sayed. Celle d’un autodidacte parlant l’arabe, le français, l’italien, le roumain. Celle d’un autodidacte cultivé. Qui a fui la Tunisie en 1983. Qui a connu la misère dès sa sixième année. Qui a été arrêté à sept ans. Habitant ici, puis là, abandonné à la violence ordinaire, faisant le coup de poing pour y échapper, livré, sans cesse, à la brutalité d’un monde injuste. C’est l’histoire d’un gamin privé de scolarité et contraint de vivre seul. Moins libre que livré à lui-même. D’un môme qui a dû se construire dans l’adversité, de petits boulots en petits boulots, exploité par tous, exposé dès son plus jeune âge au rêve français que les touristes exhibent sans pudeur. C’est l’histoire d’une vie déposée très tôt, confrontée à la violence de la convoitise, qui finit par se jeter à l’eau pour traverser la Méditerranée à la nage. C’est l’histoire d’un gamin qui échoua sur une plage italienne à la poursuite du rêve européen. A la boussole. Jeté bientôt dans les affres du travail clandestin dont les patrons ne sont jamais avares. C’est l’histoire d’un gamin qui voulait vivre et qui a survécu, qui a grandi et dont le calvaire ne changea pas, devenu jeune homme. C’est l’histoire d’une vie clandestine en France éclairant d’une lumière crue toute l’économie souterraine qui profite aux patrons véreux, aux politiciens crapuleux, aux caïds de la drogue. Marseille, Toulon. Toulon : une ville où l’on vote massivement FN et où l’on accueille volontiers les clandestins pour les exploiter jusqu’à plus soif.

Mehdi vécut une première fois sept longues années en France, d’une traite, avant de se retrouver en prison et d’être renvoyé dans un pays dont il avait fini par devenir étranger. C’est l’histoire d’un sans papiers contraint de vivre au jour le jour, plongé dans l’impossibilité de construire quoi que ce soit de durable. Ni réussir ni mourir, juste durer. Comme durent les choses. C’est l’histoire des logements insalubres que l’on réserve aux clandestins. Une histoire méditerranéenne. Une histoire de tempêtes bien réelles, de naufrages et de survie au milieu de la mer, à boire au goutte à goutte l’eau de refroidissement du canot à moteur sur lequel on dérive. C’est l’histoire de l’argent facile, des flics pourris, des êtres fragilisés exposés à toutes les vindictes, toutes les brutalités, toutes les exactions. C’est l’histoire d’un peuple souterrain dont l’existence révèle l’hypocrisie, les mensonges, la violence de la République française. Un peuple épris d’une liberté refusée. C’est l’histoire d’une survie âpre, à fuir les chasses qu’on organise pour vous tuer. C’est l’histoire d’un homme qui a fini par grandir et devenir adulte et, nettoyé jusqu’à l’os, au terme d’une dérive de 33 ans, a compris que sa dérive n’était rien moins que celle d’une humanité vaine, à la peine avec elle-même.

 

 

Ma vie de clandestin en France, 17 ans d’errance dans la France d’en dessous, de Mehdi Sayed et Virginie Lydie, nov. 2011, éd. La boite à pandore, coll. La boîte à Pandore, 224 pages, 16,95 euros, ean : 978-2960074185 .

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