TELL ME DARK : ON SE PERD DANS CE MONDE
19 Novembre 2011
, Rédigé par texte critique
Publié dans
#en lisant - en relisant
Les yeux cavés de visions nocturnes, Michaël, halluciné par son plongeon suicidaire dans la Tamise, cherche Barbara. Elle est partout, fantôme dépecé par de funèbres rites sadomasochistes. Défoncée à toutes les heures de sa vie, incapable de sortir du cercle archaïque de ses démons. L’histoire de sa passion pour Barbara l’entraîne aux portes de l’enfer. "On se perd dans ce monde". On veut sentir, on essaie. "Etre aimé. Appartenir. On ne sait pas comment. Alors, on demande à la nuit." Adossé au malheur, parmi les noires épouvantes de l’asphalte, Michaël sait que désormais sa douleur est son unique noblesse et qu’il lui faut la traverser de part en part s’il veut récupérer Barbara. Ni la terre, ni les enfers ne mordent jamais à cette douleur. L’invraisemblance d’aimer, seule, nourrie de son incertitude grandiloquente, est son guide fragile. Une œuvre conçue dans la fulgurance de la violence beaudelairienne. L’image, grattée, rayée, rouillée en d’affolants lâchers d’encre, déploie toutes les ressources que la peinture, le dessin ou la gravure autorisent. Le texte ricoche abruptement dans ces planches, mêlant au verbe de Baudelaire les notations sèches de Karl Edward Wagner. Un visage monte parfois brusquement dans la page, ou bien il est estompé, à peine esquissé. Ce n’est jamais gratuit : le silence ou le bruit, la présence ou son fantôme, l’absence ou le rêve conditionnent chaque fois le choix des représentations, ou du dessin. --joël jégouzo--.
Tell me, Dark, Karl Edward Wagner, Kent Williams et John Ney Rieber, traduit de l’américain par Nicholas Wood, conception graphique Nakama, coll. Atmosphères, Le masque, janvier 2000, 80p.