Slavoj Žižek : de la mélancolie du sujet contemporain…
21 Novembre 2012 , Rédigé par texte critique Publié dans #essais
Pourquoi Shakespeare est-il si contemporain ?, se demande Žižek . A cause de la mélancolie d’Hamlet, si comparable à la nôtre, celle de devoir vivre dans un monde duquel a disparu l’expérience collective de la Joie.
Dans cette étude, l’approche est psychanalytique. Mais elle en déborde le cadre et l’intérêt, interrogeant chacun sur un sujet qui lui est proche, celui du désir, de l’intention, quand celle-ci en particulier précède son objet.
Dans son analyse, la figure du mélancolique apparaît comme s’incarner dans la perte du désir sur l’objet, parce qu’à force de l’avoir précédé, on a fini par égarer les raisons qui le faisait désirer.
Mélancolie tragique, sinon comique, dans cette présence des objets soudain indifférents à nos errements. Ils sont bien là, mais le sujet ne les désire plus. C’est en cela que la mélancolie s’inscrit dans la structure même du sujet moderne, nous dit Žižek. Et c’est sans doute pour contrer cet égarement que ce même sujet se tourne vers l’interdiction, comme seule digue capable de maintenir le désir vivant.
Mais ne peut se déparer d’une impatience à posséder… Non plus que de l’inquiétude dans laquelle nous jette le désir de l’autre.
Juliette : Pourquoi suis-je ce nom ? Au lieu évanoui d’être, ignorant de quoi tu me remplis, quel objet je suis pour toi ?
L’identité symbolique du sujet est toujours historiquement déterminé par une constellation idéologique. Juliette sait la force de cette interpellation idéologique. Mais voilà qu’à vouloir briser cette force, elle bascule, et ne sait plus de quoi elle est remplie symboliquement : son être entier est désormais soutenu par l’incertitude de ce qu’il est pour l’autre. C’est, commente Žižek, l’espace même du sujet hystérique que cette destitution subjective.
Est-ce là où le monde contemporain nous a précipité ?
Que le désir soit hystérique, Lacan nous l’avait appris. Il est le désir de rester un désir, ne désirant au fond rien tant que son insatisfaction. Mais résister à saisir l’objet ? S’il détermine ce que nous sommes, comment le pourrions-nous ?
Bien que nous sachions que sa possession nous affectera d’une manière incontrôlable, car il est comme un intense petit morceau de réalité qui circule partout, qui partout provoque d’intenses investissements libidineux. Juliette en sait quelque chose, qui l’éprouve, en explore l’étrange statut, et l’impasse, jusqu’à devenir elle-même un espace formel vide.
Lacan & ses partenaires silencieux, Slavoj Žižek, traduction Christine Vivier, éd. Nous, Coll. Antiphilosophique, octobre 2012, 152 pages, 20 euros, isbn : 978-2913549777.
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