L’histoire d’une fidélité à l’éthique de la dignité humaine, quand la France sombrait dans le chaos de Vichy. Juin 1940. Sur la petite ville de Saint-Martin déferle le flot des réfugiés. Simone a quinze ans. L’immense pagaille d’une humanité piteuse, jetée sur les routes dans ses habits du dimanche désormais en lambeaux, lui soulève le cœur. Humanité en loques, s’épuisant à traîner derrière elle tout un bardas dérisoire d’objets inutiles, emportés dans un geste de panique au moment du départ. Simone vit dans la famille de son oncle, patron d’une entreprise de transport et d’un dépôt d’hydrocarbure, qui en font l’un des hommes les plus riches de la ville. C’est le frère de son père, mort héroïquement d’avoir passé sa vie à combattre l’injustice. Simone ne comprend le monde que dans la fidélité à cette mémoire, qu’elle n’a de cesse de réhabiliter. Un jour le pont du Serein, seule voie d’accès à la ville, est mitraillé. On dénombre des dizaines de morts. Traumatisée par l’incident, elle découvre sans d’abord vouloir le croire, que son oncle est plus occupé à préserver sa fortune, quitte à se compromettre avec les allemands, qu’à sauver du désastre ces milliers de réfugiés à qui il refuse son essence et ses camions. Contre son propre oncle, elle accomplira bientôt le seul acte de résistance notoire de Saint-Martin.
Ainsi, tout repose symboliquement dans ce roman sur les épaules d’une jeune fille immature, qui offre la seule réponse d’importance à l’Occupation. Ecrit en 1943, alors qu’il fuit lui-même sur les routes françaises de l’exil, Feuchtwanger nous restitue dans cet ouvrage l’atmosphère de la drôle de guerre avec une rare profondeur. --joël jégouzo--.
Simone de Lion Feuchtwanger, traduit de l’allemand par Dominique Kregler, éd. Fayard, février 2001, 322p., ean : 9782213601453